(Associated Press - 10/03/2009) - Khamisa Sawadi, qui est syrienne mais mariée à un saoudien, a été déclarée coupable et condamnée la semaine dernière pour un rendez-vous avec des hommes qui ne sont pas de sa famille proche.
La condamnation de la veuve de 75 ans à quarante coups de fouet et à quatre ans de prison pour mixité avec deux jeunes hommes, qui étaient venus lui apporter du pain, a entraîné de nouvelles critiques vis-à-vis de la police et des tribunaux religieux ultra-conservateurs. Les deux hommes, dont un des neveux du défunt mari, ont aussi été déclarés coupables et condamnés à des peines de prison et de coups de fouet.
Abdel Rahman Al-Lahem, l’avocat de la femme, a déclaré à Associated Press qu’il ferait appel du verdict, qui ordonne aussi l’expulsion de Madame Sawadi après sa peine de prison. Il n’a pas voulu donner plus de détails et a affirmé que sa cliente, qui ne subit pas immédiatement la sentence, ne parlerait pas avec les médias.
La stricte interprétation saoudienne de l’Islam interdit la mixité entre hommes et femmes s’ils ne sont pas parents proches et interdit aux femmes de conduire. Les tenants de la ligne la plus dure considèrent que jouer de la musique, la danse et de nombreux films violent aussi les valeurs religieuses et morales.
Une police spéciale, la Commission pour la Promotion de la Vertu et de la Prévention du Vice, applique ces lois, et patrouille dans les lieux publics pour s’assurer que les femmes sont voilées et ne portent pas de maquillage, que les deux sexes ne se mélangent pas, que les magasins ferment cinq fois par jour pour les prières musulmanes et que les hommes vont à la mosquée.
Mais la critique de la police et des tribunaux religieux se développe en Arabie Saoudite, où beaucoup disent qu’ils ne font qu’utiliser leurs pouvoirs pour interférer dans la vie des gens. (…)
Dans l’affaire de Sawadi, la vieille dame a rencontré les deux hommes de 24 ans après qu’elle leur ait demandé de lui apporter cinq pains, selon le journal saoudien Al-Watan.
Les hommes, identifiés par Al-Watan comme Fahd Al-Anzi, le neuveu, et son ami et collaborateur Bin Zein, sont allés chez Madame Sawadi à Al-Chamil, au nord de Ryiad, la capitale. Après avoir livré le pain, les deux hommes ont été arrêtés par la police religieuse, selon Al-Watan.
La court dit qu’elle s’est basée pour son verdict du 3 mars sur une « information citoyenne » et sur le témoignage du père d’Al-Anzi qui accuse Madame Sawadi de corruption.
« Etant donné qu’elle dit ne pas avoir de mari et étant donné qu’elle n’est pas saoudienne, la culpabilité de mixité illégale est confirmé », peut-on lire dans le verdict du tribunal.
Madame Sawadi a dit au tribunal qu’elle considérait Al-Anzi comme son fils parce qu’elle l’avait nourri au sein quand il était bébé. Mais la cour a refusé de prendre cet élément en compte, considérant que Madame Sawadi n’apportait aucune preuve de cela. Selon la tradition islamique, nourrir un enfant au sein constitue un degré de relation maternelle, même si l’enfant n’est pas biologiquement celui de la femme.
Madame Sawadi demandait régulièrement de l’aide à ses voisins après la mort de son mari, dit le journaliste saoudien Bandar Al-Ammar qui a rapporté les faits pour Al-Watan. Dans un article récent, il écrivait qu’il considérait nécessaire de raconter ces faits « pour que tout le monde sache jusqu’à quel point nous sommes tombés ».
D’autres ont aussi dénoncé le jugement contre Madame Sawadi, accusant la police religieuse d’aller trop loin.
« Comment un verdict peut-il se baser sur un simple soupçon ? », écrivait la docteur et éditorialiste saoudienne Laila Al-Ahdad, lundi, dans Al-Watan. « Un groupe de gens abusent de la religion au nom de leurs propres intérêts ».
Dépêche d’Associated Press, 10 mars 2009
Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 avril 2009