| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






jeudi 1er mai 2014

Le remboursement des mères porteuses ? Du délire !

par Céline Lafontaine, professeure de sociologie à l’Université de Montréal






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Qu’en est-il de la dignité humaine, mais aussi de la démocratie ?
L’utérus aux œufs d’or. Une dystopie
Non à la marchandisation du ventre des femmes et à la vente des enfants
Le débat international sur les mères porteuses et les droits des enfants
GPA : Non au marché de la personne humaine
L’éthique de la parole donnée : condition de l’engendrement de l’être et du savoir
Une éthique féministe pour penser la maternité de substitution
Le Conseil de l’Europe doit travailler pour les droits des femmes
Le Conseil de l’Europe et la Conférence de La Haye sont-ils en train de légaliser la GPA ?
Pour l’arrêt immédiat du commerce d’enfants et de la location du ventre des femmes pauvres
Gestation pour autrui (GPA) - Rupture avec l’éthique et fausse notion de l’altruisme
Pour une société émancipatrice : ni prostitution, ni gestation pour autrui (GPA)
PDF Québec dénonce la position du CSF sur le recours aux mères porteuses
Conseil de l’Europe et maternité de substitution (GPA) - Une rapporteure en conflit d’intérêt
Sortir en douce de l’espèce humaine...
Mères porteuses - gestation pour autrui. Pour ou contre ?
GPA - Attention ! Une image peut en cacher une autre
Mère porteuse ou GPA – ‘Proxénètes de l’utérus’ et ’exigence d’une mère absente’
Du désir d’enfant au blanchiment d’enfant
Protégez les femmes de l’achat et de la vente des bébés et des mères
En Inde, la gestation pour autrui est loin de profiter aux femmes comme on le prétend
Bioéconomie - La vie elle-même, au coeur d’une nouvelle phase de la globalisation capitaliste
Pourquoi nous sommes contre la Gestation pour autrui (GPA) ou le recours aux mères porteuses
La maternité de substitution, une industrie grandissante
La légalisation de la gestation pour autrui
Québec - Commentaires sur la réglementation entourant la procréation assistée
Un débat public sur la procréation assistée est nécessaire
Le commerce des organes n’est pas un problème mathématique
Breveter l’humain
Le projet de loi sur les NTR pourrait être encore retardé
Y a-t-il un bon clonage et un mauvais clonage ?
Le projet de loi sur la procréation assistée, une porte ouverte aux abus ?
L’enjeu du biopouvoir, c’est le contrôle du monde
Glossaire de la biotechnologie







La nouvelle dépasse l’entendement.

Alors que les listes d’attente pour accéder à des traitements menacent la qualité des soins de santé et que les urgences parviennent difficilement à répondre aux besoins des citoyens, on annonce que la RAMQ remboursera désormais les traitements de fécondation in vitro (FIV) pour les couples homosexuels ayant recours à une mère porteuse. Non seulement cette décision est-elle injustifiable sur le plan des finances publiques, mais elle soulève d’importantes questions quant aux valeurs profondes de la société québécoise et du sens que l’on donne collectivement à la vie humaine. Car au-delà du coup médiatique de Joël Legendre, vedette populaire incarnant de manière radicale l’individualisme triomphant de l’époque, c’est l’indisponibilité et la dignité du corps humain qui est ici en jeu.

Au nom du « droit » à l’enfant, on permettra désormais l’instrumentalisation du corps des femmes en les transformant littéralement en « machines » à produire des bébés. Comme l’a clairement démontré la juriste française Muriel Fabre-Magnan (1), la « gestation pour autrui » est par essence contraire aux droits de la personne puisqu’elle suppose l’objectivation complète de la femme en plus de faire de l’enfant à naître l’objet d’un contrat.

Les ministres péquistes ont-ils favorisé cette décision ? Si oui, comment concilient-ils le principe prétendument sacré de l’égalité entre les femmes et les hommes avec la mise en service du corps des femmes pour les couples homosexuels ? Faut-il rappeler que les traitements de fécondation in vitro ne sont pas sans risques pour la santé des femmes et qu’ils sont souvent très pénibles ?

Peut-on parler d’altruisme quand une femme porte volontairement un enfant dans le but de l’abandonner à la naissance ? Au nom de quoi peut-on justifier la « production » programmée d’orphelins ? Comment la relation mère-enfant sera-t-elle encadrée après la naissance de l’enfant ? Est-ce que ces mères porteuses auront droit à un congé de maternité payé ? Autant de questions sans réponse pour une décision insensée.

Au-delà des casse-tête juridiques, éthiques et politiques que représente cette décision, ce sont les justifications évoquées pour la défendre qui se révèlent les plus instructives des dérives éthiques de la société néolibérale québécoise.

Le refus de permettre le recours aux mères porteuses serait, selon les propos de Joël Legendre, discriminatoire pour les couples homosexuels. Autrement dit, la reconnaissance juridique des droits des couples homosexuels n’est plus suffisante pour répondre à la quête identitaire de certains, l’État doit dorénavant répondre aux limites biologiques des individus eux-mêmes.

Soyons clairs sur ce point : l’adoption d’enfants par des couples homosexuels ne pose pas de problème éthique en soi. Mais le fantasme génétique derrière le recours à une mère porteuse est plus qu’inquiétant. L’industrie de la fécondation in vitro aura donc réussi à ouvrir toutes grandes les portes du Corps-Marché (2) en faisant de la chair humaine une matière première au service du désir des plus riches de notre société. Nous ne sommes plus très loin du posthumain, puisque ni l’infertilité ni l’homosexualité ne sont des maladies. Le recours aux mères porteuses relève donc ni plus ni moins d’une volonté d’exploiter les potentialités reproductives du corps féminin.

À l’heure où l’on peine à soigner nos aîné-e-s et où les écoles publiques sont littéralement en ruines, comment peut-on accepter que des vedettes incapables d’assumer la limite de toute existence humaine dictent les politiques publiques en matière de santé et de procréation ? Le plus dramatique dans tout cela, c’est que la vie humaine devient tributaire des désirs et des fantasmes des plus puissants. Bref, au nom du droit à l’enfant, on contrevient aux droits les plus fondamentaux des enfants, dont celui de ne pas faire l’objet d’un échange marchand.

Publié également dans Le Devoir, le 25 avril. Merci à l’auteure de partager cet article sur Sisyphe.

Notes

1. La gestation pour autrui. Fictions et réalité, Fayard, 2014, 93 pages.
2. Céline Lafontaine a publié chez Seuil l’ouvrage Le Corps-marché. La marchandisation de la vie humaine à l’ère de la bioéconomie, avril 2014, qui sera en librairie sous peu. Un chapitre est consacré à la gestation pour autrui.

* Pour plus d’information sur l’auteure, voir cette page.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 25 avril 2014.

 Faites part de vos commentaires sur cet article en adressant un message à sisyphe.info@yahoo.fr



COMMENTAIRES SUR CET ARTICLE

Un enfant fabriqué et acheté ? NON !
par SHG

Avoir un enfant est devenu une marchandise achetable ? Je suis
contre, sauf pour les cas médicaux, qu’ils soient hétéros ou gais, mais si c’est pour une raison médicale, je suis d’accord. Sinon, il faut assumer ses limites biologiques. Ce n’est pas aux contribuables à payer pour ce qui n’est pas essentiel à la vie.

C’est ce qu’on réalise qui est important, pas le fait de matérialiser des
souhaits ou des désirs aux dépens des autres. Où est le respect envers
la vie naturelle ? Il faut assumer, on est homme, on est gai, il faut
assumer nos limites dans cette vie-ci.

Il y a nombre d’autres moyens de "laisser une trace" après notre
passage sur Terre : écrire un livre, faire un film, un documentaire,
de la construction durable, changer des lois qui vont rester, améliorer les conditions de vie d’un groupe, planter des arbres, créer une entreprise, mille actions de bien, et j’en passe. C’est si facile de se convaincre "Je veux un enfant/j’en achète/un/mon désir est satisfait, ce n’est pas un besoin élémentaire pour vivre. Mon désir serait-il plus important que la chosification d’êtres humains. Et l’enfant acheté : comment se sentira t-il lorsqu’en âge de comprendre que son père a payé pour l’avoir alors qu’il aurait pu adopter ? Il me semble qu’aucune raison au monde ne peut justifier une telle marchandisation d’un humain.

Et la mère, si elle a d’autres enfants dans 10 ou 20 ans, comment expliquera t-elle que son/ses enfants a/ont un frère ou une soeur ailleurs ?

SHG, gai et fier à 100%, mais un enfant fabriqué et ACHETÉ
parce que riche en plus ? Non !

Le 30 avril 2014



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Céline Lafontaine, professeure de sociologie à l’Université de Montréal

Céline Lafontaine est professeure agrégée de sociologie à l’Université de Montréal, chercheuse au MEOS (Médicament comme objet social). Son premier ouvrage, L’Empire cybernétique. Des machines à penser à la pensée machine (Seuil, 2004), a reçu le prix Jeune Sociologue. Elle a aussi publié La Société postmortelle (Seuil, 2008) et Le Corps-marché. La marchandisation de la vie humaine à l’ère de la bioéconomie, Seuil, 2014.



    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2014
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin