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mardi 10 août 2004 L’Église catholique et la rhétorique féministe
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Suite à la parution cette semaine d’un extrait de la Lettre aux évêques de l’Église catholique*, la Fédération de ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec souhaite émettre quelques commentaires au nom des 37 maisons membres réparties sur l’ensemble du territoire québécois. Dans sa « Lettre aux évêques », l’Église affirme, entre autres, qu’une des tendances actuelles pour affronter la question de la femme « souligne fortement la condition de subordination de la femme dans le but de susciter une attitude de contestation » . On y lit également que « parmi les valeurs fondamentales qui sont rattachées à la vie concrète de la femme, il y a ce qui est appelé sa « capacité de l’autre ». La femme garde l’intuition profonde que le meilleur de sa vie est fait d’activités ordonnées à l’éveil de l’autre, à sa croissance, à sa protection, malgré le fait qu’un certain discours féministe revendique les exigences « pour elle-même ». Il semble bien que ce soit là que le bât blesse, cette prétention des femmes de définir leurs choix dans les sphères familiales, économiques, politiques et, ce faisant, bousculant et remettant en question des rapports sociaux inégalitaires et des siècles de traditions et d’habitudes. Rappelons simplement que le féminisme est un mouvement social qui s’est donné pour objectif de changer les rapports qui créent les inégalités entre les hommes et les femmes. Le féminisme est un mouvement dynamique, diversifié et multiple. Il est, en soi, un mouvement contestataire mais, entendons-nous bien, il conteste des systèmes, des idéologies et des injustices, et les avancées dont bénéficient les femmes profitent incontestablement à l’ensemble de la société ( services de garde, congés parentaux, accès à l’égalité, planning familial, éducation, etc.). Des voix se font de plus en plus entendre pour affirmer que les femmes devraient cesser leurs revendications, que tout est réglé puisque nous avons, au Québec du moins, des lois, des chartes et même « trop » de droits ! Comment se fait-il alors que tous ces droits, ces lois et avantages « innés ou acquis » n’ont pas fait disparaître, comme par magie, les multiples formes de violence dont sont victimes les femmes et notamment la violence conjugale. En 2000, au Québec, plus de 10 000 femmes et près de 7 000 enfants ont séjourné dans une centaine de maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence. En 2003-2004, 35 maisons membres de la Fédération ont accueilli près de 4 000 femmes et plus de 2 000 enfants. Quel genre de féminisme doit interpeller l’ensemble de la société sur cette question ? N’y a-t-il pas lieu de contester les causes profondes de la violence au sein de la famille et dans la société et d’offrir sécurité et protection aux victimes ? Demande-t-on aux syndicats d’arrêter de contester des situations jugées inéquitables, injustes ? Lorsqu’on fait état, dans la « Lettre aux évêques », de la « capacité de l’autre » comme étant une valeur innée fondamentale attribuée à la femme, on ajoute : « C’est elle enfin qui, même dans les situations les plus désespérées - et l’histoire passée et présente en témoigne -, confère une capacité unique de faire face à l’adversité, de rendre la vie encore possible même dans des situations extrêmes, de conserver avec obstination un sens de l’avenir et enfin de rappeler, à travers les larmes, le prix de toute vie humaine. » Pour qui connaît bien la dynamique de la violence conjugale et les facteurs qui incitent une femme à demeurer avec un conjoint violent, nul doute que cette « capacité de l’autre » est présente mais qu’elle tend également à maintenir le statu quo et peut grandement compromettre la sécurité des victimes. La philosophie des membres de la Fédération de ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec s’inscrit dans une vision féministe de la société basée sur les valeurs suivantes : l’égalité des droits, la justice, la solidarité, le partage et la démocratie. L’approche féministe est à la fois connue et méconnue, elle n’est pas orientée contre quelqu’un ( l’homme ou les hommes) mais vers quelqu’un (la femme ou les femmes) et s’applique à redonner du pouvoir aux femmes, en commençant par le pouvoir sur leur propre vie et ensuite du pouvoir dans leur collectivité. Les maisons d’hébergement ne travaillent pas en vase clos bien que leur adresse soit confidentielle afin d’assurer sécurité et protection pour les femmes et les enfants ; elles initient ou s’associent à des recherches, siègent sur des Tables de concertation, établissent des protocoles d’ententes avec les services de police, les CLSC et aussi avec des organismes offrant des services aux conjoints violents. Les intervenantes des maisons d’hébergement sont des femmes engagées, motivées qui accompagnent les femmes victimes de violence à leur rythme et à leur convenance, ce sont des femmes de coeur, de passion et d’action. La « Lettre aux évêques » ne peut nous surprendre lorsqu’on connaît les positions institutionnelles de l’Église sur plusieurs questions relatives aux femmes. Cependant, elle mérite d’être analysée et commentée et de se tailler une place parmi tous les discours de la dernière décennie qui tendent à discréditer le mouvement féministe et, donc, ses acquis. Marie-Hélène Blanc, Fédération de ressources d’hébergement pour femmes violentées et en difficulté du Québec Sources * Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde Suggestion de lecture L’Église québécoise perçoit mieux le féminisme que le Vatican |