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mardi 24 avril 2007

Les jeux vidéo ont des effets néfastes sur les jeunes

par Jacques Brodeur, consultant en prévention de la violence






Écrits d'Élaine Audet



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Dans la vie des enfants, le nombre moyen d’heures consacrées au petit écran dépasse les 25 heures par semaine. La Fondation Kayser, qui produit des bulletins de recherches sur l’influence des médias sur les jeunes étatsuniens, considère que cette moyenne tournerait plus autour de 35 à 40 heures par semaine quand on englobe les émissions de télé, les jeux vidéo, les films et l’ordinateur (internet et clavardage).

Existe-t-il réellement un lien entre l’augmentation de la violence chez les enfants et la télé ?

Un Avis du Conseil supérieur de l’éducation du Québec publié en février 2001 confirme que le nombre d’enfants qui souffrent de troubles graves de comportement a augmenté de 300% entre 1985 et 2000. Trois facteurs combinés sont responsables de cette hausse : la structure familiale plus fragile qui engendre beaucoup d’anxiété chez l’enfant, un encadrement parental déficient qui génère aussi une angoisse chez l’enfant et l’exposition massive à des divertissements violents. La quantité de violence qui entre dans le cerveau d’un enfant aujourd’hui est énorme ! Celle qui est diffusée à la télé privée a augmenté de 432% entre 1994 et 2003. Ce n’est pas seulement la violence physique qui a augmenté, mais aussi la violence psychologique, surtout par les télédiffuseurs publics. Des études ont démontré que la corrélation entre le temps passé devant la télé et le risque de comportement violent est plus élevée, notamment, que celles entre :
 l’exposition au plomb et l’activité cérébrale ;
 la consommation de calcium et la masse osseuse ;
 les devoirs et le succès scolaire ;
 l’exposition à l’amiante et le cancer ;
 l’exposition à la fumée secondaire et le cancer du poumon.

Ces données proviennent du professeur Craig Anderson, qui témoignait aux audiences du Sénat des Etats-Unis, en 2001, au nom de l’Association des pédiatres. Ses recherches lui permettent de formuler trois conclusions :
 effets à court terme : l’agressivité augmente immédiatement après l’exposition à une émission ou à un film violent, et dure au moins 20 minutes ;
 effets à long terme : les enfants qui regardent beaucoup de téléviolence deviennent, à l’âge adulte, plus violents qu’ils ne l’auraient été sans exposition à la téléviolence ;
 effets à court et à long terme qui affectent les garçons et les filles.

La télé peut-elle être utile si elle est regardée sous surveillance parentale ?

Bien entendu, mais n’oublions pas que les parents qui exercent un encadrement sur la façon dont leurs enfants regardent la télé représentent à peine 5% de la population. Il y a quelques mois, une coroner a étudié le cas d’un garçon de 11 ans qui s’est suicidé en regardant la télé avec son père. Ce dernier était allé répondre à la porte et, au retour, il a trouvé son garçon pendu. Ce papa exerçait de l’encadrement, mais un moment d’inattention a suffi... La surveillance parentale ne peut en aucune façon remplacer complètement la responsabilité du télédiffuseur.

Les écrans incitent à la violence. En quelle année rencontre-t-on le plus grand nombre d’enfants au comportement difficile ?

C’est chez les enfants de maternelle et première année que la violence a augmenté le plus rapidement ces dernières années. En combinant les trois facteurs qui ont provoqué la hausse, on a obtenu des enfants qui, à l’école ou à la garderie, font mal aux autres par plaisir ou sans regrets. En vieillissant, le nombre d’enfants avec des troubles graves de comportement diminue parce que le personnel de l’école parvient à socialiser plusieurs de ces enfants. Mais leurs succès ne réussissent pas à compenser le nombre croissant de nouveaux enfants perturbés qui arrivent à l’école chaque année. L’école n’est pas responsable des problèmes de violence, mais le lieu où elle se manifeste. De plus en plus d’enfants arrivent dépourvus d’habiletés sociales et leur imaginaire regorge de fantasmes antisociaux. Vous seriez surpris de constater combien d’enfants de 7-8-9 ans ont vu le film Massacre à la tronçonneuse  ! L’exposition massive à la téléviolence a désensibilisé plusieurs enfants.

Au lendemain du meurtre d’une jeune fille de 17 ans dans un dépanneur, on a affirmé que certains jeunes, suite à l’utilisation abusive des jeux vidéo, pouvaient connaître une atrophie de certaines régions du cerveau et une incapacité à gérer leurs pulsions.

Plusieurs enfants du primaire consacrent de plus en plus de temps aux jeux vidéo. Dans 85% des cas, les jeux vidéo utilisés sont de la catégorie FPS (First Person Shooter) : le joueur doit tirer plus vite que le méchant, que le monstre (parfois un policier) à l’écran. En répondant au stimulus de plus en plus rapidement, le système nerveux cesse de réfléchir avant de donner l’ordre à la main d’appuyer sur la manette. Pour gagner des points, on n’a pas le choix, il faut constamment diminuer le temps de réaction, on est obligé d’accélérer la réponse. Le cerveau se voit contraint de confier au système nerveux périphérique la responsabilité (automatique) de faire feu « sans réfléchir ». La partie du cerveau qui ne « réfléchit » plus, c’est le lobe frontal, là où on va prendre des décisions morales toute notre vie. En ne la stimulant pas avant l’âge de 20 ans, elle tombe en congé perpétuel.

Des conséquences sûrement très graves...

Un chercheur japonais a fixé des électrodes sur la tête d’enfants, d’ados et d’adultes pour vérifier la circulation des ondes électriques dans leur cerveau. Il a découvert qu’il n’y a pas d’activité dans le lobe frontal lorsqu’une personne joue à des jeux vidéo FPS, contrairement à celle enregistrée lorsque la personne fait des problèmes de mathématiques ou qu’elle lit à haute voix. Selon le chercheur, il faut s’inquiéter du fait que, dans une société de plus en plus violente, le cerveau des jeunes humains soit confronté à des jeux vidéo FPS de plus en plus jeune, de plus en plus fréquemment et de plus en plus longtemps. En privant le lobe frontal de stimulations à l’âge où il peut se développer, les synapses ne se prolongent pas d’une cellule à l’autre. Une fois passé le moment de la vie où les cellules font des contacts, on a tout à fait raison de prédire l’atrophie du lobe frontal.

Comme c’est le siège du sens moral, peut-on conclure à l’atrophie de ce sens ?

Oui, c’est comme si on exerçait une lobotomie sur les enfants et qu’on leur enlevait la capacité de contrôler leurs impulsions, de porter un jugement sur les actes qu’ils poseront ou de se sentir responsables des conséquences de leurs actes et de leurs paroles. Voilà qui explique qu’ils se sentent irresponsables et ne ressentent pas de remords. Lorsqu’on reprend un enfant, il nous répond souvent qu’il a posé ce geste répréhensible sans mauvaise intention, « juste pour rire ». Ne nous en surprenons pas car lorsqu’il a été témoin du même geste à la télé, toute sa famille a pouffé de rire. Quand il a posé le même geste sur une console de jeu, il a gagné des points.

Il en est de même du pouvoir d’empathie, c’est-à-dire la capacité de se mettre dans la peau de sa victime. Des études ont démontré que l’exposition à la téléviolence réduisait la capacité des jeunes de porter secours aux victimes qui les entourent. Cela ne nous rappelle-t-il pas le cas de ces cinq jeunes filles qui jubilaient après avoir mis le feu à un cabanon où elles avaient enfermé un élève trisomique ? Si l’enfant ne peut pas imaginer la souffrance qu’il provoque, pourquoi changerait-il de comportement ? Et puis, en laissant des enfants tirer plaisir d’avoir posé un geste criminel de plus en plus rapidement, on laisse son cerveau tisser un lien inquiétant entre plaisir et violence. N’oublions pas que le pouvoir de distinguer fiction et réalité ne commence à se développer qu’à partir de 7 ans et que ce processus n’est pas complété avant 13 ans. Et la vie nous permet de rencontrer de plus en plus fréquemment des gens de 35, 40 et 45 ans qui ne réussissent pas encore à faire cette distinction.

Face à une situation aussi alarmante, que faire ?

Diverses expériences empiriques ont permis d’identifier des ingrédients à réunir pour composer des remèdes.

 Il faut d’abord sonner l’alarme auprès des parents et valoriser le Gouvernement familial. De quoi s’agit-il ? Pour des parents, il est normal et sain d’avoir des exigences envers les enfants et il est tout aussi normal et sain d’exercer un encadrement auprès des enfants. Cet encadrement, les enfants savent (ou découvriront bientôt), même lorsqu’ils rechignent, que les parents l’exercent par amour. Si un parent n’encadre pas ses enfants, d’autres vont le faire : des pairs, des chefs de gang ou la télé.
 Ensuite, il faut développer trois compétences que le monde des médias a réduites chez nos enfants nord-américains :

    1. la capacité d’exprimer ses émotions et des opinions, ce qui est bien différent de la « liberté » que s’arrogent certains animateurs de radio (jeffillionistes ou grandes gueules) ou certains chanteurs spécialistes de l’insulte et du dénigrement ;
    2. le sens critique, la capacité de différencier la fiction de la réalité, l’humour de l’insignifiance, le bien du mal ;
    3. le pouvoir d’empathie, la capacité de se mettre dans la peau d’une autre personne.

Ces trois compétences se développent par l’exercice, par la pratique. Il faut de toute urgence outiller les familles et les écoles pour qu’elles puissent aider les jeunes à développer ces compéternces.

 Nous rencontrons des enfants qui ont d’excellents parents, une structure familiale impeccable, un bon encadrement parental, pas de télévision à la maison, et nous nous rendons compte que ces enfants ont quand même été influencés. Pourquoi ? Parce qu’il y a un quatrième facteur : l’influence des pairs. Quand un enfant entend ses amis se raconter le meurtre ou le viol vu la veille, ou répéter les grossièretés entendues le matin même à la radio, l’enfant est influencé. Plus il en voit, plus il en entend parler, plus il risque de les répéter.

 Enfin, les parents et l’école doivent se donner un plan de match concerté. Les sportifs le font, les musiciens le font. Pour paraphraser un slogan africain, on ne peut pas élever un enfant sans la collaboration de tout le village. Les milieux où les parents et le personnel de l’école se sont donné un plan d’action concerté ont obtenu des résultats impressionnants.

Que faut-il penser du téléviseur et de l’ordinateur dans la chambre à coucher des enfants ?

Le Gouvernement familial ne devrait pas tolérer de télé dans la chambre de l’enfant, ni jeu vidéo, ni ordinateur. La moitié des échanges par clavardage (chat) servent à salir des réputations. Ils servent à véhiculer des mensonges contre notre enfant, s’il est victime, ou à faire participer notre enfant au dénigrement, s’il fait partie des agresseurs.

Pendant le repas, la télé devrait être fermée. Les parents d’aujourd’hui parlent avec leur enfant un maigre 38 minutes par semaine, et le repas est le moment idéal pour communiquer avec son enfant.

Dans toute situation d’agression ou de violence, il y a trois personnages : victime, agresseur et témoin. Une approche gagnante implique que l’on renforce le pouvoir du témoin dans toute situation, au lieu de laisser les enfants s’associer à l’agresseur par sa passivité, par son rire ou par son silence. Il faut entraîner nos enfants à s’associer à la victime et à s’opposer aux abus commis par les agresseurs. Il faut enfin développer la complicité entre l’école et la famille. On n’envoie pas notre enfant se faire élever à la place des parents. Parents et enseignant-es sont des partenaires, d’où l’importance de se doter d’un plan de match commun.

Le Défi de la Dizaine sans télé ni jeux vidéo

Au cours du dernier quart de siècle, plusieurs solutions ont été expérimentées. Policiers à l’école, suspensions, tolérance zéro, vouvoiement, etc. L’une de ces solutions a réussi le tour de force de rapprocher les parents de l’école, d’impliquer la communauté, d’éveiller le sens critique des enfants, de soustraire les enfants à l’emprise de la télé, et a obtenu des évaluations positives des enfants, des parents et du personnel. Cette solution s’appelle le DÉFI de la Dizaine sans télé ni jeux vidéo. Elle s’inspire d’un programme californien connu sous le nom de SMART (Student Media Awareness to Reduce Television). Son créateur, le Dr Thomas Robinson, a démontré qu’il pouvait entraîner une réduction de la violence verbale et physique de 50 et 40%. Étonnant, non ? Chaque année, le nombre croissant d’écoles qui expérimentent le DÉFI, au Québec et en Ontario, et le Programme SMART aux Etats-Unis, ont été à même de récolter des bénéfices substantiels. Les renseignements sur ces programme sont affichés sur le site EDUPAX.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 avril 2007



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Jacques Brodeur, consultant en prévention de la violence
EDUPAX

Jacques Brodeur a enseigné durant 30 ans et œuvre comme consultant, conférencier et formateur dans les domaines de l’éducation à la paix, l’éducation aux médias et la prévention de la violence. On peut lire d’autres articles de Jacques Brodeur dans cette rubrique de Sisyphe ou sur le site EDUPAX.



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