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mardi 18 août 2015

Alice Miller et les racines de la violence dans l’éducation de l’enfant

par Christine Dufond






Écrits d'Élaine Audet



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J’ai lu sur Sisyphe.org un court texte intitulé Histoire de l’enfant qui devait reconstruire le monde (1) racontée par l’écrivain argentin Adolfo Perez Esquivel (prix Nobel de la Paix 1980). Gilles Pouchèle a écrit en commentaire : « Permettez-moi de vous faire parvenir ce lien (2). On ne peut s’intéresser au pacifisme, aux femmes, aux enfants, sans connaître et faire connaître Alice Miller et ses remarquables travaux. »

Je partage l’avis de Gilles Pouchèle. L’histoire en question met en évidence la nécessité de faire connaître les analyses d’Alice Miller.

C’est une histoire qualifiée de « délicieuse » par celui qui rapporte le récit de l’écrivain argentin, qui passe sans doute pour « mignonne » auprès d’une majorité de lectrices et lecteurs, et qui met habilement en scène une morale grande comme ça : pour reconstruire le monde, il suffit de reconstruire l’homme ! Mais dans cette histoire, un des deux personnages est un homme « important », qui ne veut pas être dérangé et qui, pour éloigner l’autre personnage, son enfant, a recourt à la ruse (il découpe en petits morceaux une page de revue où figure une carte du monde et il remet le tout à son fils, avec de la colle, en lui demandant de reconstruire le monde).

Quant à l’enfant, il a beaucoup de qualités. Il est curieux, il manifeste le désir d’aider son père et il est obéissant (il accepte sans chigner de s’éloigner avec la colle et les petits bouts de papier). Il est aussi intelligent (il se sert du verso de la page, où parait le visage d’un homme qu’il peut reconstruire rapidement, plutôt que de se servir de la carte du monde). Cependant, à la lumière des travaux d’Alice Miller, il est un enfant qui admet qu’il dérange et qui, consciemment ou non, retient qu’il peut et qu’il pourra toute sa vie user de ruse pour obtenir ce qu’il veut, notamment la paix !

Si, sans l’éclairage que nous procurent les travaux d’Alice Miller, cette histoire passe facilement pour « mignonne », c’est parce qu’on y voit un enfant qui éblouit par son intelligence et sa débrouillardise. On aime ce genre d’histoire. D’ailleurs les adultes en général s’entendent pour attirer l’attention sur un tel enfant (ou pour pointer du doigt celui qui les déçoit), quitte à le mettre mal à l’aise et le faire rougir, et quitte, nous prévient Miller, à en faire un anxieux social, sinon un fendant qui intimidera les autres dans la cour d’école.

Éducation ou ruses et manipulations ?

L’Histoire de l’enfant qui devait reconstruire le monde ne remet pas en cause l’éducation que l’on donne aux enfants, ni nos comportements, ni les modèles qu’on leur présente. Au contraire, suivant sa lecture, rien n’empêche d’imaginer d’autres ruses, d’autres tromperies, d’autres maltraitances. L’enfant sera peut-être puni s’il a taché ses vêtements avec la colle, ou tapé parce qu’il a découpé de bonnes pages dans une revue et pour qu’il comprenne une fois pour toutes qu’il ne faut pas se servir de ciseaux sans permission ! On peut imaginer une autre scène, où l’enfant apprendra que son ami « a mérité » une punition douloureuse.

On lui en racontera des histoires, à lui aussi, pour l’aveugler. On voudra qu’il devienne comme ceci ou comme cela, ou qu’il se détourne de ceci ou de cela. On lui reprochera parfois de faire de la peine à sa Maman. On l’encouragera à être studieux pour devenir important comme Papa (non pas pour découvrir son identité personnelle et les passions dont il est capable). On lui dira de ne pas se plaindre, parce qu’il a un Papa, alors que d’autres enfants n’en ont pas et deviendront des « bons à rien » à cause de cela.

On lui rappellera que Jésus ou un autre, peu importe, un être invisible et tout puissant, le surveille et qu’il ne faut pas le décevoir, parce que cet être envoie en enfer ceux qui ne l’écoutent pas et ouvre les portes de son paradis à ceux qui l’écoutent. On manipulera cet enfant. On lui montrera comment manipuler. On lui montrera aussi comment tolérer la violence et comment administrer des punitions. On lui fera admettre l’enfer pour les autres, le paradis pour soi et, pendant qu’on y est, le patriarcat, le sexisme, le proxénétisme, le racisme, l’homophobie, etc.

Respecter les enfants

Pour reconstruire l’homme ou le monde, il faut revoir les modèles que l’on présente aux enfants et revoir l’éducation qu’on leur donne, nous enseigne Alice Miller. « Dès

le berceau », nous dit-elle, car « le corps se souvient » (Notre corps ne ment jamais, 2004). Il faut s’entendre pour que les enfants n’aient pas à donner satisfaction à leurs parents, pour que ce soit plutôt le contraire afin d’assurer l’ordre et l’équilibre. Respecter les enfants, c’est leur montrer le respect. Les protéger, c’est protéger leur intégrité, non pas les isoler ou les asservir.

En parlant des guerres et des bourreaux, Alice Miller a écrit : « Tous les enfants humiliés et maltraités ne deviennent pas des monstres ; mais tous les monstres, tous, ont d’abord été des enfants humiliés et maltraités. (…) Seule la confrontation avec cette vérité, jusqu’à présent ignorée dans l’ensemble des civilisations, peut sauver l’humanité de l’autodestruction la plus aveugle. » (3)

Comme Gilles Pouchèle en 2006, j’invite les féministes et les pacifistes qui ne l’ont pas encore fait à connaître l’œuvre d’Alice Miller. Je les invite à se poser des questions. Cet enfant qui a reconstruit le monde parce que son père ne voulait pas être dérangé, que fera-t-il, quand il sera adulte, pour ne pas être dérangé ? À quelle ruse aura-t-il recourt ? Pour avoir celles et ceux qu’il voudra avoir, pour les mettre à ses pieds comme des enfants, jusqu’où ira-t-il ? Et puis, y a-t-on pensé ? Dans une version plus réaliste de cette histoire, où il n’y aurait pas de carte du monde à découper, qu’aurions-nous entendu ? Qu’aurions-nous vu ?

Notes
1. Sisyphe, 2 juin 2004.
2. Site Alice Miller
3. Extrait de la présentation de La Souffrance muette de l’enfant, 1990.

Blogue Paralettre
Courriel
Sur Twitter : @memoreil

Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 août 2015



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Christine Dufond


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