| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






dimanche 13 juillet 2008

Toutes les inégalités n’offensent pas le candidat Barack Obama

par Walter Benn Michaels






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Non, l’Arabie saoudite ne peut défendre les droits des femmes à l’ONU !
Nous avons des raisons de craindre les conséquences de l’élection de Donald Trump
Stéphane Bureau et désinformation à Radio-Canada au sujet des marches anti-Trump et d’Hillary Clinton
Présidence américaine - Les États-Unis haïssent vraiment les femmes
Hillary Clinton - Je suis avec elle !
Attentats du 13 novembre, suprématie masculine et violences patriarcales
Le relativisme culturel de la gauche compassionnelle
À l’origine des jihadistes français : la reconnaissance de l’idéologie islamique comme respectable
Quand une organisation religieuse se mêle de politique québécoise
Visite canadienne au "Morong 43" (Philippines) - "Mon coeur appartient réellement à ces communautés"
Formation offerte par Femmes et Démocratie dans Lanaudière en mai
Des poètes québécoises et la question nationale
À Voix égales et le FAEJ explorent de nouveaux moyens de faire élire des femmes
Nouveau-Brunswick - Le Conseil consultatif sur la condition de la femme victime à son tour de l’idéologie conservatrice
Carte électorale - Sortir de l’impasse en réformant le mode de scrutin
Le pouvoir des femmes en politique : utopie ou réalité ?
Le Congrès offre aux membres de l’Action démocratique du Québec l’occasion de mettre la priorité sur l’obtention d’un mode de scrutin à finalité proportionnelle
De la malédiction d’être Arabe
Le Conseil du statut de la femme honore une pionnière du droit de vote des Québécoises, Marie Lacoste-Gérin-Lajoie
Malalai Joya : le visage du courage
Iran - Protestation contre l’exécution des combattant-es kurdes
Le Conseil du statut de la femme soucieux de préserver l’accès aux soins de santé des Québécoises
Des drag-queens à la fête du PLC
De quoi la Palestine est-elle le nom ?
53e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies
Israël bafoue impunément le droit international à Gaza
Obama, le nouveau logo de la marque Amérique
La situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967
Manon Tremblay répond à ce qu’on veut savoir sur les femmes et la politique
Un vent de droite souffle sur le Québec
Des femmes se portent à la défense de Clinton
Tibet - Quand le génocide devient un gynocide
Hillary Clinton et les primaires américaines - Fini, tout cela (bis)
Primaires américaines - Etre une femme, c’est finalement pire que d’être noir
Primaires américaines - La presse américaine est accusée de céder à l’obamania
La longue marche de Hillary Clinton
A l’ONU, la prose de Durban 1 s’écrit en pire tous les jours - Une entrevue avec Malka Marcovich
"Iran delenda est" - L’Iran doit être détruite, version américaine
Il y a bien eu un génocide planifié contre les Tutsi et 250 000 femmes violées au Rwanda en 1994
Il y a bien eu un génocide planifié contre les Tutsi et plus de 250 000 femmes violées au Rwanda en 1994
Proche-Orient : Le Canada doit faire respecter le droit international
Le Conseil du statut de la femme ne veut pas d’un débat public
Arundathi Roy, guerrière du mot
Angela Merkel, première chancelière de l’histoire de l’Allemagne
Une femme, présidente du Chili ?
Au sein de la marche
"Modèle européen" : l’égalité entre les femmes et les hommes est en danger !
En Suède, un parti féministe menace de déloger le premier ministre
Fallouja, véritable four crématoire !
"Notre beau monde occidental" ?
Non au génocide de Gaza : Acte III
Quand c’est la politique qui salit l’argent
Merci, Vos Honneurs
Une militante féministe est menacée de déportation !
Non au génocide de Gaza - Acte II
Le conflit israélo-palestinien et la liberté académique aux Etats-Unis
Etats-Unis - Haïti
Non au génocide de Gaza et du peuple palestinien
Conférence de la lauréate du prix Nobel de la paix 2003







Dans la course à la Maison Blanche, M. Barack Obama peine à convaincre les Blancs et les Hispaniques, surtout quand ils disposent de revenus modestes. Le contenu social réduit de son programme, la nature consensuelle de ses discours l’ont peut-être handicapé. Plus généralement, un peu comme l’accession au gouvernement français de ministres « issues de la diversité », sa campagne pose les limites d’une percée égalitaire qui se résumerait à la réussite — ou à la promotion — de quelques personnalités.

L’apparition de la « question raciale » a connu deux temps forts au cours de la campagne de M. Barack Obama. Le premier est intervenu en janvier dernier, la nuit de la victoire du candidat démocrate aux primaires de Caroline du Sud. En réponse aux commentaires de M. William Clinton, qui avait imputé ce résultat au poids du vote noir, une foule acquise à M. Obama s’est mise à scander : « La race ne compte pas ! »

« Nous étions là, explique la romancière Ayelet Waldman, partisane du sénateur de l’Illinois, en plein cœur du Vieux Sud, là où le drapeau des confédérés flotte encore à côté des statues du gouverneur Benjamin Tillman, célèbre pour s’être vanté de tenir les Noirs à l’écart des bureaux de vote — “Nous avons bourré les urnes. Nous leur avons tiré dessus. Nous n’avons pas honte de l’avoir fait” —, et nous scandions : “La race ne compte pas, la race ne compte pas !” Blancs et Noirs. Latinos et Asiatiques, unis dans un même refus d’une politique installée dans la routine. Unis dans l’idée que l’Amérique peut être un pays différent. Unis. Pas divisés (1). »

Le second temps fort s’est produit en mars lorsque, réagissant, en partie du moins, aux sermons controversés de son ancien pasteur, M. Jeremiah Wright, le candidat démocrate a prononcé son discours sur une « union plus parfaite ». Il a alors déclaré que « la race est un problème (...) que la nation ne peut se permettre d’ignorer en ce moment précis » et a amorcé, selon de nombreux commentateurs, une « conversation nationale sur la question raciale » dont le besoin, paraît-il, se faisait grandement sentir.

Si nous avons écrit « paraît-il », c’est qu’il saute aux yeux de n’importe quel observateur, même distrait, que les Américains adorent parler race et qu’ils le font depuis des siècles, même si aujourd’hui ils n’aiment rien tant qu’affirmer que... les Américains n’aiment pas en parler. Là où ils sont moins performants, en revanche, c’est quand il s’agit de parler de classes. M. Obama en a fait l’expérience le jour où il a laissé échapper une remarque sur les palliatifs religieux de l’« amertume » des pauvres alors qu’il collectait des fonds à San Francisco (2).

Un simple coup d’œil permet de repérer la contradiction entre ces deux moments : celui du slogan « la race ne compte pas », celui du discours expliquant pourquoi, en définitive, elle compte. Mais la contradiction se dénoue sitôt qu’on comprend que ce qui a justifié le discours — la réalité historique du racisme américain — est aussi ce qui a suscité la promesse du chant scandé — l’idée, incontestable, que l’élection d’un homme noir représenterait un grand pas en avant pour triompher de ce passé.

Or la promesse qu’on pourra surmonter une longue histoire de division raciale, et résoudre au XXIe siècle ce problème qui, pour William Edward Burghardt Du Bois, dominait le XXe siècle (3), confère à la campagne de M. Obama toute son importance. Le « changement en lequel on peut croire » n’est pas idéologique (M. Obama et Mme Hillary Clinton sont quasiment identiques sur ce plan ; si les électeurs démocrates avaient réclamé un changement de cap idéologique, leur candidat serait M. John Edwards) ; il est culturel. Et il a pour caractéristique de ne plus pouvoir être proclamé, mais de devoir être incarné. Or cela, seul un Noir peut le faire. Elire des Blancs qui affirment que « la race ne compte pas » est une chose ; élire un Noir en est une autre, plus probante.

Ainsi, la campagne de M. Obama est — et a toujours été — entièrement axée sur la question raciale, et notamment sur l’antiracisme en tant que politique progressiste. Tout au long des primaires démocrates, sa campagne a donné de l’aile supposée progressiste de son parti l’image d’un berger conduisant les Américains vers une société de plus en plus ouverte et égalitaire — pas seulement pour les Noirs, mais aussi pour les Asiatiques, les Latinos, les femmes et les homosexuels. Le problème néanmoins posé par cette image (et qui explique une part de l’attrait qu’elle exerce) est qu’elle s’avère trompeuse. Non pas au sens où des progrès extraordinaires (bien qu’incomplets) n’auraient pas été accomplis grâce à la lutte contre le racisme, mais au sens où ces progrès n’ont pas rendu la société américaine plus ouverte ou plus égalitaire.

 Lire la suite dans Le Monde diplomatique, juin 2008.

Notes

1. Blogue my.barackobama.com.
2. Le 6 avril dernier, M. Obama a estimé que l’amertume des Américains des milieux populaires victimes du chômage ou de la baisse de leur pouvoir d’achat les avait parfois conduits à « s’accrocher aux armes à feu ou à la religion, à développer de l’antipathie pour ceux qui ne sont pas comme eux, de l’hostilité envers les immigrés ou le commerce international ».
3. Cf. le numéro thématique « Politiques impérialistes », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 171-172, Paris, mars 2008.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 juillet 2008



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Walter Benn Michaels



    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2008
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin