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lundi 11 février 2013 Chanson pour mon âme guerrière
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J’ai mal. Mal-delà du point de ne savoir ou même de me souvenir d’un moment sans. J’ai mal, comme je l’ai d’agir indemne. Je suis en deuil. Le deuil s’empare de toutes les cellules à l’intérieur de mon corps. Le deuil secoue mon cerveau. Je suis en deuil mais sans larmes, sans chagrin. J’ai une guerrière au fond de moi. Une guerrière qui regarde fixement en rien. Voyant ce qui n’a pas de mots. Voyant avec des yeux d’aigle une douleur qui envahit son cœur. Ma guerrière pleure lentement dans son cœur. J’ai une colère, une rage. Rage de voir, de savoir que des millions de mes soeurs prostituées meurent, sont détruites. Détruites face aux yeux qui se détournent. Face aux regards qui se détournent en disant que ce n’est pas si grave - d’autres verraient bien pis. Combien pis ? Est-ce « normal » d’être violée jusqu’à en perdre le langage ? Est-ce « normal » de faire que des êtres humains deviennent des marchandises à pénétrer, à tordre, à mordre, à frapper, à violer pour seulement se distraire ? Est-il acceptable que mes soeurs prostituées meurent et que personne ne se soucie de leur disparition ? Mais nous ne devrions pas nous plaindre : nous ne devons pas continuer. Ma guerrière cherche l’oxygène, haletant, et la mort lui semble si accueillante. Nous ne devons pas nous plaindre. Pour tout le monde, la prostituée ne choisit-elle pas son propre mode de vie ? Nous sommes tellement stupides, masochistes - nous choisissons de vivre en enfer. Mon âme guerrière est pâle de rage. Je défaille : les mots perdent tout leur sens, le langage me tranche la gorge. Vous parlez de choix - vous le répétez, vous l’affirmez - vous le rendez vraisemblable. Vous voulez que nous ayons choisi la prostitution. Si nous parlons votre langue - jusqu’à nous étouffer à en mourir, Vous voyez dans la prostitution une charge de bienveillance, sans aucun inconvénient de responsabilité. Venez nous voir et nous dire que cela a été librement choisi. Rendez ensuite invisibles les hommes qui nous achètent pour nous violer. Créez ensuite toute la structure et vous l’organisez de façon à ce que les hommes rentabilisent nos viols invisibles. Dites que nous devons l’avoir choisi - vous le dites. En disant que nous ne sommes pas violables. En disant que nous n’avons pas des réactions humaines normales de douleur et de dégradation. En disant que nous ne sommes jamais humaines - donc que nous n’avons aucun droit. N’entendez-vous pas mon âme guerrière vous hurler mon état de choc et d’outrage ? Vous n’entendrez jamais le silence qui hurle ! Traduction libre de Victor Khagan autorisée par Rebecca Mott (2013). Blogue de Rebecca Mott. Mis en ligne sur Sisyphe, le 11 février 2013 |