|
dimanche 31 mai 2009 Lettre ouverte à une femme voilée
|
DANS LA MEME RUBRIQUE Voile "islamique"/voile des nonnes et croix : une fausse comparaison religieuse pour dissimuler un vrai racisme sexuel Derrière chaque voile, 3000 ans de haine envers la femme qui nous regardent Elles dénoncent le voile, l’assujettissement et le néo-communautarisme Niqab, burqa et tchador sont des signes d’infériorisation des femmes, non des symboles religieux Combattre le foulardisme Voile et islam - Flora Tristan n’a jamais prôné le voile intégral Le voile est-il islamique ou non ? Pouvons-nous accepter le foulard contre la burqa ? La burqa, symbole Colloque universitaire sur le voile associé à la pudeur, à la foi et à la mode Hidjab et politique - Le courage des uns et des autres Eloge de l’asservissement des femmes par le Monde 2 ? Les illusions dangereuses Moi, fille d’immigrés, pour l’égalité et la laïcité L’islamisme contre les femmes partout dans le monde Le rapport Stasi sous l’oeil du Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal Pour l’égalité dans la citoyenneté Droit à la différence et non pas différence des droits Un vibrant appel à la conscience Etrange alliance. Toujours à propos du voile Contre l’intégrisme religieux et pour la loi sur le voile Les Islamistes mettent les femmes sur le trottoir La laïcité a beaucoup d’ennemis Le port du voile n’est pas une affaire de culture Que d’hommes dans la rue pour défendre ma liberté ! La solidarité politique à l’épreuve des divisions Quand la peur des femmes mène le monde Tous voiles dehors Non au voile mais non à l’exclusion des mineures de l’école laïque ! L’affaire du foulard : non à l’exclusion Derrière le voile... un tout autre combat Un sentiment de trahison Des croisades de la droite au foulard islamique Laïcardes, puisque féministes Être féministe, ce n’est pas exclure ! La résurgence du foulard, un besoin de retour sur soi Laïcité : une loi pour la cohésion La pointe de l’iceberg intégriste visible sur la scène altermondialiste Le voile - Le courage de dire non ! Pétition pour une loi contre le port du voile en France "Le" voile : Éléments pour un débat République turque : la question du foulard assombrit le 80e anniversaire Un voile peut en cacher un autre |
Mon intention est extrêmement respectueuse et j’aimerais entamer un dialogue avec les femmes qui portent le voile, un dialogue fructueux, dans la dignité et le respect, comme celui que l’on peut avoir avec des esprits ouverts et intelligents. Si personne ne doute de la liberté individuelle de porter ou de ne pas porter le voile, il faut expliquer ce que peut signifier le port du voile islamique et ses conséquences sociales et juridiques. Zyed Krichen, dans Réalités de la semaine dernière, a parfaitement posé la problématique dans son éditorial et dans son article qui relate les tribulations juridiques d’une enseignante en conflit avec son autorité de tutelle à propos du port du voile. Je voudrais poser une seule question aux Tunisiennes qui ont choisi de porter le voile islamique, et cette question, je ne la poserais pas à l’Algérienne, ni à la Marocaine, ni à l’Egyptienne et certainement pas à la Saoudienne, car celles-ci ne disposant pas des mêmes droits, cela n’aurait aucun sens pour elles. La question est celle-ci : savez-vous qu’en décidant de porter le voile, vous renoncez volontairement à tous vos droits juridiques actuels car ceux qui vous inspirent sont pour l’application de la Charia qui fait de vous des mineures sur le plan juridique ? Ce qui signifie que vous ne pourrez plus ni voyager seule, ni disposer de la personnalité juridique qui vous permet d’avoir un compte en banque, ni commercer en toute liberté sans l’autorisation de votre mari ou de votre père. Vous retomberez sous l’emprise totale des hommes, ce qui représente une insulte à vos mères et à vos grands-mères, ces femmes admirables qui ont milité pour l’émancipation des femmes tunisiennes et lutté courageusement pour l’abandon du port du voile, une pratique qui était l’expression d’une soumission éhontée. Comme le dit très justement Zyed Krichen dans son éditorial, les textes coraniques sont beaucoup plus explicites sur la répudiation et la polygamie qu’ils ne le sont sur le voile. La femme tunisienne risque de se retrouver, à Dieu ne plaise, confrontée à de vieilles pratiques rétrogrades heureusement bannies de notre pays, pour son honneur. Evidemment, la femme tunisienne peut me rétorquer que le fait de porter le voile est une affaire de croyance personnelle, un acte de liberté et qu’elle ne se sent pas engagée par toutes ces considérations sociales et politiques. Cela est l’expression d’une immense naïveté ou d’une rouerie calculée car ce qu’on appelle le voile islamique est l’étendard affirmé et évident depuis les années 80 d’une doctrine militante extrêmement organisée et d’une dangereuse efficacité, il suffit d’observer son action en Egypte où elle est devenue le terreau d’un prosélytisme effrayant à l’origine d’une chape de plomb culturelle qui s’est abattue sur ce pays, naguère si joyeux. Et pour celles qui croient « avoir le beurre et l’argent du beurre », c’est-à-dire, porter le voile et conserver les droits que leur confère le Code du Statut Personnel, elles se trompent totalement. En choisissant de porter le voile islamique, la femme tunisienne s’engage dans une doctrine dont la principale revendication est de restaurer la Charia. Chaque Tunisienne qui le porte devient une militante active, parfois malgré elle, de cette idéologie extrémiste qui n’est pas prête à ce genre de concessions sous peine de disparaître et en rappelant le pouvoir exorbitant que donne la Charia aux hommes sur leurs compagnes, réduites à être des mineures « taillables et corvéables à merci ». Alors, à celles-ci, à ces Tunisiennes qui croient conserver leurs droits tout en portant le voile islamique, je les implore de poser des questions, de demander aux Imams, aux docteurs de la religion et à tous ceux qui se targuent de recommander le port du voile comme une obligation divine. Demandez-leur si vous perdrez vos droits si, par malheur, la Charia était imposée dans notre pays et ce que cela signifierait pour les femmes. Et s’ils vous disent le contraire, demandez-leur ce que signifie alors le fait d’être islamiste si ce n’est pas pour appliquer la Charia. Il faut se méfier des belles promesses de ceux qui ne cherchent qu’à séduire... Renseignez-vous sur le statut juridique de la Saoudienne ou de l’Iranienne, même si celle-ci peut faire illusion car elle va à l’Université et conduit sa voiture. Demandez à cette dernière quel est son statut juridique réel, dans les faits ; elle vous racontera peut-être comment elle peut faire l’objet de vexations de n’importe quel homme qui trouverait son foulard mal ajusté, laissant apparaître quelques mèches coupables ou comment n’importe quel « tartempion » peut s’arroger le droit d’interpeller une femme dans la rue pour lui adjoindre de respecter la religion, du moins celle que son esprit borné a pu en comprendre. Combien je suis sincèrement peiné par l’aveuglement de celles qui portent le voile car elles risquent de nous entraîner dans un aventurisme effrayant pour notre pays qui a tant besoin de toutes ses énergies pour gagner la bataille du développement. Comment concilier notre volonté d’être un pays de services, c’est-à-dire tolérant, ouvert et accueillant, avec une doctrine passéiste et moralisatrice qui ne peut fleurir que dans les pays pétroliers dont les rentes leur permettent de se passer des autres. Nous, nous avons besoin de toutes nos femmes et de tous nos hommes pour construire notre pays dans ce monde violent et cynique. La petite Tunisie, sans ressources d’hydrocarbures ni minières, a besoin de l’ensemble de ses potentialités oeuvrant pour une dynamique de progrès et d’exigence. Je ne doute pas de la conviction et de la sincérité de la majorité des femmes qui portent le voile... A elles, je voudrais dire que l’amour de Dieu est au delà d’une tenue vestimentaire et répéter ce que j’avais écrit dans un précédent article, ce n’est pas à la femme de se voiler mais à l’homme de voiler son désir, le seul coupable de cette aberration d’un autre âge. Je voudrais clore ce énième article que je consacre au voile par l’expression sincère du respect que je porte à l’Islam, celui de l’Ijtihad, celui du dépassement de soi, celui de l’exigence personnelle. L’Islam n’est pas une idéologie politique. Nul ne peut juger mon action, je n’en suis comptable que par rapport à Dieu et à Lui seul. Ceux qui vous disent le contraire vous utilisent. Pour le reste, les lois de la République se chargent d’administrer notre vie terrestre dans le respect de la liberté qui s’arrête où commence celle de l’autre. L’argument avancé par les islamistes, qui veulent faire du port du voile un simple acte de liberté individuelle qui ne concerne que son auteur, est trompeur. Ils devraient être plus explicites sur le rétablissement de la Charia, qui est l’essentiel de leur programme et sur ses conséquences sur le statut juridique de la femme tunisienne. – Cet article a été publié le 1er novembre 2007 dans le magazine hebdomadaire Réalités. L’auteur a autorisé Sisyphe à le reproduire. Du même auteur « Qu’est-ce que l’islamiste modéré ? » Mis en ligne sur Sisyphe, le 1er décembre 2007 Lire aussi « Est-ce de l’islamophobie de critiquer l’intégrisme islamiste ? » |