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lundi 5 mai 2008 Le livre noir de la condition des femmes
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Le concours « Les Jeudis Seins » s’inscrit dans le phénomène de l’hypersexualisation sociale Aux femmes qui demandent - sans plus y croire - justice. Qu’elles vivent ! Jeux olympiques 2006 : félicitations, les filles ! 7e Grève mondiale des femmes - Le Venezuela donne l’exemple Évolution des droits des Québécoises et parcours d’une militante 2005, l’année de l’homme au Québec Mes "problèmes de sexe" chez le garagiste ! Brèves considérations autour des représentations contemporaines du corps OUI à la décriminalisation des personnes prostituées, NON à la décriminalisation de la prostitution "Femmes, le pouvoir impossible", un livre de Marie-Joseph Bertini L’AFEAS veut la représentation égalitaire à l’Assemblée nationale du Québec Elles sont jeunes... eux pas Dis-moi, « le genre », ça veut dire quoi ? Quand donc les hommes ont-ils renoncé à la parole ? Déconstruction du discours masculiniste sur la violence Les hommes vont mal. Ah bon ? 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Ce livre est un événement considérable, une véritable somme de la condition des femmes dans le monde. Comme le montre Christine Ockrent, qui en a dirigé la publication, il touche tous les aspects de l’inégalité que vivent encore les femmes, en dépit de leurs nombreuses conquêtes au fil des siècles. Sisyphe publie ici la préface de C. Ockrent et la conclusion du texte de Malka Marcovich sur La traite des femmes dans le monde. Nous reviendrons sur ce livre indispensable et les réflexions que suscitent ses cinq thèmes : sécurité, intégrité, liberté, dignité, égalité.
Présentation Le Livre noir de la condition des femmes nous offre, pour la première fois, la photographie de la condition des femmes dans le monde, aujourd’hui. En préambule de sa Déclaration de 1993, l’ONU proclame l’urgence de l’application aux femmes des droits et principes du genre humain : SECURITÉ, INTEGRITÉ, LIBERTÉ, DIGNITÉ, EGALITÉ. Cinq mots pour résumer ce qui devrait être garanti aux femmes, en ce début de troisième millénaire. C’est autour de ces mots que Christine Ockrent et Sandrine Treiner ont sélectionné des sujets dont elles ont confié le développement (sous forme d’articles, d’analyses transversales, de reportages mais aussi de portraits d’hommes et de femmes opérant sur le terrain) à quarante auteurs - experts mondialement connus, chercheurs, praticien, militants, journalistes, venus de tous les horizons. Dans cette recherche, elles ont bénéficié du concours de Françoise Gaspard, sociologue à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, qui représente la France au Comité CEDAW des Nations Unies, dont le rôle est de surveiller l’application de la Convention contre toutes les discriminations à l’égard des femmes. C’est ainsi que pendant deux ans, autour de leur trio, s’est constituée une communauté de travail internationale, passionnée, enthousiaste. Comment et pourquoi les femmes sont-elles mutilées, enfermées, déplacées, négociées, marchandées, souvent avec la complicité tacite des États, même démocratiques ? Comment peut-il manquer quatre-vingt-dix millions de femmes en Asie ? Est-ce un hasard si le SIDA en Afrique tue aujourd’hui plus de femmes que d’hommes ? Pourquoi, en matière de viol et de violences conjugales, privilégie-t-on les explications culturelles ou religieuses dans les pays du Sud pour préférer les causes d’ordre psychologique et individuel dans les pays du Nord ? Pourquoi les femmes sont-elles davantage brutalisées lorsqu’elles sont instruites et qu’elles accèdent à l’autonomie ? Pourquoi, partout, les femmes sont-elles les plus pauvres d’entre les pauvres... ? Autant de questions et de réponses possibles apportées dans cet ouvrage essentiel dont la lecture, à la fois bouleversante et édifiante, ne laissera personne indemne mais qui, au contraire, confortera chacun (chacune) dans une certitude : il faut faire du combat pour les femmes une affaire personnelle. Préface de Christine Ockrent Nous, peuples des Nations Unies, résolus à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes... Certains principes universels, j’en ai la conviction, doivent être défendus, proclamés et promus, au-delà des cultures et des croyances. Parmi ceux-ci, la Charte des Droits de l’Homme est un texte fondateur pour l’humanité entière. Et l’humanité inclut les femmes - mieux, elle repose sur elles. Nous tous, les contributeurs de ce livre, pensons qu’aucune religion, aucune coutume ne justifie qu’on assassine, qu’on brûle, qu’on torture, qu’on lapide, qu’on viole une femme parce qu’elle est une femme. Aucune religion, aucune coutume ne justifie qu’on mutile les petites filles, qu’on les vende ou qu’on les prostitue. Aucune religion, aucune coutume ne justifie qu’on asservisse les femmes, qu’on les humilie, qu’on les prive des droits élémentaires de la personne. En France, en Europe, dans nos sociétés occidentales, la condition des femmes a spectaculairement progressé au cours du XXe siècle. Les femmes ont conquis avec obstination leur place, et elles n’en ont pas terminé. Depuis deux générations, on peut contrôler la vie et être maître de son corps, et c’est une vraie révolution. Partout ou presque, la loi garantit à la femme la liberté de maîtriser sa procréation, partout elle proclame l’égalité. Pourtant on voit aussitôt qu’à diplômes et compétences comparables, la différenciation des responsabilités hiérarchiques et des rémunérations demeure. Le choix des filières et des carrières n’est pas égalitaire, les conditions de la vie quotidienne telles qu’elles sont organisées et financées par nos sociétés non plus. Ici les partis politiques font fi de la parité, préférant payer l’amende plutôt que de concéder à des candidates des places éligibles. Là réseaux et confréries tissent de fils de verre le plafond invisible qui empêche les femmes d’atteindre les sommets. Dès que le pouvoir se montre, observez la photo : il reste en costume cravate. L’attention portée à l’ascension d’une Angela Merkel ou d’une Michelle Bachelet, les qualificatifs et les critères utilisés pour les décrire, démontrent l’anomalie plutôt que la règle. Dès que l’on quitte la scène publique ou les pages glacées des magazines pour observer nos sociétés dans leur quotidien, la réalité s’assombrit. Brimades, précarité, violences conjugales, prostitution, criminalité, chômage, sexisme : les femmes sont toujours les premières victimes. Pire, il existe chez nous des zones d’ombre où des femmes vivent en état de subordination totale, sinon d’esclavage, dans ces milieux immigrés où les coutumes défient la loi. Les filles ont beau fréquenter l’école de la République, elles sont excisées, voilées, mariées de force, violentées dans leurs choix les plus intimes. Pour celles-là comme pour les autres, l’exemple de la France et surtout des pays scandinaves le prouve, seule la loi et son imprégnation dans le tissu social améliorent le sort des femmes. Il reste néanmoins beaucoup à faire, ne serait-ce que pour exiger l’application effective de ce qui a été obtenu. Voilà pour l’Occident. Et ailleurs ? Ailleurs, plus de la moitié de l’humanité, hommes et femmes confondus, ploie sous la souffrance. La souffrance d’être pauvre, mal nourri, malade, illettré, exploité. Mais c’est d’abord la souffrance d’être née femme, qui aggrave toutes les autres. Partout la condition des femmes nous montre la face la plus noire des réalités contemporaines. Elles sont inférieures, tout simplement. Impures. Juste bonnes à être soumises, exploitées, frappées, violées, achetées, répudiées. Taillables et corvéables à merci. Destinées au silence, à l’oubli. Méprisables en somme, et indignes. Cette condition d’être née femme et de vivre en tant que telle, nous avons voulu l’explorer à la manière d’un continent inconnu. L’ambition de cet ouvrage collectif, auquel ont contribué des experts, des écrivains, des journalistes de toutes disciplines et de tous continents, est d’amener à la lumière, dans la diversité des moeurs et des cultures, le sort des femmes aujourd’hui. Livre noir : ce label, devenu générique, trouve tout son sens avec la condition des femmes. L’ingéniosité des civilisations humaines en matière de violences exercées contre les femmes est sans limites. Nous les avons parcourues dans leurs multiples dimensions : violences physiques, en temps de guerre comme de paix, violences collectives et individuelles, violences économiques, sociales, politiques, religieuses, violences psychologiques aussi. Nous accusera-t-on d’arrogance et d’impérialisme culturel ? Certains, au nom de la liberté de penser ou du respect de toutes les traditions, veulent nous faire admettre les entorses aux principes universels qui affirment, notamment, l’égalité de l’homme et de la femme. Il conviendrait, pour eux, dans nos propres pays, de tolérer les infractions les plus criantes à nos lois, qu’il s’agisse d’excision ou de polygamie. Sous prétexte de combattre la mondialisation, il faudrait respecter et promouvoir le multiculturalisme jusque dans ses aspects archaïques et dégradants. Les puristes de l’ethnicisme qui frémissent en découvrant bracelets montres, téléphones portables et préservatifs féminins au coeur de l’Afrique, ne trouvent rien à redire aux pratiques les plus dégradantes à condition qu’elles soient ancestrales : chez les Zoulous, vérification publique de la virginité des filles, au Kerala brûlures ou immolation des femmes devenues inutiles... Certes il convient de protéger et de promouvoir la diversité culturelle qui fait la richesse du monde. Mais pas au prix des droits humains les plus élémentaires. Qu’est-ce qui compte le plus, la culture ou l’individu ? Et plus précisément, qu’est-ce qui doit l’emporter, la culture ou la femme ? Promouvoir les femmes n’est pas une façon d’amoindrir les hommes, c’est pour nos sociétés la meilleure garantie d’équilibre et de progrès. Il a fallu trois millénaires pour parvenir à ce constat, partagé aujourd’hui par tous les acteurs du développement et appliqué, avec plus ou moins de constance ou d’hypocrisie, par les différents responsables de nos gouvernements et de nos sociétés. « Une chose est sûre, écrit Françoise Héritier, du Collège de France, les générations futures s’étonneront que nous n’ayons jamais pris vraiment conscience que le problème politique majeur est celui de l’égalité des sexes. Cette conscience-là signera le moment-clé de la révolution. » Les femmes sont leur propre espoir, elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour changer la société. Chaque fois que nous faisons progresser nos droits à toutes, l’humanité fait un pas vers un monde plus juste. À travers ce livre, cette photographie de la condition des femmes aujourd’hui, chacune d’entre nous a l’occasion d’apprendre ce qu’elle ignore, de découvrir ce qu’elle ne peut ou ne veut pas voir, et de participer au combat pour un monde meilleur. p. 7-10. La traite des femmes dans le monde, par Malka Marcovitch (Extrait) Seule une approche cohérente, rendant visible de façon égale tous les protagonistes de l’exploitation, et évaluant la responsabilité de chacun, permettra de lutter de manière globale contre la traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle. Le tourisme sexuel ne concerne pas que les enfants et les pays en voie de développement. Tous les grands centres urbains, dont une part importante des revenus provient du tourisme, sont aujourd’hui confrontés à ce sujet. Une ville comme Paris par exemple, dont les revenus ne proviennent plus de l’industrie du sexe, où fut inventé le concept de tourisme sexuel dans les jardins du Palais Royal à la fin du XVIIIème siècle, où s’est développé le mythe des « petites femmes », des grands boulevards et de Pigalle, qui a attiré des hommes du monde entier, ne pourra éviter d’aborder cette question de manière frontale. On sait aujourd’hui que les grandes rencontres sportives ou culturelles (Festival de Cannes, Jeux Olympiques, coupes du mondes (1) et même le Paris Dakar (2) impliquent « l’importation » de femmes aux fins de prostitution. Lors des sessions du Parlement Européen à Strasbourg, la police et les associations ont noté l’arrivée massive de femmes, dont nombreuses traversent à pied la frontière depuis l’Allemagne où les lois contre le proxénétisme sont moins sévères qu’en France et où certaines formes y sont légales. La traite des femmes ne peut plus être abordé uniquement sous l’angle de l’économie et de la mondialisation, c’est un sujet qui dépasse les clivages gauche/droite. Comment en effet expliquer le silence des syndicats et des partis de gauche devant les abus qui sont commis par les travailleurs migrants exploités dans les mines d’Amazonie, à la frontière du Mexique ou le long du trajet de la construction de l’oléoduc reliant la mer Caspienne à la mer Méditerranée. En Georgie, des femmes sont amenées directement dans les campements des ouvriers travaillant à la construction du pipeline et le long de la frontière turque, les clubs et bars de prostitution prospèrent. Au-delà d’une lutte cohérente policière et judiciaire contre ce système qui fait du corps humain un produit de consommations et doit impérativement prendre en compte la demande, le combat contre la traite des femmes aux fins d’exploitation sexuelle, doit en priorité tordre le cou aux clichés culturels puissants qui empêchent la pleine égalité sexuelle entre les femmes et les hommes. Sans doute est ce le défi le plus difficile en ce début de siècle. Comme le disait Aurora Javete de Dios (3) : « La prostitution et la traite sont intrinsèquement liées. On ne pourra promouvoir les Droits des femmes dans le monde si ces deux questions ne sont pas affirmées avec force et conjointement par les gouvernements. Tant que nos sociétés n’impulseront pas des mesures énergiques pour l’égalité des femmes, pour leur renforcement économique et politique, il y aura de plus en plus de femmes qui se retrouveront dans la prostitution et l’industrie du sexe. Le combat contre la prostitution et la traite n’est rien d’autre que le combat pour la vision future que nous souhaitons pour nos sociétés. Est-ce un futur où l’on peut vendre et acheter les femmes et les hommes, quel que soit leur âge, et que l’être humain devienne objet commercial ? Non, la prostitution n’est pas glamour, elle ne peut être acceptée comme une profession acceptable pour les femmes. La prostitution est l’indicateur par excellence de l’inégalité entre les femmes et les hommes. Le combat contre la traite et la prostitution est le combat qu’il faut d’urgence mener pour les générations futures et que cesse la discrimination de genre qui engendre la prostitution. (4) » Notes
p. 482-483. Christine Ockrent (dir.), coordonné par Sandrine Treiner, postface de Françoise Gaspard, Le livre noir de la condition des femmes, Paris, éditions XO, 2006, 784 pages, ISBN : 2-84563-200-2. Éditions XO Nous remercions chaleureusement l’éditeur qui nous a autorisées à publier ces extraits. Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 avril 2006. |