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samedi 24 décembre 2005 Réforme des services de garde : Lettre d’une maman à la ministre Carole Théberge
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Madame, Ces dernières semaines, nous nous sommes rencontrées à deux reprises : en commission parlementaire et sur les ondes de RDI lors de l’émission La Part des choses du 1er décembre. Je vous ai écoutée ad nauseam dans toutes vos interventions dans les médias ou à l’Assemblée nationale. Vous m’avez amenée à étudier une loi, à m’intéresser à son cheminement dans les arcanes de notre système législatif et à mener une réflexion en profondeur sur le rôle de parent-administrateur auquel je me suis consacrée pendant trois ans. Nous sommes des milliers de parents, dont une grande quantité de mamans, à effectuer le même exercice. À ce titre, vous avez atteint un de vos objectifs en tant que ministre de la Condition féminine, celui de développer l’intérêt des femmes pour les instances décisionnelles. Malheureusement, votre prestation en tant que ministre passera à l’histoire comme un contre-exemple de l’apport des femmes en politique. Quel gâchis ! Une femme, et nous regrettons tous qu’il y en ait si peu en politique, chargée d’un dossier qui concerne majoritairement les conditions de travail de femmes : nos responsables de garde en milieu familial, nos éducatrices et conseillères pédagogiques, réussit à susciter une vindicte populaire sans précédent. Une qualité déjà reconnue Vous invoquez votre objectif de qualité des services de garde. Or il n’y a pas d’enjeu puisque la qualité du réseau est unanimement reconnue et surtout dans les centres de la petite enfance (CPE). Tout bon gestionnaire sait que la qualité ne s’obtient pas par la judiciarisation, ni par une quelconque autre forme de coercition, mais par la promotion de la qualité, l’adhésion volontaire et proactive et l’investissement par la mise à disposition d’outils et de ressources. Aussi vous créez un problème pour justifier une solution. Quand vous démantelez le réseau des CPE en invoquant un service inégal rendu au milieu familial, vous vous trompez de cible. L’enquête de votre ministère, Grandir en qualité, reconnaissait une faiblesse de qualité dans le milieu familial et recommandait l’augmentation de l’encadrement. Cette enquête soulignait surtout la piètre performance des garderies privées. Votre projet de loi renforce pourtant ce réseau à but lucratif. Vous faites preuve d’un clientélisme tout à fait suspect en n’écoutant que les trois associations qui, sur les 37 que vous avez invitées en commission parlementaire, sont en faveur de votre loi. Or, ces groupes représentent des intérêts privés et une conception des services de garde comme un marché lucratif. Vous n’avez réussi qu’à en trouver trois qui représentent tout au plus le tiers des places du réseau des services de garde éducatif et non pas les deux tiers comme vous tentez de le faire croire. Vous vous êtes insurgée à plusieurs reprises pour vous dédire dès le lendemain. Rappelons le cas des articles de la loi qui ouvrent la voie à la commercialisation : un jour vous mettiez au défi quiconque de vous montrer de tels articles et dès le lendemain vous les aviez brusquement découverts. Vous vous engagiez alors à les modifier et vous ne le faites pourtant pas dans les amendements dévoilés jeudi. Pendant dix jours de commission parlementaire, les travers de ces articles vous ont été expliqués par la plupart des groupes invités. Écoutiez-vous alors ? Connaissance approximative Vous semblez aussi détenir une connaissance bien approximative de la loi actuelle. Vous osez affirmer qu’elle ne parle pas de programme pédagogique et que c’est une dimension que vous apportez dans la loi 124. Or cette affirmation est totalement fausse, le programme pédagogique est cité à cinq reprises dans la loi actuelle comme condition à l’octroi d’un permis. Vous adoptez des pratiques démocratiques douteuses qui amènent quatre des principaux organes de contrôle de nos instances à enquêter sur vos agissements : commissaire au lobbyisme, vérificateur général, protecteur du citoyen et commission d’accès à l’information. Vous avez porté des accusations sans fondement contre tous les acteurs du réseau des CPE : mauvaise gestion des parents administrateurs, sur-rémunération des directions, détournement de fonds, intimidation des RSG par les CPE. À chaque fois, vous pratiquez une généralisation abusive basée sur des épiphénomènes que vous extrapolez. Ainsi, vous tenez des propos démagogiques tout en accusant, sans vergogne, vos détracteurs de l’être. Vos bureaux de coordination vont mettre en concurrence tous les acteurs du réseau et notamment les CPE entre eux pour devenir des bureaux de coordination. Vous allez briser des liens de confiance qui se sont établis au fil du temps tant entre les CPE et le milieu familial, qu’entre les parents et le milieu familial. Vous allez créer deux listes d’attentes distinctes au lieu d’une. Une mobilisation constante Vous démotivez toutes les forces vives du réseau : gestionnaires, éducateurs et parents. Les gestionnaires étaient déjà fragilisées par le développement massif du réseau ces sept dernières années et les attaques des trois dernières années. Les acteurs du réseau ne voudront pas s’impliquer dans un modèle et un système dont ils ne partagent pas les valeurs. Depuis trois ans que vous occupez ce ministère, vous imposez aux conseils d’administration des CPE une mobilisation constante pour contrer toutes les attaques que vous portez contre le réseau : compressions budgétaires rétroactives pendant trois ans et annoncées en milieu d’année, augmentation des frais de 5 à 7 $, tentative avortée de limitation des heures d’absences, rejet des demandes en accréditation syndicale des RSG et affirmation de leur statut de travailleuse autonome par une loi passée au bâillon, négociation des conditions salariales (renouvellement des conventions collectives), négociation de l’équité salariale, attaques contre la gouvernance des conseils d’administration et la gestion (la rémunération des DG, le détournement des subventions du milieu familial au profit de l’installation), et maintenant la loi 124 avec le retrait du milieu familial des CPE. Combien de précieuses heures de parents bénévoles et pris dans les affres de la conciliation travail-famille ont été perdues à analyser vos mesures, évaluer les impacts, prendre position, sensibiliser les parents aux risques, participer à une mobilisation et à des actions de pression ? Madame la ministre, vous avez perdu toute crédibilité et toute la confiance du réseau des CPE. De plus, vous avez personnalisé le débat avec l’instance que près de 80 % des CPE ont choisie pour les représenter, à savoir l’Association québécoise des centres de la petite enfance. Lorsque la communication ne passe plus entre deux acteurs, il faut en changer un. Madame la ministre, il est grand temps que vous laissiez ce ministère dans lequel vous faites tant de mal tant aux familles qu’à la condition féminine. Christine Hernandez Paru aussi dans Le Devoir, édition du 13 décembre 2005. Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 décembre 2005 |