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mercredi 11 février 2004 La paranoïa paternelle triomphera-t-elle ? L’organisation des pères en colère
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Depuis des années, au Canada et au Québec comme en France et partout en Europe, des lobbies s’organisent pour défendre les "droits des pères" contre celles qu’ils considèrent comme des ennemies, les mères et les féministes. Ils utilisent notamment Internet pour diffuser une propagande à laquelle les législateurs prêtent une oreille bienveillante. Certains de ces groupes s’inspirent du "modèle américain" en la matière, dont voici une illustration.
Au fur et à mesure que les pères disparaissent de la vie de millions de femmes et d’enfants, ils resurgissent dans des bulletins de liaison, des groupes locaux d’activisme et dans le cyberespace comme membres de mouvements farouchement engagés en faveur des " droits des pères ", dont la mission déclarée est de " se défendre ". Se défendre contre quoi ? Contre le pouvoir des femmes et des enfants, évidemment. Même si les déclarations publiques de ces organisations regorgent de bons sentiments - aider les hommes à devenir de meilleurs pères, par exemple - et de platitudes telles que " Les pères sont plus que des chèques de paie ", leurs membres ne sont pas de bons pères recherchant de l’aide mais plutôt des hommes en colère (souvent appuyés par des femmes qui les soutiennent) recherchant un élargissement des privilèges masculins. Leurs communications dans le privé sont de véritables diatribes contre le soutien alimentaire des enfants et en faveur de la prise de contrôle sur les femmes. On n’y trouve jamais la moindre allusion à la relation père-enfant. De nos jours, les militants pour les droits des pères, comme c’est le cas des sympathisants des milices d’extrême-droite, sont particulièrement actifs sur l’Internet. Des cybergroupes tels Fathers’ Manifesto y recrutent des membres de façon très active et y répandent de la désinformation. Le Manifesto est une organisation parapluie fondée par John Knight, président de l’American Institute for Men basé en Californie. Bien que Knight se soit semble-t-il récemment retrouvé en prison et que le site de Manifesto ait disparu du Web, les signataires de celui-ci, provenant d’un large éventail de groupes militant pour les droits des pères, promeuvent activement son programme. Ce programme consiste à attaquer les femmes qui élèvent seules leurs enfants, en prétendant que leur façon d’élever leurs enfants est la cause de la plupart des maux allant des hauts taux de criminalité juvénile aux faibles résultats des jeunes aux tests d’évaluation préparatoires au niveau collégial (les SAT, " scholastic assessment tests "). À l’échelle nationale, les membres de ces groupes présentent des requêtes aux tribunaux pour que la garde exclusive soit toujours attribuée au père - peu importe que celui-ci ne se soit jamais occupé de son enfant ou qu’il ait un passé de violence conjugale ou d’abus. Ils font également du lobbying en faveur de mesures législatives qui donnent plus de pouvoir aux pères. Ces groupes ont comme priorité l’élimination de l’aide sociale, des coupons de nourriture, des programmes de logement social, de la sécurité sociale, des pensions alimentaires ordonnées par les tribunaux, et de tout autre " transfert de biens qui encourage ou rend possible l’absence de père. " Une recommandation particulièrement appropriée, surtout dans le contexte de la nouvelle loi sur la réforme de l’aide sociale, est celle qui consiste à exiger que l’on confie immédiatement au père tout enfant dont la mère présente une demande d’aide sociale. On pouvait lire l’exhortation suivante sur une liste de diffusion électronique : " Messieurs, empressez-vous de présenter vos demandes de garde d’enfant [dès que maman décide de recourir à l’aide sociale]. " , le Men’s Action Network (MAN, le réseau d’action masculin) Des groupes militant pour les droits des pères se sont infiltrés dans les listes de diffusion électronique consacrées à la violence conjugale, au viol et au droit familial et suggèrent de pourchasser les groupes de femmes qui s’opposent à leurs points de vue. Que doit faire une femme une fois qu’on a mis en place de telles " mesures de protection " ? Dans un récent message affiché sur la liste de diffusion Talk Man consacré aux femmes, " Jimmy " (un membre du réseau Man’s Health Network, une organisation basée à Washington, D.C., qui a des liens indirects avec celle de Gary Bauer, président de American Values <http://www.ouramericanvalues.org/> , ancien conseiller de Ronald Reagan sur la politique intérieure), citait ses extraits préférés d’une liste des qualités de la " femme parfaite " : " 1) Elle sait quand se taire. 2) Elle sait quand se soumettre au désir de l’homme. " Dans une autre liste affichée par Jimmy, qui lui avait été envoyée par " Ben ", intitulée " 69 raisons pour lesquelles les femmes ne devraient pas avoir la liberté d’expression ", on se moque des femmes par des affirmations telles que " 27) Si elles n’ont pas le droit de s’exprimer, elles ne pourront pas pleurnicher qu’elles se font violer. " " 29) Une seule paire de lèvres doit s’exprimer à la fois. " La citation la plus parlante est sans doute : " 40) La seule façon pour les femmes d’accéder à l’égalité est de renoncer à beaucoup de choses. " - point de vue partagé par la majorité des hommes faisant partie du mouvement. En présentant ces citations, Jimmy déclarait que la femme de Ben l’avait quitté. Faut-il s’en étonner ? Une consultation rapide des groupes de discussion (messages et réponses) révèle les objectifs réels du mouvement - et l’ampleur réelle de sa misogynie. Dans un forum intitulé " Garde paternelle - Pas d’exception ", Daniel Amneus, un signataire du Manifesto, établit une relation entre la taille plus réduite du cerveau des femmes et une intelligence féminine réduite. Animé par une hargne étonnante, il écrit ceci :
Les groupes de revendication des droits des hommes se sont aussi infiltrés dans les listes de diffusion électronique et les groupes de discussion consacrés à la violence conjugale, au viol et au droit familial, dans le but évident de faire dérailler tout échange intelligent. De façon outrageuse, la lettre d’information du National Council for Men (Conseil national des hommes), le Mens’ and Fathers’ Activism Report (le Rapport sur la revendication des hommes et des pères), accessible sur l’Internet, invite ouvertement à pourchasser tout groupe qui s’oppose à ses points de vue. L’action la plus haineuse (et complètement illégale) à laquelle il s’est livré a consisté en une exhortation écrite à exercer un harcèlement téléphonique sur la ligne d’aide mise sur pied par le ministère fédéral de la Justice, la National Domestic Violence Hotline. Bien sûr, les groupes de revendication des droits des pères continuent d’imposer leur ordre du jour aux tribunaux et aux assemblées législatives. Dans ces cadres, leurs principaux outils sont le fiel et la désinformation. Les chiffres sont faussés ou mentionnés sans aucune référence à une source. Lorsqu’on les presse de révéler leurs sources, leurs membres et lobbyistes se fâchent, comme le fit récemment Richard Bennett, directeur de la section de la Silicon Valley de la Coalition of Parental Support (COPS - Coalition pour le soutien parental), l’organisme qui avait soutenu la contestation ratée de la présomption en faveur de la garde partagée proposée par le projet de loi AB 999 de la Californie. Le groupe était également le promoteur de la loi SB 509, qui abolit la pension alimentaire viagère. Interpellé à propos de son invraisemblable affirmation que la majorité des mères divorcées ne travaillent pas, Bennett rétorque ceci :
Tirons la situation au clair une fois pour toutes. Les rapports de population du U.S. Census Bureau pour 1988 (Bureau fédéral de la statistique des États-Unis) montrent que 70 pour cent des femmes qui recevaient une pension alimentaire pour leur enfant avaient travaillé un mois complet juste avant l’entrevue de sondage. Et quelle est la solution prônée par plusieurs groupes ? Conférer la garde au parent le plus riche : le père*. Anne Mitchell, fondatrice de Fathers’ Rights and Equality Exchange (FREE, un groupe californien de revendication des droits des pères qui a l’appui de l’ancien gouverneur Pete Wilson, prétend constamment que 75 pour cent des pères versent assidûment la pension alimentaire pour leur enfant. Ce que ce chiffre (tiré des données du U.S. Census) ne dit pas, c’est que dans la plupart des cas ces sommes d’argent ne sont pas payées volontairement mais plutôt à la suite d’ordonnances judiciaires, voire de saisies sur le salaire. De plus, la moitié des femmes créancières de pensions alimentaires destinées à leurs enfants ne reçoivent pas un sou ou seulement une partie du montant dû. Soyons clairs : les pères sont souvent enragés que l’on exige d’eux qu’ils renoncent à une partie de leurs biens pour faire vivre leur famille, plutôt qu’on leur permette de jouir de tout cet argent eux-mêmes. Dans les lettres d’information et sur l’Internet, ils prétendent que leurs ex-conjointes habillent leurs enfants de guenilles [Note de Trish Wilson : alors qu’en fait, ils sont la plupart du temps simplement habillés, de vêtements confortables], pour pouvoir consacrer l’argent destiné à leurs enfants à l’achat de voitures neuves et de vacances coûteuses. Ils dégoulinent d’angoisse pharisaïque telle que celle exprimée par " Bill et/ou Robbie " Fetzner, membres des Wisconsin Fathers for Equal Justice, qui ont affiché une note sur une liste de diffusion portant le nom de " Family Law-L " à l’effet suivant :
Les Wisconsin Fathers for Equal Justice ont réussi à s’infiltrer dans le site Web de la National Organisation of Women of Wisconsin, fait qui a été porté à l’attention de l’organisation nationale (NOW, Organisation nationale des femmes aux Etats-Unis, . Le mouvement de revendication des droits des pères bénéficie à la fois de subventions non taxables du gouvernement fédéral et des cotisations de ses membres. Il faut que les femmes attaquées par ce mouvement s’organisent de la même façon. De plus, les groupes de femmes féministes doivent travailler de concert avec les Commissions sur la condition féminine au niveau des États et avec les mouvements d’hommes pro-féministes. Ils doivent en outre exiger des thérapeutes, du personnel de l’administration de la justice et des avocats qu’ils aient à répondre de leurs décisions lorsqu’ils confient des enfants à des pères abusifs. Il faudrait demander la destitution de tout juge élu qui confierait des enfants à un père susceptible d’abuser d’eux. L’ignorance est fatale dans ce domaine. Il faut surveiller de façon continue les sites Internet des hommes et des pères, leurs listes de diffusion, leurs forums de discussion et leurs groupes de nouvelles ainsi que le harcèlement pratiqué par les hommes à l’égard des sites et des forums favorables aux femmes. Il faut tenir des bases de données à jour sur les individus et les groupes qui se livrent à des actions potentiellement illégales. Certaines de ces suggestions sont déjà mises en application. Par exemple, la Clearinghouse Against Fathers’ Rights (centre d’échange de renseignements sur les activités de revendication des droits des pères), récemment mise sur pied par la NOW nationale, a pour mission d’alerter ses membres pour qu’elles puissent prendre position sur des projets législatifs traitant des droits des pères. Il importe de s’organiser de plus en plus. Avant tout, nous ne devons pas nous laisser réduire au silence par des discours haineux. Les femmes ont le pouvoir et les ressources requises pour se tenir debout et riposter. Trish Wilson est une journaliste pigiste et une militante dans des groupes de lutte contre la violence comjugale. Elle collabore avec le National Organization for Women’s Clearinghouse Against the Fathers’ Rights Movement. Traduit pour Sisyphe par Philippe Robert de Massy. * C’est aussi l’opinion de l’auteure de Les enfants de Jocaste, Christiane Olivier, une inspiratrice de certains groupes québécois de défense des droits des pères. Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 février 2003 © On The Issues. Winter ’97, Vol. 6, No. 1/Web page : 12-20-96/ Pour plus d’information, communiquer avec le Clearinghouse Against Fathers’ Rights, National Organization for Women, 1000, 16th Street NW, Suite 700, Washington, DC 20036. Lire également : Un programme qui prive les enfants de leur mère |