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mercredi 27 juin 2012 À la rencontre d’Annie Sugier - Femmes voilées aux Jeux olympiques (ou Les femmes courent-elles moins vite que les Noirs ?)
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Ana Pak - Comment et à quel moment as-tu été sensibilisée à cette lutte : l’exclusion des femmes du monde du sport ou le fait d’imposer leur présence voilées ? Annie Sugier - D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours été révoltée par le simple fait de savoir qu’il existait des pays où les femmes étaient voilées. La première fois que j’en ai vues j’ai été littéralement choquée : c’était à Londres il y a bien longtemps. Mais c’est en 1979, avec l’arrivée au pouvoir en Iran de Khomeiny, que l’évidence s’est imposée : ce « morceau de tissu » n’était plus une sorte de résidu de l’histoire, mais bien le symbole de l’islam politique en pleine expansion et de la régression du droit des femmes. Je ne m’attendais pourtant pas à ce que, dans un pays laïc comme la France, on assiste à une épidémie de voiles islamiques ni surtout, comme ce fut le cas lors des différentes « affaires de voile », à ce que le mouvement féministe puisse se déchirer sur un tel sujet ! S’agissant du port du voile dans le sport, ma prise de conscience est venue bien plus tardivement, car ce n’est qu’en 1996 à Atlanta qu’est apparue la première femme voilée, porte drapeau (tout un symbole !) de la délégation du régime islamique d’Iran à Atlanta. Pourquoi Les Femmes courent-elles moins vite que les Noirs ? Peux-tu nous parler de ton livre, quelle est l’origine de sa création, et quels obstacles as-tu rencontrés ? A. S. - Ce que je veux dire par cette formule c’est que la lutte contre le racisme a toujours une longueur d’avance sur la lutte contre le sexisme. Je donne d’ailleurs de multiples exemples dans le livre : en France, les révolutionnaires au moment même où ils décrètent l’abolition de l’esclavage (qui sera rétabli par Napoléon) refusent aux femmes les droits civiques ; aux États-Unis, au lendemain de la guerre de Sécession, le droit de vote est accordé aux hommes noirs mais pas aux femmes, quelle que soit leur couleur de peau ! Elles devront attendre cinquante ans… Encore aujourd’hui, l’Église catholique a ordonné des prêtres noirs, asiatiques, indiens, etc. mais toujours pas de femmes. L’idée de traiter de ce sujet à travers l’exemple des Jeux olympiques m’est venue par hasard, en regardant les JO de Barcelone en 1992 et en entendant la presse se réjouir du retour de la délégation d’Afrique du Sud enfin mixte – Noirs et Blancs - exclue pendant trente ans pour cause d’apartheid racial. Or, au même moment personne ne remarquait qu’il y avait trente-cinq délégations sans femmes ! Ma première idée à été d’agir contre cet aveuglement. L’idée du livre est venue bien plus tard : pour marquer les vingt ans de notre combat. Pour expliquer ce que certains ne veulent ni entendre ni comprendre. Pratiquement tous les éditeurs ont refusé la simple idée d’un tel livre : cela n’intéresserait personne, ce n’était pas un sujet suffisamment important pour mériter qu’on en fasse un livre… Pourquoi la lutte contre l’apartheid raciste était-elle plus facile à soutenir aux Jeux olympiques que la lutte contre l’apartheid sexiste ? A. S. - La lutte contre l’apartheid n’a pas été facile, loin de là. Il a fallu la révolte d’un peuple, la solidarité des pays africains nouvellement indépendants, des années de prison pour celui qui allait devenir le grand Mandela, des conférences, des résolutions des Nations Unies, des pressions de tous ordres à l’encontre du régime de Pretoria, des tensions internationales majeures. Or, justement, rien de cela ne peut accompagner la dénonciation de la ségrégation sexuelle. C’est comme si le statut des femmes était une simple affaire interne privée, propre à un État, et dont la communauté internationale n’ose pas s’occuper. D’ailleurs, la réaction du CIO confrontée à nos critiques sera très révélatrice. Sous la plume de Fékrou Kidane, le bras droit du président du CIO il écrira dans la Tribune de mars 1995 que « oser comparer l’apartheid pratiqué en Afrique du Sud à la situation des femmes dans le sport, c’est insulter Mandela et le peuple noir dans son ensemble ». Une façon de faire croire que nous ne parlions que du sport. Quelles sont la particularité et la difficulté de la lutte pour abolir l’apartheid sexiste ? A. S. - C’est d’abord qu’il est légitimé par une religion. Les femmes sont sans doute le seul groupe opprimé dont le statut d’infériorité trouve sa justification dans les paroles supposées de Dieu. Les trois religions monothéistes affirment en effet la hiérarchie homme/femme découlant du fait que l’homme aurait été créé en premier. Dès lors, à chaque poussée de fièvre religieuse, les femmes se trouvent en difficulté. Surtout quand il est question du corps des femmes et de la liberté de disposer de son corps y compris pour faire du sport. Comble de malheur, les femmes qui recherchent avec obstination la reconnaissance de leur groupe social, veulent apparaître comme « respectables » et ont tendance à s’accrocher à la religion (ou à la tradition) comme à une bouée de sauvetage. D’ailleurs c’est ce même argument - le respect des exigences religieuses ou culturelles - qui est avancé par les États signataires de la Convention des Nations Unies pour l’élimination des discriminations à l’encontre des femmes (CEDAW), pour justifier les réserves qu’ils émettent à la mise en application de ce texte pourtant fondamental. Pour quelles raisons les femmes, les féministes ne s’intéressent-elles pas à ces luttes ? Est-ce parce que nous sommes étrangères à notre corps ? A. S. - En fait, on a un double problème : les féministes sont plutôt des intellectuelles et elles se disent que le sport n’est pas un combat principal. Quant aux sportives elles ne se déclarent pas féministes, sans doute parce qu’elles ont déjà assez de mal à s’imposer dans un monde fait par et pour les hommes sans vouloir ajouter une difficulté supplémentaire. Ce sont donc deux mondes qui ne se parlent guère et qui pourtant, l’histoire est là pour en témoigner, ont eu une grande influence l’un sur l’autre. À chaque grande vague féministe il y a eu un développement parallèle du sport féminin. L’enjeu aujourd’hui est sans doute de faire se rencontrer ces deux mondes. Enjeu particulièrement crucial s’agissant des pays sous la loi islamique. Combien de délégations censées représenter leur pays aux JO ne comprennent aucune femme sportive ? Quelles sont les raisons politiques et pratiques de ces délégations sans femmes ? A. S. - En 2008, aux JO de Pékin, il y avait encore trois délégations sans femmes : celles de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de Brunei. À Londres en 2012, la pression du CIO s’étant enfin intensifiée, il ne restera plus sans doute que l’Arabie Saoudite à n’envoyer que des hommes. Il faut savoir que dans ce pays qui pratique un islam très rigoriste, le wahhabisme, le sport est même interdit dans les collèges et les écoles publiques. Il n’y a même pas de stade pour les filles. Le président du CNO d’Arabie Saoudite a fait des déclarations contradictoires, tantôt affirmant que, devant les menaces d’exclusion, son pays enverrait des femmes saoudiennes qui ont pu s’entraîner à l’étranger. Puis, il est revenu sur cette annonce affirmant qu’aucune Saoudienne n’aurait l’aval des autorités sportives saoudiennes. L’obstacle principal avancé dans les pays islamiques est « la promiscuité résultant de la mixité ». Naturellement, cet obstacle ne joue que pour les femmes. Deuxième argument : les femmes n’ayant pu s’entraîner, elles n’ont pas le bon niveau. C’était le prétexte avancé par le Qatar. On sait que la Charte olympique permet au CIO, dans certains cas, de passer outre ces minimas dès lors que ces athlètes représentent un modèle pour les jeunes. Dans cette lutte portée par votre association Atlanta +, quels sont les moments où vous vous êtes dit : ouf ! Cela valait la peine de faire tous ces efforts ? A. S. - Non, je me suis plutôt dit que cette bataille contre le CIO est sans doute la plus difficile que j’ai eu à mener. C’est vraiment ramer à contre-courant que de dire « il vaut mieux qu’il n’y ait pas de femmes du tout que des femmes voilées ». A priori je pensais que le fait que la règle 50 de la Charte olympique interdise toute expression politique ou religieuse aurait été un argument suffisant pour comprendre que cette interdiction s’adressait aussi au voile islamique. Or la raison est balayée par les attitudes faussement compassionnelles à l’égard de ces « pauvres femmes qui sans cela ne seraient pas admises aux JO ». Qu’elles soient éventuellement handicapées ou stigmatisées par le costume islamique ne semble gêner personnes. Le sport c’est le règne de la règle unique. Or, on oublie tout cela quand il s’agit des femmes. N’est-ce pas une forme extrême de mépris ? Lorsque je discute avec les copines sur la place des femmes dans les JO, je me rends compte de la difficulté de la lutte du comité Atlanta +. Car les femmes avec raison disent que les JO, c’est un milieu corrompu et pourri, du coup elles restent totalement étrangères aux luttes que mènent les sportives pour pouvoir percer dans ce monde très masculin et très misogyne. Que faut-il faire pour rompre ce cercle ? Tant que les femmes ne s’intéresseront pas aux JO, elles en resteront exclues, et tant qu’elles en sont exclues, pas de changement possible ! A. S. - Le monde du sport est sans doute corrompu et macho. Mais c’est le cas de la société toute entière. Si l’on avait attendu qu’il en soit autrement pour revendiquer notre juste place, nous serions toujours là à attendre derrière la porte. Étant une féministe égalitariste et universaliste, je ne pense pas que les femmes soient meilleures que les hommes et que nous allons créer un monde plus « beau et plus propre ». Il nous faut investir tous les domaines d’activité parce que ce n’est que justice. Le sport, quelles que soient les critiques qu’on lui apporte, est le phénomène culturel le plus populaire au monde. Des femmes y trouvent une activité qui les passionne. Il n’est que de regarder Damla Rushdie, la cavalière saoudienne, qui aux Jeux de la jeunesse de Singapour, a concouru à 17 ans en 2010, à titre personnel et remporté une médaille de bronze à l’épreuve de saut d’obstacles mixte. Elle s’était entraînée en France, car dans son pays le sport est interdit aux filles dans les collèges publics. Le problème est ailleurs : comment faire comprendre aux mouvements féministes qu’il s’agit d’un thème majeur pour l’émancipation et pour casser les stéréotypes ? C’est ce que nous avons commencé à faire en nous alliant au Lobby européen des femmes à travers la coordination française. Pendant que les hommes se disputent les coupes du monde, et s’éclatent en « dieux des stades », les femmes sont enfermées dans les boxes pour servir les hommes en tant que « prostituées ». Avez- vous des revendications pour abolir la prostitution ? A. S. - Nous avons naturellement intégré dans nos sept revendications la question de la prostitution, car on ne peut pas afficher que l’objet principal du sport est la construction d’un « monde meilleur » (cf la Charte olympique), et baisser les bras devant la prostitution qui s’étale dès qu’un grand événement sportif a lieu. Ce combat est essentiel, mais il a été bien pris en main par le mouvement féministe. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit réglé. Ce qui se passe en Ukraine pour l’Euro 2012 est révélateur. Des jeunes féministes de Femen sont très actives sur le sujet. Nous avons d’ailleurs protesté suite à l’arrestation, le 24 mai 2012, de Yana Zhdanova, militante de ce groupe féministe : elle a été condamnée à cinq jours de prison ferme après avoir tenté de s’emparer du trophée de l’Euro 2012 à Lviv, en Ukraine. Ce geste spectaculaire et symbolique de Femen avait pour objectif d’attirer l’attention du public sur le scandale de la prostitution qui accompagne les grandes compétitions sportives, en l’occurrence l’Euro 2012 de football. Le 25 juillet, 2 jours avant les JO, vous avez une Conférence de presse et un marche quelles sont vos revendications à Londres ? Contre les discriminations ordinaires Contre la ségrégation fondée sur le sexe Une revendication plus globale afin de « construire un monde meilleur » Rendez-vous le 25 juillet avec vous toutes. Propos recueillis par Ana Pak. Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 juin 2012 |