Au cours de ces dernières semaines, et dans plusieurs pays, des groupes de citoyens ont ouvertement pris position contre les fondamentalistes musulmans, y compris leurs groupes armés.
Au Mali, en plusieurs occasions, des citoyens ont tenté d’empécher les amputations publiques, les lapidations et les flagellations.
Des femmes maliennes ont également attaqué des membres de l’AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) pour s’opposer à l’imposition qui leur était faite du soi-disant « costume islamique » qui est tout à fait étranger à leur culture (mais avez-vous jamais vu quelqu’un en Europe se lever pour défendre leur droit à préserver leur culture, leur vêtement traditionnel, - lequel N’EST PAS le soit-disant « voile islamique » de style saoudien, récemment importé ?) Pour toute réponse, les groupes fondamentalistes armés ont tiré sur elles à la mitraillette.
En Inde, dans la ville d’Ahmadabad, deux citoyens ont fait face à des foules de manifestants contre la vidéo anti-musulmans : ‘L’Innocence des Musulmans’. Ils portaient des panneaux proclamant : ‘Il suffit de ne pas la regarder !’. Ils ont été tabassés.
En Iran, une femme a frappé un religieux qui lui faisait des commentaires sur sa tenue supposée non islamique. Elle lui a suggéré de regarder de l’autre côté, mais comme il persistait, elle l’a battu. On peut être sûr qu’elle payera ça au prix fort.
En Libye, sur le lieu même de l’attaque à Benghazi, les manifestants portaient des panneaux d’excuses pour le meurtre de l’ambassadeur US ; sous différentes formes, tous envoyaient le message : ‘Pas en notre nom’, et se démarquaient des tueurs.
Ce sont également des citoyens qui entamèrent le processus d’expulsion des villes des milices armées, alors que les troupes gouvernementales n’intervinrent que plus tard.
En Afghanistan, des manifestants se sont physiquement confrontés aux autorités quand celles-ci ont voulu rebaptiser une université du nom d’un dirigeant de la droite religieuse.
En Tunisie, des femmes descendent régulièrement dans la rue pour défendre leurs droits constitutionnels et s’opposer à tout recul légal sur la question de l’égalité entre citoyens – hommes et femmes.
Au Pakistan, depuis plusieurs années maintenant, des organisations de femmes manifestent en faveur d’un état laïque, avec la séparation claire du politique et du religieux.
On pourrait donner encore bien d’autres exemples et dans d’autres pays.
Ces citoyens sont l’avenir de ces pays et de l’humanité. Mais quand donc les médias européens ont-ils relaté ces événements de façon adéquate ? Où de telles informations ont-elles fait la une des journaux ?
Combien de temps faudra-il à la gauche européenne et aux organisations des droits humains pour prendre la défense des gens courageux, qui se dressent contre les fondamentalistes au risque de leur vie, plutôt que celle de leurs oppresseurs et de leurs tueurs ?
Pourquoi estime-t-on que les fondamentalistes, c’est-à-dire les néo-fascistes de l’extrême-droite religieuse, représentent et défendent le ‘véritable islam’ ?
Pourquoi estime-t-on que tous ceux qui s’opposent aux fondamentalistes sont des renégats anti-islam – et que donc, s’ils sont tués, ma foi…ils l’ont bien cherché ?
Pourquoi les laïcs sont-ils considérés comme des ‘islamophobes’ alors qu’ils sont anti-fondamentalistes ?
Et pourquoi la gauche persiste-t-elle à utiliser la terminologie promue par les fondamentalistes : « charia », « islamophobie », « fatwa », etc…, une terminologie que les laïcs n’ont cessé de dénoncer et de déconstruire.
Ni les dix ans de résistance au fondamentalisme armé en Algérie ni ses 200 000 victimes n’ont suffi à changer la position de la gauche et des organisations de droits humains vis-à-vis du fondamentalisme. Ni même, semble-t-il, cette résistance interne qui apparaît publiquement aujourd’hui, dans tant de pays.
Mais quelque chose va peut être changer leur manière de voir : la tentative d’assassinat d’une enfant au Pakistan, Malala Yousafzai, la jeune fille de 14 ans qui défend l’éducation des filles. Ils ont tiré sur elle et ont revendiqué leur attaque. Ils ont déclaré qu’ils l’attaqueraient de nouveau si elle survivait, et que toute personne s’exprimant contre les Talibans serait exécutée. Est il enfin clair qu’une enfant qui réclame son droit à l’éducation est considérée comme un suppôt de « l’Occident », une ennemie de l’islam (puisque les Talibans s’estiment les uniques représentants légitimes de l’islam), une ‘apostate’, qui mérite d’être physiquement éliminée ? Comme nous tous,‘kofr’, le méritons…
Nous sommes les Chevalier Jean-François Lefèvre de la Barre d’aujourd’hui – ce jeune homme (Septembre 12, 1745 – Juillet 1, 1766) qui, pour avoir refusé d’ôter son chapeau au passage d’une procession religieuse, fut atrocement torturé avant d’être assassiné, et dont le corps fut brûlé sur un bûcher en compagnie du « Dictionnaire philosophique » de Voltaire.
Personne en Europe n’imaginerait aujourd’hui justifier de telles atrocités ‘chrétiennes’ au nom de la religion. Mais on semble considérer que les présumés ‘musulmans’ n’ont pas droit au même accès aux droits humains universels, à la liberté de pensée et à la liberté de conscience. Les présumés ‘musulmans’ sont ‘assignés à leur culture’ ; ils sont assujettis aux coutumes et à la religion - et cela doit rester en l’état -, tandis que le reste de l’humanité jouit des droits universels.
Nous sommes les Chevalier de la Barre d’aujourd’hui, réclamant notre droit de ne croire en aucune religion sans pour autant être torturés et tués.
Nous sommes les Chevalier de la Barre d’aujourd’hui, exigeant notre droit à ne pas être voilées, à être éduquées, à avoir un travail salarié, à nous déplacer librement et à jouir des droits des citoyens.
Jean-François de la Barre avait 19 ans ; Malala n’en a que 14. L’assassinat légal du Chevalier a donné une impulsion au changement politique et à la laïcité en France. Celui de Malala est-il le prix à payer pour notre émancipation d’une religion étatique et de ses implications légales sur nos vies ?
– La version originale en anglais est sur ce site.
Traduction en français par l’auteure
Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 octobre 2012