À l’évidence, le sujet passionne cet homme en complet au visage émacié, au front dégarni et à la barbe blanche fournie. Il accélère de plus en plus le rythme de ses phrases et agite ses mains. À un moment, il lève l’index, fixe son auditoire droit dans les yeux et lance dans un arabe châtié : « (…) Les filles, au Canada, qui atteignent l’âge de vingt ans et qui ne sont pas encore mariées sont une honte pour notre communauté. Il est de la responsabilité des centres islamiques de leur trouver urgemment un mari. » N’était-ce le mot Canada, on se croirait prendre part à un prêche quelque part au Moyen Orient ou au Maghreb. Sauf que tout ceci se passe non loin de chez vous, à Ville Saint-Laurent, au Centre communautaire Laurentien qui n’est en réalité qu’une simple vitrine pour l’une des mosquées les plus radicales au Québec, la mosquée al-Rawdah (alrawdah.ca).
L’auteur de ces propos n’est nul autre que Omar Abdelkafi, un prédicateur d’origine égyptienne, qui est établi à Dubaï et qui sillonne la planète d’un bout à l’autre pour distiller le venin des Frères musulmans. En 2008 au Bourget en France, il est invité à la grande kermesse annuelle de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), une organisation intégriste qui a pignon sur rue. Avec une mainmise sur la majorité des mosquées à travers le territoire français, l’UOIF pèse lourd et actionne au cœur de la République d’innombrables leviers.
L’argent n’est-il pas le nerf de la guerre ? Eh bien, l’UOIF en a assurément beaucoup. C’est à travers une vidéo postée sur le site Internet du centre que je suis le prêche d’Omar Abdelkafi. Un détail me saute aux yeux : ce que j’entends en arabe ne correspond pas à ce que je lis en français sur l’écran. En effet, il existe une subtile différence entre ma traduction et celle du centre qui se lit comme suit : « (…) Et moi je vois que les filles musulmanes canadiennes qui atteignent l’âge de mariage et ne se marient pas, toute la communauté a une part de responsabilité ». Visiblement les deux versions s’adressent à des publics distincts. Point d’ambigüité : la version « dure » est destinée aux pères alors que la « douce » cible leurs rejetons.
– Pour l’article intégral sur le blogue de Djemila Benhabib dans Le Journal de Montréal.
– Pour lire l’intégralité du rapport Petermann.
– Pour écouter le <http://bit.ly/yy7sTg>
Prêche de Omar Abdelkafi.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 février 2012