Commentaire publié sur la page Facebook de l’auteure et qui fait l’objet d’un appel à la censure. (Sisyphe)
Maintenant que les six victimes lâchement assassinées par Alexandre Bissonnette, à Québec dimanche dernier, sont enterrées, le moment de l’analyse des faits s’impose pour nous offrir son champ des possibles. L’immense tristesse doit céder le pas à la raison.
Donner un sens à cet événement tragique est désormais nécessaire. Est-il un acte marginal ou symptomatique d’une haine viscérale à l’endroit des musulmans ? En d’autres mots, Alexandre Bissonnette est-il un loup solitaire ou l’odieux visage d’un "terrorisme québécois" s’alimentant au "racisme systémique" et à "l’islamophobie" ?
J’essayerai d’apporter des réponses à ces questions tout au long de la semaine prochaine. Car il y a bien entendu ce drame survenu dimanche dernier à décrypter. Mais la gestion du drame à cogiter.
Depuis la qualification de cette fusillade d’attentat terroriste, nous avons été plongés dans un tourbillon aux conséquences très lourdes. Le gestionnaire de la crise devenait soudainement le gouvernement fédéral avec la GRC qui venait de facto prendre en main l’enquête. Ah bon, mais pourquoi donc ? La résonance de l’événement à l’échelle internationale mettait en dualité les États-Unis de Trump et le Canada de Justin Trudeau. Simple hasard ?
La culpabilisation collective du peuple québécois s’est mise très vite en marche. Nous étions tous devenus soudainement coupables du geste d’un Bissonnette de souche. Forcément, il fallait trouver des noms très vite. Les exécutions publiques ont commencé en pointant du doigt des radios, des chroniqueurs et des personnalités publiques, des partis politiques, des débats. J’y reviendrai.
L’infantilisation des musulmans
Ce qui m’a le plus horrifiée c’est néanmoins cette infantilisation des musulman-es par des politicien-nes aussi incompétent-es qu’irresponsables qui ont toujours refusé d’incarner le sens de l’État et de l’autorité. Alors, on a précipité le Québec dans un excès de religiosité musulmane. Vous voulez découvrir l’islam ? Eh bien Radio-Canada s’en charge ! Cours 101 accéléré. On a offert aux Québécois et aux Québécoises l’image d’un islam phallocrate et littéraliste avec des incantations à n’en plus pouvoir, des Allahou Akbar à toutes les sauces, des femmes séparées des hommes, encore vues comme des impuretés, faisant office de simples figurantes alors qu’elles sont la moitié de l’humanité.
Vous pensez sincèrement rendre service aux musulman-es en exploitant cette poussée religieuse de cette façon ? Et dire qu’en Algérie, dans les années 1990, nous avons repoussé les portes des cimetières qui nous étaient interdits (à nous les femmes) pour enterrer nos morts assassinés par les islamistes, en scandant des chants patriotiques et en célébrant la démocratie. Hé ! Radio-Canada, mais informez-vous bon sang de bon sang ! Et nous le faisions têtes nues !
Je me serais attendue à ce que ces rencontres avec les religieux musulmans soient aussi une occasion pour nos politiciens de leur expliquer le sens de la démocratie. La nécessaire distanciation entre le politique et le religieux pour protéger les religions précisément. Le profond respect des femmes. Notre attachement à la liberté d’expression. Notre rejet viscéral de la violence. Mais non, c’était trop leur demander. L’occasion était trop belle pour eux de comptabiliser des votes ! Caresser dans le sens du poil. Et faire des promesses, toujours des promesses... aussi insensées les unes que les autres.
Rare moment d’islamisation de la démocratie
Je crains que nos décideurs nous aient placés dans une logique infernale. Ils se sont drapés dans les paroles des religieux. Nous avons assisté à un rare moment d’islamisation de la démocratie en direct. Ils n’ont pas su afficher la hauteur qu’exigent d’eux leurs fonctions. Un politique n’a pas à reprendre les paroles d’un religieux. Car il représente les Québécois et les Québécoises dans leur pluralité et leur diversité. Il doit toujours incarner avec dignité sa fonction et ne jamais perdre de vue le sens de la nation et des grands principes démocratiques.
Et puis il y a l’ultime dénonciation. Celle des mots et des paroles !
Certes les mots peuvent blesser comme ils peuvent guérir. Ça vaut cependant pour tous les mots... y compris ceux du Coran.
Je crois qu’à ce chapitre-là ces religieux musulmans présents lors des funérailles n’ont pas de leçon à nous donner. Ont-ils déjà dénoncé l’utilisation de la violence lorsqu’est survenue la boucherie de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, par exemple, et tant d’autres événements tragiques impliquant des musulmans et des non-musulmans ?
La réponse nous la connaissons toutes et tous.
Quant à moi, je vais continuer mon combat pour la laïcité, l’égalité et la liberté d’expression. Et oui, Richard Martineau je vis ce drame, tout comme toi ainsi que nous toutes et nous tous, dans la tristesse et la colère. Je vais poursuivre ce combat. Je veux le faire avec TOUTES les Québécoises et TOUS les Québécois.