Un journaliste d’un journal montréalais qui consacrait une partie de sa chronique au port du voile islamique a qualifié Pauline Marois et Louise Beaudoin "de gardiens de l’Identité" en faisant référence à leur prise de position quant à cet enjeu. De plus, le chroniqueur laissait entendre qu’il y avait une surenchère actuellement au Québec, dans certains milieux, quant à la portée du voile islamique. Qu’il me soit permis de lui rappeler quelques faits.
En 2005, l’Ontario est passée à un cheveu d’instaurer les tribunaux islamiques. Volonté qui a été finalement abandonnée grâce à un large mouvement d’indignation à travers le monde. Ce n’est pas un hasard si Homa Arjomand, d’origine iranienne, qui a fui le régime islamiste des mollahs en 1989, s’est retrouvée à la tête de la contestation. Homa Arjomand est-elle une gardienne de l’Identité ? Éditorialistes, intellectuels, politiciens, défenseurs des droits humains, féministes se sont joints à la campagne de dénonciation. Margaret Atwood, Maureen McTeer, la femme de l’ex-premier ministre Joe Clark, Flora MacDonald, l’ancienne ministre conservatrice, ainsi que la militante Maude Barlow, entre autres, ont envoyé une lettre ouverte au premier ministre McGuinty, lui demandant d’abandonner son projet. Ces femmes-là sont-elles des gardiennes de l’Identité ?
Le 26 mai 2005, l’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité une motion proposée par Fatima Houda-Pépin qui se prononçait sans équivoque contre l’implantation des tribunaux islamiques au Québec et au Canada. Soit, le caractère de la résolution était symbolique. Cependant, elle permettait à l’Assemblée nationale de souligner que « l’instauration au Canada de tribunaux islamiques ne découle pas de la liberté religieuse, ni de l’égalité entre les communautés culturelles, mais d’une stratégie politique qui vise à isoler la communauté musulmane, à la rendre plus malléable aux mains d’idéologues et à saper notre système de justice. (…) il ne faut pas sous-estimer la menace que font peser les intégristes sur les femmes et le système de justice ». Fatima Houda-Pépin est-elle une gardienne de l’Identité ?
En réaction à cette prise de position, une trentaine de groupes musulmans ont signé une déclaration commune publiée dans plusieurs journaux, demandant à l’Assemblée nationale du Québec de revenir sur ses déclarations, estimant qu’elle « stigmatise les citoyens de confession musulmane et exprime une discrimination à l’encontre de leur religion ». Encore une fois, les islamistes ont agité le spectre de la discrimination et du racisme pour se présenter en victime. Au Québec, la mobilisation des mosquées a joué un rôle crucial lors de l’affaire des tribunaux islamiques en Ontario par l’intermédiaire du pathétique imam tunisien Al-Jaziri et du virulent imam égyptien Salam Elmenyawi, président du Conseil des musulmans de Montréal, deux chauds partisans du projet. C’est dire qu’il y a une stratégie islamiste qui est bel et bien en place et qui vise à faire avancer son propre agenda politique.
Des reportages percutants montrent clairement que l’islamisme politique gagne du terrain dans notre pays de mille et une façons. Au lendemain des attentats du 11 septembre, le 2 décembre 2001, le Toronto Star a publié, sous la plume de Sam Grewal, un dossier intitulé « In some Toronto mosques, the hard line ». Dans son enquête, le journaliste rapportait certains faits troublants concernant des prêcheurs qui n’hésitaient pas, dans l’euphorie post-11 septembre, à parler de jihad contre l’Occident. Un reportage de la CBC diffusé en mars 2007 et intitulé « Who Speaks for Islam ? » montrait l’intimidation dont sont victimes des musulmans canadiens qui essaient de parler au nom d’un islam modéré, pluraliste et séculier.
Ce qui est encore plus inquiétant, c’est l’impunité dont jouissent les radicaux qui revendiquent la liberté d’expression pour justifier leurs campagnes d’intimidation et de menaces. Le 17 janvier 2008, le réseau français de la télévision de Radio-Canada a diffusé un reportage sur les mosquées montréalaises et les prêches des imams. On pouvait y voir notamment des imams prônant le jihad, le contrôle des femmes et la non-mixité. On se serait cru à Peshawar ou à Khartoum. Des plaintes sont déposées à la Commission des droits de la personne pour non-respect de l’islam en Nouvelle-Ecosse, en Alberta, en Ontario et en Colombie-Britannique.
Dans notre pays, il est indéniable que les islamistes exercent une pression éhontée sur les institutions publiques et s’attaquent aux valeurs démocratiques. C’est parce que bien des femmes et des hommes en sont conscients qu’ils restent vigilants. Ce n’est pas en « gardiennes de l’Identité » que des femmes expriment leur opposition au port du voile islamique, mais c’est en connaissance de cause. Parce que les femmes savent que l’égalité des sexes a été conquise après une lutte acharnée de plus d’un siècle, ici même. Parce qu’elles savent que les acquis démocratiques sont si fragiles et ceux des femmes encore vulnérables.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 10 juin 2009
Note de Sisyphe
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