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jeudi 8 mai 2008 "Gang" de rue et prostitution Témoignage
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Ma démarche est uniquement basée sur des principes humanistes et le simple bon sens. Je tiens à préciser que je n’ai pas d’études dans le domaine. Je suis un ouvrier de Montréal, j’ai plutôt réagi lorsque l’école, que l’une de mes filles fréquentait, m’a appelé pour me dire qu’elle était sous l’influence d’un gang de rue. Plutôt que de paniquer, j’ai décidé de comprendre. Parce que, ce qui m’a le plus étonné, c’est que j’ai toujours élevé mes filles dans le respect de leur personne ainsi que de leur condition de future femme. Alors j’ai parlé, et j’ai été étonné du nombre de personnes qui ont vécu ou connaissent quelqu’un qui a vécu cela. J’ai recherché d’ex-membres de groupes criminalisés, me disant que, de par ma condition d’homme, les hommes seraient beaucoup plus faciles d’approche pour moi. J’ai par la suite commencé à rencontrer des femmes qui ont subi de l’exploitation sexuelle. Alors, j’ai surtout rencontré des personnes qui n’ont pas reçu d’aide et qui se débrouillent comme elles le peuvent. Ce qui existe sur les marché des services sociaux ne m’a pas touché. Ou très peu. De toute façon, les demandes d’aide peuvent prendre de 6 à 8 mois avant d’être traitées... Une éternité pour une personne en situation d’exploitation sexuelle ou simplement de détresse psychologique. Les proxénètes et les recruteurs Je dois dire que, maintenant, je ne peux plus considérer les victimes d’exploitation sexuelle sans leurs proxénètes et leurs recruteurs. Il y a une étrange relation d’amour, de mépris et de haine entre eux. Les recruteurs (hommes ou femmes) ont pour rôle d’approcher les victimes potentielles et de les soumettre, alors que les proxénètes les exploitent, les vendent et les déplacent dans les marchés du sexe où elles seront le plus rentables. Les filles les plus rentables sont celles qui croient être volontaires ! Il faut amener une jeune femme à accepter l’idée de le faire volontairement, après elle est plus facilement manipulable. Beaucoup de proxénètes ont déjà été des recruteurs auparavant ou des prostituées elles-mêmes. Il y a des classes sociales entre les filles et celles qui s’en sortent le mieux exploitent avec mépris les autres, les considérant comme naïves, stupides ou simplement des ‘bitchs’. Beaucoup de jeunes filles sont carrément en amour avec leur recruteur, même si ce dernier a plusieurs filles et qu’il les vend à un proxénète. La jeune femme va souvent se considérer fautive et considère le fait d’avoir été vendue comme une forme de punition. Elle croit qu’elle n’a pas été assez soumise ou être trop problématique (imprévisible). J’ai entendu l’expression "filles en fin de course" pour désigner les femmes qui sont trop brisées pour être rentables. N’oublions pas que les jeunes recruteurs font leur début en vendant leurs propres blondes... Là-dessus, j’en connais énormément. La société, en banalisant l’exploitation sexuelle, leur rend la tâche beaucoup trop facile. Comment répliquer quand des artistes connus font la promotion de la prostitution, la qualifiant d’ouverture d’esprit ! Que des hommes et des femmes politiques parlent de légalisation de la prostitution, que des féministes parlent d’assumer leur liberté sexuelle dans la prostitution, que des fonctionnaires considèrent que c’est bon pour l’économie... Que cela attire des touristes... Que des institutions comme Loto-Québec font de la publicité hors Québec en valorisant la facilité d’accès sexuel aux Montréalaises... Que des journalistes responsabilisent publiquement les victimes qui ont le courage de se plaindre... J’ai rencontré des victimes, des recruteurs, des proxénètes, des clients et des personnes travaillant pour et contre la légalisation. Ceci étant dit, je crois que nous assistons à une grave crise sociale, qui est hélas d’envergure mondiale. Ce milieu est incroyablement haineux, raciste et misogyne. Je dis cela à cause des discours, des modes de pensée ainsi que des actes qui tendent à justifier la situation. Les proxénètes se comportent comme des vendeurs de voiture, il leur faut différents modèles pour satisfaire à la demande. J’ai parlé à des jeunes femmes qui ont été vendues par leur amoureux à l’âge de 14, 15, 16 ans. Lorsque l’on affirme que ces femmes aiment cela, il faut souligner que beaucoup en étaient à leur première relation amoureuse. La majorité des prostituées "volontaires" à qui j’ai parlé ont connu l’inceste ou de l’indifférence parentale dans leur enfance. La pauvreté est une raison majeure qu’elles invoquent pour justifier leur choix de vie. L’autre est la drogue. Ces femmes, qui ont été réduites en esclavage sexuelle, sont marquées à vie. J’ai vu beaucoup trop de personnes profondément détruites. J’ai approché le monde politique, et je me suis fait répondre qu’une fille de 16 ans a le droit de choisir ce métier-là, que je n’irais nulle part avec ma position abolitionniste (je ne connaissais pas l’expression à l’époque) parce que la position du Canada et du Québec est la légalisation. Je sais maintenant que plusieurs groupes de pression font front commun pour que la prostitution soit légalisée pour les Jeux olympiques de Vancouver en 2010. La situation familiale des victimes Pour lutter contre le phénomène, je suis convaincu que le premier terrain de bataille est la famille. Aucun parent ne tolèrera facilement la criminalisation de ses enfants ou l’exploitation sexuelle de sa fille. Les parents sont souvent débordés, isolés, abasourdis et paniqués. Ils ne savent que faire et ont besoin d’aide. Ils sonnent la sonnette d’alarme. Les services sociaux devraient mieux les écouter sans les juger. Même si la mère est toxicomane, alcoolique ou simplement pauvre. C’est ce que je veux faire. Les cellules familiales idéales pour les recruteurs sont les familles monoparentales, et plus particulièrement la mère est responsable. Les comflits entre les parents fragilisent les enfants. La pire chose que peuvent faire les parents, c’est de parler en mal l’un de l’autre devant leurs enfants. Les jeunes subissent déjà une brisure d’identité par l’éclatement de leur cellule familiale, si en plus, ils doivent supporter les problèmes des parents, ils peuvent être amenés à rejeter leur famille ainsi que les valeurs familiales. Ils chercheront leur identité là où ils le peuvent. Les filles deviennent très vulnérables. La pauvreté qui découle souvent de la monoparentalité, le parent complètement débordé, à bout de souffle, qui fait ce qu’il peut, ne peut toujours être un support adéquat pour l’enfant ni le guider. L’enfant devient influençable, révolté et colérique. Au fond, le ou la jeune souffre d’une perte d’identité. De plus les recruteurs veulent des filles qui ne causeront pas de problème. C’est la raison pour laquelle les filles qui proviennent de milieu plus riche seront mieux traitées. C’est elles qui passent dans les médias (pour faire la promotion du "métier"), qui font les clients riches et qui gardent la majeure partie de leurs gains. Elles ont pour rôle de faire paraître le métier "cool" et le milieu les utilise comme modèles pour les autres. De leur côté, les filles originaires de milieux pauvres sont soumises à des traitements qui dépassent l’imagination. Elles ne gardent presque rien de leurs gains et doivent se soumettre à toutes les formes de traitements, le proxénète ainsi que le recruteur se sachant protégés par l’impuissance de la famille de la jeune fille. Lorsque la jeune femme revient à sa famille, dans bien des cas, après une séparation douloureuse (fugue, agression, accusation de toute sorte, vol, mensonge...), elle est aux prises avec des problèmes de toxicomanie, d’alcoolisme, de dépendance au jeu, de dépendance psychologique. Elle a subi des viols répétitifs et violents (les proxénètes aiment bien les mettre à leur main). Elles ont assisté à des meurtres, de la torture, lorsqu’elles n’y ont pas personnellement participé. Le prix des filles a baissé à cause de l’offre qui a grandement augmenté. Donc, les proxénètes cherchent à rentabiliser les filles en les faisant participer à divers rackets, meurtres ou trafics de drogues. Elles ont donc régulièrement des dossiers criminels ou des choses à se reprocher. Elles sont doublement victimes et influençables. Comment une famille peut-elle être préparée à recevoir une personne aussi traumatisée ? Surtout que la jeune femme a maintenant des goûts de luxes et en général des milliers de dollars de dette, souvent contractées auprès du crime organisé. De là l’idée d’une maison d’hébergement affiliée à un réseau d’hébergement québécois. J’ai parlé à des filles tellement traumatisées que j’en suis resté moi-même marqué. Je crois qu’aucun service social ne peut répondre adéquatement à la demande... Même d’anciens proxénètes sont restés marqués à vie. Certains ont même pleuré devant moi en me racontant certaines scènes de leur vie. Que dois-je répondre à une fille qui a été enfermée dans une chambre se tapant de 14 à 20 clients par jour, 7 jours sur 7 ? À une autre qui a dû torturer sexuellement sa meilleure amie pour tourner un film vidéo porno ? À une autre encore qui a été vendue sur le marché international, et qui s’est retrouvée dans les Caraïbes, croyant avoir une vie de rêve, mais obligée de satisfaire des touristes... (Elle a été vendue adolescente et elle parle maintenant convenablement 7 langues ! Et elle n’a même pas de secondaire 5). Je suis sans voix. En premier lieu Je dirais qu’il faut cesser de croire qu’une victime ira se plaindre par elle-même. Elle gardera cela pour elle, principalement parce que l’abuseur la fera se sentir coupable ou responsable. Et comme la jeune femme ne veut pas être perçue comme étant une personne perverse ou simplement souillée, elle va se construire une montagne d’apparences. Je dis cela notamment pour les personnes qui ont vécu des abus sexuels, physiques ou de l’indifférence familiale. Il ne faut pas perdre de vue que l’abuseur achètera souvent le silence de l’enfant par des cadeaux ou simplement de l’affection. La victime d’abus comprendra que sa soumission sexuelle lui procurera des gains financiers ou autres et sera une victime parfaite pour les trafiquants du sexe. En deuxième lieu Beaucoup de parents auxquels j’ai parlé sont des mères monoparentales, des ouvriers peu salariés et surtout qui sont dans des secteurs ayant des liens avec criminalité. (Quoique je rencontre de plus en plus de parents dont le jeune a été piégé par Internet.) Par conséquent, je suggère que les services de prévention commencent à l’école. Il faut réduire le nombre d’élèves dans les classes, surtout dans les quartiers pauvres, et entraîner les professeurs à repérer les victimes. Toutes les écoles devraient être pourvues de spécialistes pour intervenir efficacement. Ce serait à ces personnes de diriger les victimes vers les services sociaux adéquats. Pas aux victimes elles-mêmes, ni à leurs parents débordés ou qui sont incapables (problèmes de drogue, d’alcool ou autres...) Il faudrait donner des cours de sexologie dans les écoles. C’est urgent ! Et ces cours devraient comporter un chapitre sur la définition entre la liberté sexuelle et l’exploitation sexuelle. Et ce dès le secondaire I ! En ce moment, à Montréal, on a des concours intitulé "Combien de filles j’ai déflorées"... et les jeunes filles sont souvent achetées à des réseaux d’exploitation sexuelle qui recrutent dans nos polyvalentes !!! En troisième lieu Le client veut une fille qui lui procure du plaisir. Pour cela, elle doit lui donner l’impression d’aimer ce qu’il lui fait subir. Il est important que la jeune femme joue un rôle, qu’elle travestisse ses sentiments. Si les méthodes de dressage des victimes sont diverses, il me paraît clair que certaines victimes potentielles sont clairement ciblées. Les fugueuses, les abusées et les victimes de violences familiales, ou simplement ceux et celles dont les parents divorcent. La victime parfaite est la jeune femme dépendante affective qui se valorise facilement par la perception que les autres ont d’elle ou qui se cherche une identité sociale. Plus elle est isolée, plus elle est une proie alléchante puisque sa disparition n’inquiètera personne. De plus, nous devons nous intéresser aux habitudes de vie à éviter (consommation de drogue, de tabac, d’alcool, etc.). Car les jeunes y sont plutôt encouragés surtout au secondaire. Les compagnies de cigarettes, les groupes criminalisés se sont rendu compte qu’il était très rentable d’accoutumer les jeunes à la drogue. Alors, ils vendent dans les écoles et les "dealers" sont des jeunes. De plus, l’image de la jeunesse est souvent utilisée par les médias pour faire vendre des produits alcoolisés, de même qu’utiliser pour promulguer le libertinage sexuel ou plutôt le libéralisme sexuel. Donc, beaucoup de jeunes ont des comportements directement influencés par les médias et se soumettent à des traitements qu’ils croient normaux, alors que ces traitements sont l’effet d’une mode instaurée par l’industrie de la pornographie. Les drogues, l’alcool et le jeu sont des méthodes d’attraction et de maintien de la personne dans la prostitution et la criminalité. Mis en ligne sur Sisyphe, le 4 mai 2008 |