| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






dimanche 25 mai 2014

Traite de personnes à Ottawa : au moins 150 femmes auraient été réduites à l’esclavage sexuel

par Derek Spalding, Ottawa Citizen






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Hypersexualisation, érotisation et pornographie chez les jeunes
La Fédération des femmes du Québec légitime-t-elle la culture de l’agression ?
Lettre au Premier Ministre Justin Trudeau sur l’intention du Parti libéral du Canada de décriminaliser la prostitution
Décriminalisation de la prostitution : les survivantes se mobilisent
La Coalition contre la traite des femmes dénonce un projet des Jeunes libéraux du Canada visant à décriminaliser l’achat de sexe et le proxénétisme
Prostitution - Manifeste des Fanny : au-delà de nos histoires, nos revendications
Pour un "bilan" de la loi C36 - Interroger aussi les femmes qui veulent sortir de la prostitution
Un "bilan" biaisé et incomplet de la loi C36 sur la prostitution
Prostitution - Pas si glam le Grand Prix
Prostitution, gangs de rue et crime organisé au Québec
Prostitution : les gouvernements ont les moyens d’agir
La complaisance des médias envers l’industrie du sexe doit cesser
Au gouvernement Trudeau - Il faut maintenir la loi sur la prostitution
Élection et prostitution - Lettre ouverte au Nouveau Parti Démocratique du Canada
Prostitution - La nouvelle loi canadienne inspirée du modèle nordique
Prostitution - Le projet de loi C-36 doit assurer partout l’immunité aux personnes prostituées
Une société progressiste encourage l’égalité, non la prostitution des femmes
Prostitution - Ce n’est tout simplement pas un métier
Projet de loi sur la prostitution : fiche d’information du ministère de la Justice du Canada
La prostitution : une nouvelle forme d’esclavage
La Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution estime que le nouveau projet de loi est porteur d’espoir
CSF - Le projet de loi fédéral sur la prostitution : un changement législatif historique
Le langage "colon" et celui des pro-prostitution
Prostitution - Le Canada est prêt pour un "modèle canadien" ciblant les acheteurs
Réplique à Martin Matte - La prostitution n’a rien d’un beau malaise
Virage à 180˚ sur les salons de massage : la Ville de Montréal songe à "aménager" la prostitution
L’inclusion de toutes les femmes passe par la reconnaissance de toutes les violences qu’elles subissent
Le film "Les criminelles", une infopub pour l’industrie du sexe !
L’assistance sexuelle, une atteinte détournée au droit des femmes à ne pas être prostituées
Pour une stratégie concertée contre la traite des femmes et l’exploitation sexuelle
La députée Maria Mourani dépose un projet de loi sur la traite des personnes et l’exploitation sexuelle
L’Adult Entertainment Association of Canada (AEAC) veut recruter des stripteaseuses dans les écoles secondaires
Prostitution - Affirmer le droit des femmes de vivre sans prostitution
Prostitutionnalisation du tissu social ou abolition de la prostitution
Cessons de banaliser la prostitution ! C’est de l’exploitation !
Lancement du DVD du film L’Imposture - La prostitution mise à nu. Projections à Montréal et dans d’autres villes
Le lobby de l’industrie du sexe tente de bâillonner des voix féministes par le mensonge et l’intimidation
Prostitution - Une forme de violence toujours taboue
Prostitution - Mauvais pour les femmes, mauvais pour les lesbiennes !
Détournement de la Commission d’enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes disparues
La Commission d’enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes disparues part perdante
La légalisation de la prostitution et ses effets sur la traite des femmes et des enfants
L’industrie mondiale du sexe et ses complices entravent l’autonomie de toutes les femmes
La prostitution est-elle bonne pour la santé des femmes et leur épanouissement ? 23e Cercle de silence
Une véritable solidarité avec les femmes prostituées réside dans la lutte pour l’abolition de la prostitution
Cinq bonnes raisons de refuser le jugement Himel sur la prostitution, comme féministe et comme citoyen-ne du monde
Pour l’égalité de fait pour toutes : une politique de lutte contre l’exploitation sexuelle de l’image et du corps des femmes et des filles
Aider les femmes prostituées à se situer au coeur de leur vie
Lettre à ceux et celles qui récupèrent le meurtre de Marnie Frey, victime de Pickton, pour servir leur cause
Décriminaliser la prostitution, un aimant pour les proxénètes et les clients
Prostitution - Nous ne devons pas nous contenter de la simple "réduction des méfaits"
Prostitution et crimes - Rapport d’enquête sur le traitement de l’affaire Pickton par le Service de police de Vancouver
Journée de lutte contre l’exploitation sexuelle - En mémoire de Nadia Caron (1983-2005)
Escalader le Kilimandjaro pour aider des femmes à quitter la prostitution
Prostitution juvénile : les jeunes filles de milieux riches autant à risque
Les bordels sont-ils un droit de l’homme ?
La prostitution, une violation des droits humains des femmes pauvres
Prostitution - Brisons la chaîne de l’exploitation
Le rapport Rice sur la traite à des fins de prostitution souligne l’inaction du Canada
"Gang" de rue et prostitution
La liberté de ne jamais se prostituer
Radio-Canada et la prostitution en Inde
Bordels, sport et défoulement masculin
L’Aboriginal Women’s Action Network s’oppose à la création d’un bordel à Vancouver aux Jeux olympiques de 2010
Dénoncer la pornographie, cette industrie de destruction
Il faut criminaliser la propagande haineuse contre les femmes
Requête en Cour supérieure de l’Ontario pour une déréglementation libérale de la prostitution
Sortir d’un gang criminel et reprendre goût à la vie
Traite des personnes et prostitution, un rapport important et novateur
La prostitution des enfants au Canada
Prostituées par choix ?
Les enjeux de la prostitution et les femmes
« La grande question qui sous-tend la traite, c’est la prostitution. »
La publicité pornographique il y a 25 ans
Les hommes préfèrent le discours apolitique sur la prostitution
Être femme dans un milieu d’hommes
Prostitution : pour un projet de loi abolitionniste
Prostitution juvénile - Blessées pour la vie
Clubs échangistes : un cadeau de la Cour suprême du Canada à l’industrie du sexe
Feu vert aux proxénètes et aux prostitueurs
La décriminalisation de la prostitution porterait préjudice aux femmes asiatiques
La prostitution est de la violence faite aux femmes
Le Parlement canadien a adopté le projet de loi sur la traite des personnes
OUI à la décriminalisation des personnes prostituées, mais NON à la décriminalisation de la prostitution
Prostitution, féminisme, dissidence et représailles
Pour une politique abolitionniste canadienne
La prostitution, indissociable de la violence envers les femmes
La prostitution chez les Amérindiennes du Canada
Narco-prostitution de rue et vie de quartier
270 000$ au groupe Stella pour une rencontre de 4 jours sur le "travail du sexe"
Trois positions dans le débat sur la décriminalisation de la prostitution
Le ministre de la Justice du Canada dépose un projet de loi sur la traite des personnes
Maisonneuve et Radio-Canada très à l’écoute du Forum XXX
Décriminaliser la prostitution n’améliorera pas la sécurité des femmes prostituées
La nécessité d’un débat public sur la prostitution et ses conséquences sociales
Le Canada s’apprête-t-il à libéraliser la prostitution ?
Les industries du sexe, des industries pas comme les autres !
Un sous-comité du Parlement canadien pourrait proposer la décriminalisation de la prostitution
Immigration de danseuses nues au Canada
Sexe, morale et interprétation
Le Canada contribue au trafic des femmes à des fins de prostitution
La prostitution, un choix de carrière pour nos enfants ?
Un geste précipité
La prostitution, un "droit des femmes" ?
Le ministre Philippe Couillard et Stella - Aider les femmes prostituées ou promouvoir la prostitution ?
Lettre sur la prostitution au Parti Vert du Canada
Ex-juge condamné à 7 ans de prison pour agressions sur des prostituées autochtones mineures
Le trafic sexuel des femmes au Québec et au Canada - Bilan des écrits
Le trafic sexuel des femmes n’épargne pas le Québec
Dossier prostitution : tous les articles du site
La pornographie n’est pas sans conséquences
Pourquoi "De facto" propose-t-il la légalisation de la prostitution ?
On veut protéger les clients dans l’affaire de la prostitution juvénile à Québec.
Prostitution - Des failles dans le processus de réflexion amorcé au sein de la FFQ
Prostitution : Un consensus à l’arraché
La prostitution, un métier comme quel autre ?
Bientôt des proxénètes et des bordels subventionnés ?
La prostitution est une forme de violence
Le prix d’une femme







« Il ne me restait plus rien », dit une femme exploitée par des trafiquants pendant des années.

OTTAWA — Jasmine croyait vivre une relation amoureuse normale avec un homme plus âgé qu’elle, du genre « mauvais garçon ».

Quand ils ont commencé à se fréquenter, il y près de dix ans, elle était dans la vingtaine. Environ six mois plus tard, il a été arrêté et jeté en prison, et les choses ont changé.

Jasmine n’avait aucune idée de ce qui lui était arrivé jusqu’à ce qu’un ami commun la contacte. Il lui a expliqué que son copain avait une énorme dette qu’elle devrait rembourser en se prostituant.

Elle a refusé et a été violemment battue. Ensuite, on l’a emmenée à un appartement situé dans un immeuble commercial près du centre-ville d’Ottawa. Là, plusieurs hommes l’ont violée à tour de rôle pendant des heures.

Ce soir-là, elle a reçu son premier « client ».

L’agression brutale qu’elle a subie est caractéristique d’un horrible rituel connu dans le milieu sous le nom de « dressage » ou « préparation du terrain ». C’est un procédé que les trafiquants de personnes utilisent communément pour forcer les jeunes femmes à se prostituer. Et cela se pratique dans toutes les villes du Canada, selon la police qui commence à mieux cerner le problème.

L’esclavage sexuel rapporterait près de 26 millions de dollars par année aux trafiquants, selon un organisme qui étudie la situation à Ottawa. D’après les estimations prudentes de PACT (1), un groupe de lutte contre la traite de personnes, au moins 150 femmes seraient forcées à se prostituer dans la capitale. La grande majorité des victimes sont des Canadiennes, la plupart originaires d’Ottawa.

« Nous sommes convaincues qu’il y en a beaucoup plus à Ottawa, affirme Elise Wohlbold, auteure de la recherche réalisée pour le projet imPACT. Nous avons été très modérées dans notre estimation à cause de la méthodologie utilisée ».

Jasmine, qui n’a pas voulu révéler son identité parce qu’elle craint encore pour sa sécurité, a grandi dans la banlieue d’Ottawa. Après lui avoir infligé la séance de dressage pour anéantir toute résistance, son trafiquant-proxénète lui a donné quotidiennement de l’Oxycontin. Ainsi droguée, elle a été contrainte à se prostituer dans des hôtels pendant quatre ans.

Son expérience est tout à fait typique du sort réservé aux victimes de la traite des personnes (human trafficking) qu’on confond souvent avec le passage de clandestins (human smuggling) (2), où les femmes sont envoyées dans un autre pays pour y être réduites à l’esclavage sexuel. Toutefois, le passage de clandestins n’est qu’un aspect de la traite de personnes, une industrie mondiale dont le chiffre d’affaires atteindrait les 32 milliards de dollars.

D’après les corps policiers et les groupes d’aide aux victimes, qui commencent à peine à bien comprendre le phénomène, c’est surtout la traite interne de personnes qu’on trouve dans les villes d’Amérique du Nord comme Ottawa (3).

L’inspecteur Paul Johnston de la police d’Ottawa signale que les femmes sont souvent recrutées par des gens qu’elles connaissent.

« Très souvent, surtout dans les cas de traite interne, c’est le petit ami qui est le trafiquant. Les femmes sont recrutées par l’entremise de connaissances, puis elles sont manipulées et forcées à se prostituer. Cela peut commencer par des fréquentations amoureuses, mais le gars a l’intention d’amener la fille à se prostituer ».

Jasmine se demande aujourd’hui si son copain de l’époque était de mèche avec ceux qui lui ont fait vivre quatre années d’enfer.

Elle a eu la chance de s’en sortir. Après avoir échappé aux griffes de son trafiquant, il lui a fallu trois ans pour surmonter sa dépendance aux drogues. Toutefois, ce n’est que l’an dernier qu’elle a finalement compris ce qui lui était arrivé.

Elle se souvient des raclées qu’elle a reçues, au début, parce qu’elle refusait de se prostituer. On la battait sauvagement. « Après cela, je me rappelle ce qui s’est passé, mais je ne ressens aucune émotion par rapport à cela. »

Comme la plupart des trafiquants, ses exploiteurs lui fournissaient des drogues, quatre fois par jour dans son cas.

« Ils me bourraient de pilules mais, honnêtement, je n’aurais pas pu supporter cette vie sans drogue. On est tellement droguée qu’on ne ressent plus aucune émotion ».

Elle était forcée à servir des hommes dès 7h du matin et jusqu’à passé minuit. À raison de 300$ la passe, elle a rapporté une fortune à ses trafiquants, mais n’a jamais vu la couleur de cet argent.

D’après PACT-Ottawa, un trafiquant peut amasser près de 550 000$ par année en exploitant trois femmes.

Pendant ces quatre années, Jasmine a bien essayé de s’enfuir, mais c’était très difficile car ses trafiquants lui avaient pris toutes ses cartes d’identité et menaçaient de tuer des membres de sa famille. Ils avaient piraté ses comptes de courriel et surveillaient tout ce qu’elle écrivait sur les médias sociaux. Ils ont envoyé à sa famille et à ses amis des photos d’elle en train d’effectuer des actes sexuels.

« C’est ce jour-là que j’ai été coupée de tout le monde que je connaissais, dit Jasmine. Ma famille avait honte de moi et mes amis aussi. Il ne me restait plus rien ».

« La honte est un autre outil dont se servent les trafiquants pour isoler leurs victimes », explique Helen Roos, ancienne présidente de la Ottawa Coalition to End Human Trafficking (4).

« Ils font tout pour convaincre ces jeunes filles qu’elles n’ont nulle part où aller ».

Pendant les quatre années où on l’a prostituée, Jasmine a été interrogée par la police et par les professionnels-les de la santé qu’elle a consultés à l’hôpital ou dans des cliniques, mais personne n’a reconnu les signes de la situation qu’elle vivait.

« Je disais toujours que je sortais avec un toxicomane, dit-elle. Je pensais que personne ne pouvait comprendre ce que je vivais ».

Cependant, des corps policiers et des organismes de services ont uni leurs efforts pour alerter le public au sujet des signes qui pourraient indiquer qu’une femme est victime de trafiquants.

Des policiers de tout le Canada ont attiré l’attention sur ce fléau, la semaine dernière, en dévoilant les résultats d’une offensive-éclair contre la traite de personnes. Se faisant passer pour des "clients", des policiers ont interrogé 330 femmes dans 26 villes du pays, de l’Alberta à Terre-Neuve. Ils ont arrêté huit suspects et porté des accusations de traite de personnes ou de crimes connexes contre 28 autres.

Dans le cadre de cette opération baptisée « Northern Spotlight », la police a découvert que des jeunes filles, dont certaines n’avaient que quinze ans, étaient forcées à se prostituer. La police d’Ottawa a interrogé 29 femmes de 19 ans et plus, mais n’a pas effectué d’arrestation.

Les autorités policières et les groupes d’aide aux victimes s’entendent pour dire que les chiffres avancés par PACT-Ottawa ne représentent qu’une petite partie de la traite de personnes dans la capitale. L’estimation provisoire du nombre de victimes ne sera rendue publique qu’en mai et pourrait changer d’ici la présentation du rapport définitif.

 Publié en anglais dans The Ottawa Citizen, le 3 février 2014, sous le titre « Human trafficking in Ottawa : At least 150 women used as sex slaves, research suggests ».
 Traduit par Marie Savoie.

Notes

1. Persons Against the Crime of Trafficking in Humans. En français : Personnes agissant contre la traite des personnes.
2. La traite de personnes et le passage de clandestins. « Une personne victime de la traite est gardée sous le contrôle des trafiquants et est exploitée d’une manière ou d’une autre, parfois après avoir été transportée au-delà d’une frontière. Une personne qui entre clandestinement dans un pays, grâce à un passeur, généralement paye une somme d’argent et la relation entre le clandestin et le passeur finit là ». pact-ottawa.org. Voir aussi les précisions données sur le site de la GRC.
3. Les victimes de la traite interne de personnes, peu importe leur statut, le sont à l’intérieur du Canada. « Les victimes de la traite internationale de personnes, peu importe leur statut, sont des victimes "trafiquées" qui, au moment de la traite, passent une frontière internationale. » Site de la GRC.
4. Entrevue radio avec Helen Roos, accessible sur le site de
cet organisme. Voir aussi un reportage récent de la CBC sur
la traite des femmes à Ottawa.

  Lire aussi : « Non, Messieurs, la plupart des personnes prostituées ne le sont pas par choix », par Dimitri Guérin.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 avril 2014



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Derek Spalding, Ottawa Citizen



    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2014
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin