|
dimanche 11 décembre 2011 Le lobby de l’industrie du sexe tente de bâillonner des voix féministes par le mensonge et l’intimidation
|
DANS LA MEME RUBRIQUE Hypersexualisation, érotisation et pornographie chez les jeunes La Fédération des femmes du Québec légitime-t-elle la culture de l’agression ? Lettre au Premier Ministre Justin Trudeau sur l’intention du Parti libéral du Canada de décriminaliser la prostitution Décriminalisation de la prostitution : les survivantes se mobilisent La Coalition contre la traite des femmes dénonce un projet des Jeunes libéraux du Canada visant à décriminaliser l’achat de sexe et le proxénétisme Prostitution - Manifeste des Fanny : au-delà de nos histoires, nos revendications Pour un "bilan" de la loi C36 - Interroger aussi les femmes qui veulent sortir de la prostitution Un "bilan" biaisé et incomplet de la loi C36 sur la prostitution Prostitution - Pas si glam le Grand Prix Prostitution, gangs de rue et crime organisé au Québec Prostitution : les gouvernements ont les moyens d’agir La complaisance des médias envers l’industrie du sexe doit cesser Au gouvernement Trudeau - Il faut maintenir la loi sur la prostitution Élection et prostitution - Lettre ouverte au Nouveau Parti Démocratique du Canada Prostitution - La nouvelle loi canadienne inspirée du modèle nordique Prostitution - Le projet de loi C-36 doit assurer partout l’immunité aux personnes prostituées Une société progressiste encourage l’égalité, non la prostitution des femmes Prostitution - Ce n’est tout simplement pas un métier Projet de loi sur la prostitution : fiche d’information du ministère de la Justice du Canada La prostitution : une nouvelle forme d’esclavage La Coalition des femmes pour l’abolition de la prostitution estime que le nouveau projet de loi est porteur d’espoir CSF - Le projet de loi fédéral sur la prostitution : un changement législatif historique Le langage "colon" et celui des pro-prostitution Prostitution - Le Canada est prêt pour un "modèle canadien" ciblant les acheteurs Traite de personnes à Ottawa : au moins 150 femmes auraient été réduites à l’esclavage sexuel Réplique à Martin Matte - La prostitution n’a rien d’un beau malaise Virage à 180˚ sur les salons de massage : la Ville de Montréal songe à "aménager" la prostitution L’inclusion de toutes les femmes passe par la reconnaissance de toutes les violences qu’elles subissent Le film "Les criminelles", une infopub pour l’industrie du sexe ! L’assistance sexuelle, une atteinte détournée au droit des femmes à ne pas être prostituées Pour une stratégie concertée contre la traite des femmes et l’exploitation sexuelle La députée Maria Mourani dépose un projet de loi sur la traite des personnes et l’exploitation sexuelle L’Adult Entertainment Association of Canada (AEAC) veut recruter des stripteaseuses dans les écoles secondaires Prostitution - Affirmer le droit des femmes de vivre sans prostitution Prostitutionnalisation du tissu social ou abolition de la prostitution Cessons de banaliser la prostitution ! C’est de l’exploitation ! Lancement du DVD du film L’Imposture - La prostitution mise à nu. Projections à Montréal et dans d’autres villes Prostitution - Une forme de violence toujours taboue Prostitution - Mauvais pour les femmes, mauvais pour les lesbiennes ! Détournement de la Commission d’enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes disparues La Commission d’enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes disparues part perdante La légalisation de la prostitution et ses effets sur la traite des femmes et des enfants L’industrie mondiale du sexe et ses complices entravent l’autonomie de toutes les femmes La prostitution est-elle bonne pour la santé des femmes et leur épanouissement ? 23e Cercle de silence Une véritable solidarité avec les femmes prostituées réside dans la lutte pour l’abolition de la prostitution Cinq bonnes raisons de refuser le jugement Himel sur la prostitution, comme féministe et comme citoyen-ne du monde Pour l’égalité de fait pour toutes : une politique de lutte contre l’exploitation sexuelle de l’image et du corps des femmes et des filles Aider les femmes prostituées à se situer au coeur de leur vie Lettre à ceux et celles qui récupèrent le meurtre de Marnie Frey, victime de Pickton, pour servir leur cause Décriminaliser la prostitution, un aimant pour les proxénètes et les clients Prostitution - Nous ne devons pas nous contenter de la simple "réduction des méfaits" Prostitution et crimes - Rapport d’enquête sur le traitement de l’affaire Pickton par le Service de police de Vancouver Journée de lutte contre l’exploitation sexuelle - En mémoire de Nadia Caron (1983-2005) Escalader le Kilimandjaro pour aider des femmes à quitter la prostitution Prostitution juvénile : les jeunes filles de milieux riches autant à risque Les bordels sont-ils un droit de l’homme ? La prostitution, une violation des droits humains des femmes pauvres Prostitution - Brisons la chaîne de l’exploitation Le rapport Rice sur la traite à des fins de prostitution souligne l’inaction du Canada "Gang" de rue et prostitution La liberté de ne jamais se prostituer Radio-Canada et la prostitution en Inde Bordels, sport et défoulement masculin L’Aboriginal Women’s Action Network s’oppose à la création d’un bordel à Vancouver aux Jeux olympiques de 2010 Dénoncer la pornographie, cette industrie de destruction Il faut criminaliser la propagande haineuse contre les femmes Requête en Cour supérieure de l’Ontario pour une déréglementation libérale de la prostitution Sortir d’un gang criminel et reprendre goût à la vie Traite des personnes et prostitution, un rapport important et novateur La prostitution des enfants au Canada Prostituées par choix ? Les enjeux de la prostitution et les femmes « La grande question qui sous-tend la traite, c’est la prostitution. » La publicité pornographique il y a 25 ans Les hommes préfèrent le discours apolitique sur la prostitution Être femme dans un milieu d’hommes Prostitution : pour un projet de loi abolitionniste Prostitution juvénile - Blessées pour la vie Clubs échangistes : un cadeau de la Cour suprême du Canada à l’industrie du sexe Feu vert aux proxénètes et aux prostitueurs La décriminalisation de la prostitution porterait préjudice aux femmes asiatiques La prostitution est de la violence faite aux femmes Le Parlement canadien a adopté le projet de loi sur la traite des personnes OUI à la décriminalisation des personnes prostituées, mais NON à la décriminalisation de la prostitution Prostitution, féminisme, dissidence et représailles Pour une politique abolitionniste canadienne La prostitution, indissociable de la violence envers les femmes La prostitution chez les Amérindiennes du Canada Narco-prostitution de rue et vie de quartier 270 000$ au groupe Stella pour une rencontre de 4 jours sur le "travail du sexe" Trois positions dans le débat sur la décriminalisation de la prostitution Le ministre de la Justice du Canada dépose un projet de loi sur la traite des personnes Maisonneuve et Radio-Canada très à l’écoute du Forum XXX Décriminaliser la prostitution n’améliorera pas la sécurité des femmes prostituées La nécessité d’un débat public sur la prostitution et ses conséquences sociales Le Canada s’apprête-t-il à libéraliser la prostitution ? Les industries du sexe, des industries pas comme les autres ! Un sous-comité du Parlement canadien pourrait proposer la décriminalisation de la prostitution Immigration de danseuses nues au Canada Sexe, morale et interprétation Le Canada contribue au trafic des femmes à des fins de prostitution La prostitution, un choix de carrière pour nos enfants ? Un geste précipité La prostitution, un "droit des femmes" ? Le ministre Philippe Couillard et Stella - Aider les femmes prostituées ou promouvoir la prostitution ? Lettre sur la prostitution au Parti Vert du Canada Ex-juge condamné à 7 ans de prison pour agressions sur des prostituées autochtones mineures Le trafic sexuel des femmes au Québec et au Canada - Bilan des écrits Le trafic sexuel des femmes n’épargne pas le Québec Dossier prostitution : tous les articles du site La pornographie n’est pas sans conséquences Pourquoi "De facto" propose-t-il la légalisation de la prostitution ? On veut protéger les clients dans l’affaire de la prostitution juvénile à Québec. Prostitution - Des failles dans le processus de réflexion amorcé au sein de la FFQ Prostitution : Un consensus à l’arraché La prostitution, un métier comme quel autre ? Bientôt des proxénètes et des bordels subventionnés ? La prostitution est une forme de violence Le prix d’une femme |
C’est devenu tellement prévisible que, maintenant, je me contente d’attendre. J’ai écrit plusieurs articles sur la prostitution et le mouvement abolitionniste, ainsi que plusieurs autres qui ne traitent pas directement de ces enjeux, mais où apparaît peut-être le mot « prostitution ». Et vraiment, cela suffit de nos jours pour déclencher le déluge. Ce que j’en suis venue à comprendre, c’est que, peu importe ce que j’écris, peu importe l’argumentation que j’expose, peu importe les points que je soulève, le lobby du « travail du sexe » s’en fout complètement. Parce que si vous n’êtes pas en accord complet avec lui, sa priorité est de vous mettre en échec. Il lui suffit que quelqu’un se serve en public du mot « prostitution » pour qu’il refuse à prime abord de tenir compte du contenu de tout article et pour qu’il recoure à la stratégie du bâillon. Parce qu’imposer le silence est, après tout, ce qu’il y a de plus important. C’est l’objectif. « Si nous arrivons à les intimider suffisamment pour qu’elles se taisent, peut-être allons-nous gagner ». Voilà ce que semble être leur motivation. En octobre, j’ai écrit un article (1) pour explorer ce que je percevais comme une appropriation néolibérale du mouvement féministe. J’ai soutenu que nous devions concentrer nos efforts sur le renforcement d’un mouvement féministe progressiste, qui analyserait la liberté et l’autonomisation des femmes comme un effort collectif, plutôt que de mettre l’accent sur des sentiments individuels (et temporaires) d’autonomisation ou de catharsis. Un véritable changement signifie la libération de toutes et de tous, et non seulement celle de quelques privilégié-es. Presque tous les commentaires critiques formulés se sont révélés identiques (et, bien sûr, ces observations n’ont rien de nouveau, c’est comme si elles provenaient d’un scénario écrit à l’avance) : « Je ne peux pas croire que [ce site] continue de permettre à des non-travailleurs du sexe, qui n’ont absolument aucune expérience de travail du commerce du sexe, et encore moins de la rue, de parler en leur nom. » « Je réclame, qu’à titre d’organisation féministe, vous retiriez cet article et vous commandiez à un ou une travailleuse du sexe ayant une expérience de la rue un texte expliquant pourquoi les travailleuses et travailleurs du sexe réclament leurs droits et comment de véritables féministes peuvent appuyer leur démarche d’autodétermination. » « Je trouve également stupéfiant que [ce site] laisse quelque non-travailleuse du sexe écrire un tas de choses sans aucune preuve ou recherche quand il y a des centaines d’organisatrices du travail du sexe qui sont incroyablement qualifiées et douées, et qui possèdent des décennies d’expérience au Canada. » « Je suis choqué et consterné que l’auteure de cet article ait été publiée sur ce site, et suis découragé qu’elle contrôle un site qui se qualifie de féministe. Voilà bien l’incarnation la plus cynique du féminisme, et elle ne mérite aucune promotion. » Et ainsi de suite… Non seulement voit-on tous ces commentateurs et commentatrices refuser de répondre au moindre des arguments avancés (je suis presque certaine qu’aucun d’entre eux n’a réellement lu l’article ; si c’avait été le cas, je doute qu’ils aient fait porter tous leurs efforts sur la tentative de censurer un article entier à cause de l’existence d’un seul paragraphe suscitant leur désaccord), mais leur seule réaction a été d’essayer de forcer le site qui a publié cet article à l’en retirer. Parce que, vous savez, si vous disconvenez d’un argument, la meilleure façon de vous y prendre est de vous assurer de le faire disparaître. Et cette pratique est loin d’être exceptionnelle. Je doute qu’il existe une féministe au pays qui ait évité ce genre de tentatives de bâillon si elle ose contester l’idée que la prostitution va à l’encontre de l’égalité. Ce qui est évident, c’est que le lobby du « travail du sexe » se rend compte de la faiblesse de sa position et que, par conséquent, sa seule chance de succès est d’intimider et d’attaquer les personnes qui contestent ses arguments. Ce qui est moins évident, c’est pourquoi des personnes qui se présentent comme féministes (comme le font plusieurs lobbyistes pro-« travail du sexe ») tiennent aussi fortement à cette idée que seules certaines femmes ont le droit de parler de l’exploitation des femmes. Depuis quand le féminisme passe-t-il par l’étouffement de la voix de féministes ? Toutes les femmes ont le droit de s’exprimer sur la prostitution. Toutes les femmes ont le droit de s’élever contre l’exploitation et l’objectification des femmes. Toutes et chacune des femmes. Certes, la voix des marginalisées doit être privilégiée, et il est certain que beaucoup, beaucoup de voix sont réduites au silence. Mais ce n’est pas ce dont parle le lobby du « travail du sexe ». Son argumentation n’a rien à voir avec l’écoute des femmes qui sont dans les rues, se cachant dans l’ombre, se glissant dans des voitures du quartier Downtown Eastside. Non : ce dont il s’agit, pour ces commentateurs, c’est de limiter l’écoute à seulement quelques voix, triées sur le volet. Ils ont choisi leurs porte-parole (et croyez-moi, ces voix sont plus fortes que celles de n’importe qui et ce ne sont en aucune façon les voix des marginalisées) et ils ont décidé que seules ces personnes peuvent prendre la parole. Parce qu’ils sont d’accord avec elles. Non seulement refusent-ils de reconnaître les nombreuses femmes qui ont quitté le commerce du sexe et qui continuent à s’élever contre la prostitution, ainsi que les organisations de femmes autochtones qui qualifient la prostitution de pratique coloniale et estiment que les femmes autochtones sont les premières femmes prostituées au Canada (2). Mais ils ferment les yeux (peut-être involontairement, mais ils le font tout de même) devant la façon que les systèmes patriarcaux affectent TOUTES les femmes. Comme l’a écrit ma fantastique alliée "Easily Riled" (3) dans un message intitulé "6 décembre 1989" (4) : « Ces femmes, les femmes dans la prostitution, les femmes dans les rues, ont été et sont les "femmes publiques" que nous ne voyons pas. Nous ne les voyons pas comme les femmes que nous sommes, les femmes que nous pourrions être. Nous ne les voyons pas du tout. Elles ont été et sont en vente dans la rue parce que nous sommes toutes réduites à l’état de marchandises. Parce qu’elles sont en vente dans la rue, les hommes qui les placent là considèrent que nous sommes toutes en vente. Les hommes qui les placent et les maintiennent là circulent en voiture et les surveillent. Ils posent à chaque femme la question "combien ?" Ils agissent surtout ainsi envers les femmes dans les rues sombres, près des entrepôts déserts. » Nous sommes, comme elle dit, toutes réduites à l’état de marchandise. Aussi longtemps que les hommes pensent que des femmes sont à vendre, nous sommes toutes considérées comme « à vendre ». Aussi longtemps que les hommes nous voient comme des orifices qui existent pour être pénétrés, qu’ils nous voient comme des choses qui leur sont offertes à regarder, comme de jolis objets (que nous soyons des objets dans la rue, ou sur film, derrière une vitrine (5) ou sur scène), ou comme des choses auxquelles ils ont un droit d’accès (6) – aucune d’entre nous n’est libre. Aucune catégorie de femmes ne mérite de supporter le poids du privilège masculin. Il n’y a pas de « nous » et d’« elles » (même si, bien sûr, on tente de nous convaincre que si). Les femmes qui sont assez privilégiées pour ne pas avoir à se prostituer, comme dit Trisha Baptie (7), ont une responsabilité elles aussi à cet égard : « Nous abandonnons une classe de femmes qui, en raison des circonstances, en raison de l’oppression systémique, n’ont pas le choix. C’est aussi pourquoi les femmes qui disposent de la liberté et qui font partie d’une classe privilégiée ont besoin de reconnaître ce privilège et de dire : "Voici pourquoi je ne suis pas prostituée" et ensuite de regarder les femmes qui le sont et de leur dire : "Pourquoi l’êtes-vous ?" » Ainsi, d’une part, on assiste à des efforts incroyablement âpres pour faire taire les femmes et les féministes qui se prononcent contre l’exploitation et l’inégalité. Ces efforts et leur incapacité à engager le dialogue témoignent peut-être de la crainte que nous ne sommes peut-être pas les ennemies qu’ils ont tenté de faire de nous, et de la crainte qu’un dialogue pourrait mettre en évidence des trous dans leur argumentation ; et, d’autre part, l’intimidation est totalement hors de contrôle. Le mensonge répété, instrument d’intimidation et de censure C’est une chose que d’être en désaccord et de contester un argumentaire. mais c’en est une tout autre, que de perpétuer des mensonges et exagérations afin de discréditer un argument (8), comme nous avons vu récemment John Lowman le faire dans sa réponse à un texte de Lee Lakeman (9). Il a affirmé à propos d’un événement organisé à l’Université de Colombie-Britannique en mars dernier : Plusieurs femmes présentes à cet événement ont fait valoir qu’il ne s’était produit rien d’approchant une agression physique. Aucune violence. Simplement une femme en colère qui a parlé un peu plus fort que Lowman aurait aimé qu’elle le fasse. Cela peut sembler un cliché, à ce stade, mais il est clair que beaucoup de gens pensent encore que lorsque des femmes deviennent irritées, le moyen le plus facile de rejeter leurs arguments est de les accuser d’être incontrôlables ou folles. Alors pourquoi ne pas aller une étape plus loin et les accuser d’être « violentes » ? Des accusations (10) semblables ont été lancées contre des abolitionnistes présentes au congrès Mondes des femmes 2011, cet été, et femmes présentes les ont également réfutées (11). Les gens n’aiment pas que les femmes se mettent en colère. Les femmes sont censées garder une attitude plaisante. Soumise. Passive. Les féministes "ne respectent pas les règles". La CLES, une organisation féministe basée au Québec, a rédigé en juin dernier une lettre ouverte (12) au sujet de ce genre d’attaques, en demandant aux féministes québécoises de réagir à la « série d’attaques ciblées, parfois subtiles, parfois lourdes, qui visent les féministes abolitionnistes ». Elles ont souligné à raison ce qui suit : « Des féministes qui prennent le risque de nommer et de dénoncer la violence des hommes, des féministes ayant subi la violence des milliers d’hommes dans la prostitution, pendant 10, 20 ou plus de 30 ans, parfois dès l’âge de 2 ans, sont traitées de violentes envers d’autres femmes. Peu importe notre vécu ou notre expérience, nous croyons que de tout temps, il a été et est inacceptable de tolérer que des féministes utilisent des tactiques visant à museler d’autres féministes, même lorsque nous avons des désaccords. C’est pourtant ce qui se passe présentement. » En septembre, Stella, un groupe de pression pro-« travail du sexe », a présenté les protestations féministes comme de la violence (13). Ce déplacement bizarre (et courant) des responsabilités en cause – arrêtons- nous juste un moment pour regarder QUI sont les véritables auteurs de la violence contre les femmes – est non seulement factice, mais il est dangereux. Quand on présente des protestations et des interventions féministes contre la violence et contre l’exploitation des femmes comme étant de la « violence », on perpétue un million de stéréotypes sur les femmes qui se mettent « trop en colère », qui deviennent « trop émotives » et « trop bruyantes », autrement dit, des femmes qui « vont trop loin ». Cela a pour effet de bâillonner des femmes. Ou de tenter de le faire. Quant aux véritables agresseurs, ils demeurent cachés, protégés et justifiés. « Ce n’est pas moi qui suis dans le tort, ce sont les féministes, en tentant de m’enlever le sexe qui me revient de droit divin ». Voilà le message qui est renforcé chez les hommes. Que des femmes se mettent en colère contre la violence faite aux femmes n’est pas de la violence. En fait, si vous n’êtes pas en colère à propos de la condition des femmes dans ce monde, c’est probablement parce que, d’une façon ou d’une autre, vous vous fermez les yeux à cette violence, et gardez le silence lorsque vous êtes témoin d’un abus ; ou peut-être trouvez-vous cette violence acceptable. Peut-être est-elle devenue tellement normale, à vos yeux, que vous considérez que des femmes méritent qu’on les traite de cette façon. Quelle que soit la justification utilisée, il est débile de pointer du doigt celles qui se battent contre cet état de choses. Mais cette débilité est celle d’une société patriarcale. C’est cette maladie contagieuse que nous propageons parce que nous ne pouvons lui imaginer un remède. Nous ne pouvons imaginer de guérir de cette violence de masse. Alors nous nous disons qu’elle est normale. Et quand des personnes disent : « Hé, attendez une minute – ce n’est pas normal, nous ne sommes pas obligées de vivre comme ça », ces personnes doivent être réduites au silence. Parce que vivre d’une autre façon est inimaginable. Sheila Jeffreys, une célèbre universitaire et féministe radicale, a été soumise à des calomnies de cette nature durant des années, accusée de violences qui n’ont jamais eu lieu. Ces accusations proviennent à la fois de militants masculinistes (14) et de lobbyistes du « travail du sexe ». Il n’y a rien là de nouveau. Et c’est une stratégie qui fonctionne, dans une certaine mesure. Les gens qui détestent les féministes sont plus que disposés à croire ce genre de racontars. Ces tentatives de bâillonner les critiques féministes de l’industrie du sexe ont battu leur plein lors de la conférence Feminist Futures (15) de Melbourne (Australie), en mai 2011. Lorsque les lobbyistes du « travail du sexe » ont constaté la présence de féministes critiques de l’industrie du sexe à des panels de cette conférence, ils et elles se sont donné pour objectif de s’assurer que ces femmes ne seraient pas autorisées à parler (16). Ils et elles ont intimidé les organisatrices de la conférence au point de forcer une redéfinition des panels. Suite à cette campagne de pressions, Sheila Jeffreys a été forcée de se retirer de la conférence, tandis que Melinda Tankard Reist a vu son invitation annulée (17). La conférence n’a fourni aucun espace sécuritaire aux féministes radicales et, à l’exception de Kathleen Maltzahn, à qui on a complètement manqué de respect durant la conférence, les critiques féministes de l’industrie du sexe ont été réduites au silence. C’est triste, oui, mais c’est aussi effrayant de voir jusqu’où iront certaines gens pour s’assurer que leurs voix seront les seules entendues. Le droit et le devoir de parole contre l’oppression Le féminisme concerne toutes les femmes. Il s’agit de mettre fin au patriarcat. Il s’agit de mettre fin aux violences contre les femmes. Il s’agit de libération et d’égalité. Je sais que cela est une idée effrayante pour beaucoup de gens. Nous avons seulement connu le patriarcat. L’inconnu est effrayant. Et l’intimidation devient vraiment agressive quand on commence à menacer le statu quo. Mais le mouvement féministe n’a jamais eu pour but d’apaiser les masses, et nous ne nous laisserons pas intimider ou repousser dans le silence par des menaces. Les féministes qui ont travaillé sans relâche dans ce mouvement pendant des décennies sont maintenant habituées à cette intimidation, et j’en ai vite appris la routine. Nous comprenons le message. Mais nous sommes des femmes et nous avons le droit de nous élever contre notre propre oppression et la responsabilité de dénoncer l’oppression de nos sœurs. Le privilège, c’est d’assister à de la violence sans rien dire. Parce que c’est plus facile de garder le silence. Mais personne n’a dit que cette lutte serait facile. Il y a une chose dont nous pouvons être certaines : on peut reconnaître qu’un mouvement vraiment puissant s’est mis en branle quand son opposition devient incapable de lui tenir tête en dialoguant et qu’il recourt à des tactiques d’intimidation et de bâillon. En désespoir de cause, c’est tout ce qu’elle peut trouver. – Version originale : blog The F Word, Vancouver, le 8 décembre 2011, http://www.feminisms.org/ Traduction : Martin Dufresne Notes : 1. Lire l’article. |