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samedi 7 juin 2014

Le langage "colon" et celui des pro-prostitution

par Michèle St-Amand, membre de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle






Écrits d'Élaine Audet



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Je marchais tranquillement, en ce lundi matin ensoleillé, en compagnie de ma chienne heureuse, Simone. Peu d’action dans les rues, contexte parfait pour une marche de ressourcement afin de bien partir la journée.

En traversant le boul. St-Joseph, à Montréal, je vois un homme et une femme traversant en sens inverse. Permettez-moi de laisser libre cours à mes jugements : un douchebag de 45-50 ans, Bluetooth à l’oreille, t-shirt à la Ed Hardy moulant sa bedaine de gros épais. Ce gros épais en question laisse sortir de sa bouche un commentaire prévisible que j’ai entendu maintes fois : « Eille, gros chien de garde haha !! » (j’ai un petit lévrier italien), évidemment avec un ton d’extraverti cherchant ardemment à flasher aux yeux de la femme qui l’accompagnait (qui semblait le trouver plutôt gênant).

En une fraction de seconde, je me suis dit : « Quel commentaire de ’colon’ ! » (pas tant au niveau des mots choisis, plutôt au niveau de l’attitude). Je ne trouve pas ça drôle, et pourtant ma bouche a un penchant naturel pour prendre soin de l’autre, donc par habitude, je souris alors que ce n’est absolument pas cohérent avec ce que je sens. Non, je vais tenter d’appliquer ce que je prône en autodéfense féministe : je ne sourirai pas, car à l’intérieur de moi, ce n’est franchement pas drôle, ni sympathique.

Bravo, j’ai réussi ! Et il l’a remarqué aussi, car j’ai eu droit à un autre commentaire de « colon » : « Beau sourire hein ? Sont souriants les maîtres icitte !! », sans doute en faisant référence aux « snobs » du Plateau. Le pauvre, il a été blessé dans son ego de macho, devant les yeux de sa « pitoune ».

D’abord, je suis fière d’avoir été cohérente avec moi-même, mais ensuite, une colère est en montée en moi. Clairement, cette situation ravive d’autres enjeux. Ce « colon » en question n’a été que le symbole de ce qui vient me chercher dans certains comportements masculins. Cette pression sur les femmes pour qu’elles soient souriantes, sauvegardent l’harmonie, pensent au bien-être des autres, ne dérangent pas, soient gentilles… J’en ai marre. Cela martèle les messages de la socialisation et maintient les femmes dans leurs rôles de personnes passives et vulnérables.

***

En marchant vers chez moi, plus du tout dans un esprit de tranquillité, je faisais cette équation : ce genre d’homme-là est probablement contre l’idée de l’abolition de la prostitution et de la criminalisation des clients de la prostitution. Ok, je vais possiblement loin dans ma conclusion, mais il y a sans doute un brin de vérité dans ma réflexion.

Depuis l’adolescence, une partie de moi voit autre chose que des commentaires « twits » dans la bouche de certains hommes. Face à des commentaires machistes, ou des sifflements (et autres bruits servant à appeler les animaux), on m’a souvent dit :
« c’est parce qu’il te trouve belle… », « t’exagères, il te fait un compliment, prends-le… », « il est maladroit… ». Pourtant, je ne me sentais pas « belle » à leurs yeux. Je me sentais plutôt comme un objet, un être passif qui doit subir au lieu d’agir.

Comment se fait-il que le seul homme qui ne m’a pas prise au sérieux, lorsque je faisais de la sensibilisation pour l’abolition de la prostitution, est celui qui m’a approchée en me disant : « Je dois vous dire que vous êtes très jolie », avec un air de pervers ? Ce n’était franchement pas le contexte pour séduire et, clairement, s’il avait été sensible au langage non verbal, il se serait abstenu d’un tel commentaire. Lorsqu’il a été assez « gentil » pour me laisser parler de la cause que je défendais, il s’est braqué dès qu’il a été question d’abolir la prostitution. Vous voulez savoir quels étaient ses arguments ?

. Les hommes handicapés ont des besoins sexuels et le seul moyen de les rendre heureux est par la voie de la prostitution.
. Les hommes ont des besoins sexuels et sans la prostitution, il y aurait encore plus de viols.
. Il y a des femmes qui aiment faire ce « métier » et qui sont aguichantes.

Il ne voulait rien entendre lorsque j’exprimais que nous voulons avoir une législation qui protège 98% des personnes prostituées, et non pour les « pauvres hommes handicapés, trop laids, trop gros, trop gênés, etc. » qui ne sont soi-disant pas en mesure de répondre à leurs besoins sexuels. Comme l’a déjà mentionné avec cynisme le sociologue Richard Poulin, l’homme laid a énormément de pouvoir dans le monde, considérant le nombre faramineux de femmes et d’enfants exploités dans le système prostitutionnel.

Si l’on s’attarde aux cas individuels, bien sûr que la sexualité des personnes handicapées est souvent mise de côté, tout comme celle des personnes âgées, entre autres. Bien sûr, tous les êtres humains devraient avoir droit à une sexualité épanouie. Par contre, l’urgence est de mettre en place un système législatif, politique et social qui met fin à l’exploitation sexuelle, comme on l’a fait pour l’abolition de l’esclavage. La question actuellement est : comment faire pour vivre dans un monde sans prostitution ?

Adopter le modèle abolitionniste en terme de prostitution, comme l’a fait la Suède et d’autres pays, c’est lancer le message que ni les femmes, ni les enfants sont à vendre. Selon ce modèle, les femmes prostituées sont décriminalisées et des services sociaux sont mis en place pour les aider à quitter le monde de la prostitution, et leur donner des ressources afin qu’elles puissent être autonomes. Selon ce modèle, ce sont les proxénètes et les clients qui sont criminalisés. Ainsi, on véhicule que c’est le fait d’acheter des services sexuels qui est criminel.

Un tel modèle ne représente pas une entrave à l’épanouissement sexuel de tous et toutes, au contraire, il nous indique que la voie de la libération sexuelle ne passe pas par l’exploitation de l’un (ou plutôt« l’une ») : il vise une réelle sexualité égalitaire empreinte de respect pour tous et toutes. Les hommes ont des besoins sexuels, tout comme les femmes. Lorsque l’on parle de prostitution, on parle plutôt d’un abus de pouvoir par lequel le corps de la personne prostituée est utilisé comme de la marchandise.

Vivement un monde sans prostitution où il existe une égalité officielle, une égalité de fait entre les femmes et les hommes, et où les femmes sont libérées de leur carcan, au déplaisir des « colons » qui veulent des sourires à tout prix (ou en payant la femme, selon le contexte…).

Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 juin 2014



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Michèle St-Amand, membre de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle



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