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dimanche 11 novembre 2018

La Fédération des femmes du Québec légitime-t-elle la culture de l’agression ?

par Johanne St-Amour, féministe radicale et collaboratrice de Sisyphe






Écrits d'Élaine Audet



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« Le consentement n’est pas le désir, n’est pas la volonté, n’est pas la liberté » - Ana-Luana Stoicea-Deram, militante féministe et présidente du Collectif pour le Respect de la Personne en France.

Lors d’une assemblée générale extraordinaire, le 28 octobre dernier, la Fédération des femmes du Québec (FFQ)a voté cette résolution : « Que la FFQ reconnaisse l’agentivité des femmes dans la prostitution/industrie du sexe incluant le consentement à leurs activités » (1).

Celle qui se dit solidaire des « marginalisées » (dont les femmes racisées et les autochtones surreprésentées dans la prostitution) les laisse, en fait, en pâture aux proxénètes, aux bandes de rues et au crime organisé. La FFQ vient ainsi de donner l’absolution à « l’industrie du sexe ».

L’« agentivité » est une contorsion fumeuse que la FFQ utilise pour différencier les femmes qui consentent à « travailler dans l’industrie du sexe » de celles qui sont exploitées. Elle veut ainsi insister sur le fait que les premières ne sont pas des victimes de la prostitution. C’est très mal comprendre l’ensemble des facteurs qui mènent à la prostitution.

Ana-Luana Stoicea-Deram, militante féministe et présidente du Collectif pour le Respect de la Personne en France, parle ainsi du consentement : « Dire que les femmes sont consentantes, c’est faire oublier les conditions dans lesquelles elles sont amenées à consentir, c’est taire ce à quoi elles consentent, et c’est mépriser les raisons pour lesquelles elles peuvent consentir – c’est-à-dire, accepter de s’asservir. La critique du consentement est faite depuis longtemps par les féministes, qui montrent que le consentement n’est pas le désir, n’est pas la volonté, n’est pas la liberté ». (2)

« Comme on n’impose pas un acte sexuel par la violence, on ne l’impose pas non plus par l’argent, forme de violence économique et sociale », soulignait Claudine Legardinier, journaliste française lors d’une entrevue à Alternative Libertaire. (3)

Dans un avis paru en 2012 - « La prostitution, il est temps d’agir » - le Conseil du statut de la femme (CSF) révélait que de 80 à 95% des femmes qui sont prostituées ont été victimes d’agressions sexuelles, soit de viol, d’inceste ou de pédophilie étant jeunes. (4)

La prostitution est le continuum de violences masculines dénoncées dans plusieurs pays et particulièrement depuis les dénonciations de #Moiaussi. Le biais « intersectionnel », que la FFQ emploie de façon très particulière, fait l’impasse sur les liens de toutes les violences envers les femmes. Il semble que la FFQ vient de sanctionner la culture de l’agression !

Près de 80% des personnes prostituées sont des femmes, elles seraient âgées de 13 à 25 ans et elles auraient été entraînées dès l’âge de 13 ou 14 ans dans la prostitution.

Plusieurs études soulignent qu’elles sont 40 fois plus à risque de mourir à cause de leurs activités prostitutionnelles que d’autres personnes qui effectuent un travail, que leur espérance de vie est d’environ 40 ans, que plusieurs sont sous la dépendance de drogues, de l’alcool, de médicaments, qu’elles combattent nombre de maladies et sont souvent victimes du syndrome post-traumatique. Plus de 80% désireraient sortir de ce milieu.

La pauvreté, les guerres, les conflits armés et les catastrophes, le racisme, l’idéologie consumérisme, la pornographie et la sexualisation précoces des jeunes filles sont les facteurs structurels contribuant à la prostitution. (5)

On se serait attendu que la FFQ dénonce ces faits avérés, qu’elle reconnaisse l’ensemble des circonstances qui mènent à la prostitution et qu’elle veuille contribuer à les éliminer, plutôt que de vouloir maintenir des femmes dans cette exploitation.

La FFQ dit aussi vouloir défendre les droits des femmes qu’on prostitue (leurs droits à la sécurité, la santé, l’autonomie, à la liberté d’expression et d’association et à des conditions décentes) tant dans l’exercice de leur pratique que dans les autres sphères de leur vie. Comment fera-t-elle pour protéger ces femmes alors que 90% d’entre elles sont sous l’emprise d’un proxénète ?

Ou alors tout ça n’est qu’une manoeuvre pour protéger les 10% des femmes prostituées qui disent choisir ce « travail » ? Considérant que dans ces 10% des réceptionnistes, des « bookeuses », des chauffeurs qui jouent parfois le rôle de proxénètes se disent « travailleuses.eurs du sexe », peut-on envisager que la prochaine étape de la FFQ sera de contester la loi qui criminalise prostitueurs et proxénètes ? De contester le « modèle nordique » établi au Canada depuis décembre 2014 ?

Dans une de ses résolutions, la FFQ mentionne qu’elle « travaille à la différenciation entre l« ’industrie du sexe », les échanges consensuels, les situations d’exploitation et la traite humaine ». Une supercherie pour faire accepter le « travail » dans cette « industrie du sexe ». Et c’est sans compter que la traite des femmes et des enfants augmente suivant la demande de la prostitution. Et que les femmes autochtones sont parmi les plus vulnérables à la traite, comme le mentionnait l’inspectrice Tina Chalk lors du passage à Terre-Neuve de l’’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées : « L’inspectrice a expliqué en quoi la pauvreté, l’isolement, les agressions subies par le passé et le racisme rendent les victimes particulièrement vulnérables à la traite de personnes. » (6) La FFQ démontre ici une totale indifférence à la traite des personnes et un manque de volonté insupportable à offrir de véritables choix à ces femmes et à toutes les femmes vulnérables à l’exploitation sexuelle.

Manipulation pour obtenir des appuis

L’assemblée générale extraordinaire du 28 octobre fait suite à une assemblée tenue par la FFQ au printemps dernier et qui n’avait pas permis d’adopter les propositions sur la prostitution et sur le voile islamique. Le Centre de lutte contre l’oppression des genres, comme s’il parlait au nom de la FFQ, a d’ailleurs accusé les "TERFs" (trans-exclusionary radical feminists), les "SWERFs" (Sex worker exclusionary radical feminism) et les féministes blanches de s’attarder sur d’autres propositions, ce qui a empêché le vote. (7)

C’est ainsi qu’on pouvait lire cet été sur la page Facebook du Centre de lutte contre l’oppression des genres - dont Gabrielle Bouchard a été coordonnatrice - une note visant à recruter les « bonnes féministes » et à les inciter à s’inscrire comme membre pour pouvoir faire adopter leurs propositions cet automne. Cela s’appelle « paqueter » une salle, comme le soulignait Lise Ravary dans une chronique en septembre. (8)

Il était également spécifié qu’un vote « contre ces propositions serait considéré par le public non seulement comme un vote contre Gabrielle [Bouchard] mais comme un rejet de toutes les femmes trans du mouvement féministe » (9), même si les propositions n’étaient pas directement reliées aux femmes trans. Des membres semblent très soucieuses d’imposer leurs priorités et surtout de s’imposer tout court.

L’opinion de la FFQ sur la prostitution : minoritaire

N’osant pas prendre position explicitement en faveur de la prostitution et forcée de faire des compromis face à ses membres abolitionnistes, la FFQ se retrouve avec des résolutions confuses. En mettant l’accent sur le consentement, sur une apparente capacité d’agir, sur la protection des femmes qui affirment choisir librement de se prostituer la FFQ s’accroche à des concepts qui viennent justifier ses propositions.
Finalement, on comprend que tout ce cinéma visait à satisfaire le très petit nombre de femmes qui encourage l’« industrie du sexe ».

Il faut rappeler que la FFQ est loin de représenter la majorité des femmes même si elle prétend parfois parler en leur nom.

La Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (La CLES), une organisation abolitionniste dont sont membres une cinquantaine de groupes et plus de 250 individues - et dont le rôle est d’aider des femmes à quitter la prostitution - s’est dite "consternée" par les propositions faites par la FFQ en mai dernier et déclare que les amendements à ces propositions ne les rendent pas plus acceptables. Les membres de la CLES réfléchissent à la pertinence de demeurer au sein de la FFQ. (10)

Le Regroupement québécois des CALACS, qui apporte son aide lui aussi à nombreuses femmes victimes de la prostitution, dit ne pas "se reconnaître" dans les propositions de la FFQ : "Nous appelons la Fédération à s’investir dans les luttes féministes qui visent à créer un monde où chacune peut réellement faire des choix, sans violences sexuelles imposées dès un jeune âge, sans pression sociale sexiste, sans menace de pauvreté, d’emprisonnement ou de déportation", déclare le Regroupement. (11) 

Le groupe Pour les droits des femmes du Québec, qui rassemble 500 membres, a aussi une position abolitionniste. Diane Guilbault, présidente de PDF Q, conteste aussi fortement les résolutions entérinées par la FFQ : « L’appui de la FFQ pour reconnaître la prostitution comme un travail librement choisi par certaines femmes n’est pas un appui aux femmes dans la prostitution, mais bien un appui aux clients et aux proxénètes pour agir sans contraintes. Dire que l’exploitation sexuelle d’une fille de 14 ans devient un travail lorsqu’elle a 18 ans est de la fumisterie, indigne d’un groupe qui prétend parler au nom des femmes. »

Mentionnons aussi La Maison de Marthe, à Québec, crée et animée par l’anthropologue Rose Dufour. La Maison de Marthe définit la prostitution non comme « le plus vieux métier », mais « le plus vieux mensonge du monde ». Résolument abolitionniste, "la Maison de Marthe se range du côté des femmes qui en sont victimes et les survivantes", et les aide à acquérir le pouvoir d’en sortir. Elle réclame des mesures sociales pour lutter contre la prostitution au même titre qu’il en existe pour les autres violences envers les femmes.

Rose Sullivan, survivante de la prostitution et co-fondatrice du CAFES ou Collectif d’aide aux femmes exploitées sexuellement, qui compte une centaine de femmes et intervient dans plusieurs régions, estime que la FFQ banalise la prostitution et les agressions qui y sont inhérentes. Pour Rose Sullivan : « La résolution sur l’agentivité nous pénalise à nouveau, nous les survivantes de cette industrie, en niant notre parole. On est nombreuses à avoir travaillé vraiment fort pour ne pas nous culpabiliser ou pour ne pas nous sentir les seules responsables de ce qu’on a vécu. Parler d’agentivité à des femmes qui ont du mal à se remettre de ce qu’elles ont vécu et ont peu de soutien pour y arriver, c’est comme leur dire qu’elles sont faibles de ne pas se remettre. Et plusieurs n’y arriveront jamais. Les résolutions de la FFQ banalisent la prostitution et minimisent les gestes de leurs agresseurs, les premiers dans l’enfance, les seconds dans cette industrie. Cette industrie a failli nous tuer et a tué plusieurs des femmes qui nous étaient proches. »

Pour Manon Marie-Josée Michaud, survivante et membre du groupe Abolition de l’industrie du sexe, la prostitution n’est pas un métier comme les autres : « Quand elle prétend défendre "l’égalité pour toutes et entre toutes", et d’un autre côté, demande à ses membres d’appuyer la décriminalisation de la prostitution, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) n’est pas très honnête parce que, franchement, a-t-elle déjà vu des femmes de tous milieux sociaux prétendre vouloir exercer dans le domaine de la prostitution parce que ce serait un métier comme un autre, épanouissant, passionnant et bien payé ? L’égalité pour toutes, ce serait plutôt d’aider ces personnes à vivre dignement, à avoir un toit, un travail correctement rémunéré, à être libres et à ne subir aucune violence ! En d’autres termes, en demandant à ses membres de voter pour la décriminalisation de la prostitution, ce que défend la direction de la FFQ, c’est la perpétuation de la culture patriarcale qui donne aux hommes le droit d’exploiter les femmes et plus particulièrement les femmes précaires. » (12)

Enfin, on sait que l’AFEAS - Association féminine d’éducation et d’action sociale - a elle aussi une position abolitionniste sur la prostitution. L’AFEAS, qui rassemble quelque 8 000 membres individuelles au sein de 204 associations locales, regroupées en 11 régions, ne s’est pas exprimée publiquement sur les récentes positions de la FFQ.

En conclusion, la prétention selon laquelle la Fédération des femmes du Québec serait "LA voix féministe" au Québec est mensongère. Il semble plutôt que la vision de la prostitution que la FFQ veut imposer ne rallie qu’une faible minorité de féministes québécoises.

Notes

1. Page Facebook de la Fédération des femmes du Québec, 29 octobre 2018, https://www.facebook.com/FFQMMF/
2. Ana-Luana Stoicea-Deram, « La GPA est une violence faite aux femmes et une marchandisation des êtres humains », Huff Post, France, 23 octobre 2018. https://www.huffingtonpost.fr/analuana-stoiceaderam/la-gpa-est-une-violence-faite-aux-femmes-et-une-marchandisation-des-etres-humains_a_23569001/
3. Propos recueillis par Flo (Lorient), « Claudine Legardinier (Mouvement du Nid) : « La prostitution est un archaïsme indigne », Alternative Libertaire, France, 25 octobre 2018. http://www.alternativelibertaire.org/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=7955
4. Le Conseil du statut de la Femme, « Avis La prostitution : il est temps d’agir », mai 2012 https://www.csf.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/avis-la-prostitution-il-est-temps-dagir.pdf
5. Ibid.
6. La Presse canadienne, « Les autochtones souvent victimes de la traite de personnes », Le Droit, 15 octobre 2018. https://www.ledroit.com/actualites/societe/les-autochtones-souvent-victimes-de-la-traite-de-personnes-63022b7e9b4ecf63817d1c4074f1ccf8
7. Le Cercle de lutte contre l’oppression des genres, 3 septembre 2018 https://www.facebook.com/CentreforGenderAdvocacy/posts/929705093889602?__tn__=K-R
8. Lise Ravary, « Trop blanche, Lise Payette », Le journal de Québec, 11 septembre 2018. https://www.journaldequebec.com/2018/09/11/trop-blanche-lise-payette
9. Le Centre de lutte contre l’oppression des genres, 3 septembre 2018 https://www.facebook.com/CentreforGenderAdvocacy/posts/929705093889602?__tn__=K-R
10. La CLES, Réaction aux prises de position de la FFQ sur la prostitution, https://sisyphe.org/spip.php?breve2631. Aussi dans Le Devoir : https://www.ledevoir.com/societe/540258/un-premier-organisme-pourrait-quitter-la-ffq
11. Le Regroupement québécois des CALACS réitère son engagement envers toutes les filles et les femmes qui se retrouvent dans des situations d’exploitation sexuelle, http://www.rqcalacs.qc.ca/actualites/103-le-regroupement-quebecois-des-calacs-reitere-son-engagement-envers-toutes-les-filles-et-les-femmes-qui-se-retrouvent-dans-des-situations-dexploitation-sexuelle
12. Manon Marie-Josée Michaud, "Légalisation de la prostitution : Les fausses promesses", dans l’aut’journal, 3 octobre 2018.

 Une version abrégée de ce texte et sans les références a paru dans La Presse et Le Devoir.

LIRE AUSSI SUR LE MÊME SUJET : bibliographie mise à jour périodiquement

. La Fédération des femmes du Québec - Communiqué : retour sur notre dernière assemblée générale, 2 novembre 2018, site Web de la FFQ.

. La Presse - La prostitution peut être un choix, admet la FFQ, 29 octobre 2018.

. TVA Nouvelles, "La FFQ renonce à être le champion de la lutte contre la prostitution", le 31 octobre 2018.

. Emmanuelle Latraverse, "Prostitution : la rectitude politique de la Fédération des femmes du Québec", TVA Nouvelles, le 1 novembre 2018.

. Mathieu Bock-Côté, "La FFQ et les femmes du Québec", Le Journal de Québec, 1 novembre 2018.

. Marie-Andrée Chouinard, "Prostitution : la FFQ divague", Le Devoir, 2 novembre 2018.

. Patricia Rivest, vice-présidente à la condition féminine du Conseil central de Lanaudière-CSN, "La prostitution n’est pas un choix !", l’aut’journal, le 2 novembre 2018.

. Manon Marie-Josée Michaud, Légalisation de la prostitution : Les fausses promesses, l’aut’journal, 3 octobre 2018.

. Éric Lanthier, "La légalisation de la prostitution améliore-t-elle la qualité de vie des travailleuses du sexe ?", Huffington Post, le 31 octobre 2018.

. Denise Bombardier, "Le lobby transgenre", Le Journal de Montréal, 3 novembre 2018. Et voici ce qui prouve que D. Bombardier a raison.

. LA CLES - "Réaction aux prises de position de la FFQ sur la prostitution", Sisyphe.org, 30 octobre 2018.

. Marie Drouin, survivante de la prostitution, "Toutes ensemble pour la défense des droits des femmes qui sont dans l’industrie du sexe ?" dans La Tribune, 31 octobre 2018.

. Françoise Pelletier, Commentaire sur les résolutions prises par la FFQ à son assemblée générale extraorinaire, le 28 octobre 2018.

. Rose Dufour, Prostitution : la trahison de la Fédération des Femmes du Québec, Le Soleil, 4 novembre 2018.

. Jennie-Laure Sully, organisatrice communautaire à la CLES et descendante d’esclaves, FFQ et Kanye West : même combat, Le Soleil, 5 novembre 2018.

. Pascale Navarro, La Fédération des femmes du Québec et le débat sur la prostitution : sortons de l’impasse, La Presse, 6 novembre 2018.

. Joseph Facal - Prostitution et FFQ. Suis-je devenu un "ti-mononcle" ?, Le Journal de Montréal, 6 novembre 2018.

. Voir dans le forum à la fin de cette page l’intervention étonnante du Centre de lutte contre l’oppression des genres, qui semble voir les intérêts des transgenres dans le fait de faire adopter les résolutions de la FFQ sur la prostitution.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 novembre 2018

***


"FFQ et Kanye West : Même combat", par Jennie-Laure Sully, organisatrice communautaire à la CLES et descendante d’esclaves

Point de vue, dans Le Soleil

« L’été dernier, le rappeur américain Kanye West avait provoqué l’incrédulité générale en affirmant que l’esclavage était un choix pour les esclaves. Face aux réactions indignées soulevées par ses propos, le rappeur s’était drapé dans le rôle de la victime incomprise en expliquant sur Twitter qu’il était attaqué parce qu’il présentait des nouvelles idées. Le 28 octobre 2018, plusieurs d’entre celles qui étaient présentes à l’Assemblée générale extraordinaire de la Fédération des femmes du Québec ont pu constater que la FFQ était en train de faire une Kanye West d’elle-même.

En effet, après que plusieurs membres aient tenté d’amender l’énoncé 12 de la proposition du Conseil d’administration de la FFQ sur les femmes et l’industrie du sexe, nous avons pu entendre avec consternation des membres du CA évoquer l’esclavage pour justifier le fait que, selon elles, il ne fallait absolument pas remettre en question l’énoncé 12.

L’énoncé en question se lit présentement comme suit : « Que la FFQ reconnaisse l’agentivité des femmes dans la prostitution/industrie du sexe incluant le consentement à leurs activités ». Que veut donc dire le CA de la FFQ par « agentivité » ?

Celles qui refusaient d’amender l’énoncé 12 ont répété avec intransigeance qu’il s’agissait de reconnaître que chacun et chacune a la capacité d’agir et de choisir. L’agentivité existe même si une personne est enchaînée, ont-elles clamé au micro. Même les esclaves avaient de l’agentivité, ont-elles plaidé avec émotion. Celles d’entre nous qui essayaient d’amender la proposition 12 du CA avons tenté en vain d’expliquer que si l’agentivité signifie la capacité d’agir et de choisir, il faut tenir compte du fait que cette capacité ne peut être exercée pleinement par toutes les femmes de la même façon en raison des contraintes et rapports de pouvoir qui s’appliquent différemment sur les plus pauvres et moins privilégiées d’entre nous. »

— ->Lire la suite... https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/ffq-et-kanye-west--meme-combat-ea9f51cb47518c698f89d0a22c5237c5



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    Comme vous je trouve pour le moins surprenant que des femmes puissent défendre la prostitution.

    Mais pourquoi, dans le titre de votre article, accoler deux termes incompatibles : "culture" et "agression" (plus souvent on écrit "culture" et "viol") ? Il ne peut pas y avoir de la CULTURE du viol, d’agression , d’assassinat !

    Un autre article de ce mois est intitulé "De l’importance des mots pour décrire nos réalités". En effet, les mots ne sont pas innocents.

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    1er novembre 2018 , par   [retour au début des forums]

    Version anglaise du Centre de lutte contre l’oppression des genres pour soutenir positions de la FFQ sur la prostitution

    You may recall that a few months ago, we encouraged those of you who are women to become members of the Fédération des femmes du Québec (FFQ) in order to vote on some important proposals that were to have been voted on at the FFQ’s Annual General Meeting (AGM) in May. The AGM agenda included proposals in support of Indigenous women, Muslim women and sex workers.
    Well what happened is that at that AGM the TERFs (Trans Exclusionary Radical Feminists), SWERFs (Sex Worker Exclusionary Radical Feminists) and white feminists dragged out every.single.agenda.point so that in the end we didn’t even have time to discuss the proposals. It was incredibly frustrating but it does mean that we now have more time to organize in order to get these important proposals passed. There’s going to be a Special General Meeting sometime in the fall (the date has not yet been set) for the sole purpose of voting on the proposals.
    A few points on why winning the vote on these proposals is so important :
    • The FFQ is viewed as being THE voice of feminists in Quebec. If we lose on these proposals it will create an additional hurdle for everyone who fights for justice in this province.
    • While none of the proposals on the table deal specifically with the inclusion of trans women in the feminist movement, it’s clear that there’s a significant portion of the membership that is incensed that a trans woman, Gabrielle Bouchard, was elected president of the organization last November. A vote against these proposals would be seen by the public not only as a vote against Gabrielle, but a rejection of all trans women from the feminist movement. We can’t have that.
    • There’s a solid chance that we’re going to find ourselves with a right-wing CAQ government in the fall. We need to get ready to fight now, and having a strong, politically solid FFQ that is empowered to fight for the rights of all women will help us get through the next few years.
    Some last thoughts...
    • THIS IS WINNABLE. Yes, there are a significant number of TERFs, SWERFs and white feminists in the FFQ, but there are also a lot of badass intersectional feminists in the organization including several brilliant young women of colour who ran for and won seats on the board of directors. We can do this !
    • Despite the wide range of views held by FFQ members, the FFQ’s actual principles are pretty fantastic. The structure is there for us and it would be much easier to work to ensure that the FFQ stays true to its principles rather than have to build something new from scratch.
    • In all likelihood, the actual vote on the proposals will take place online following the special general meeting. That means that even if you can’t find the time to attend the meeting you can still vote.
    • As mentioned in the event description, if you want to vote, it’s important that you sign up TODAY as you need to have been a member for 45 days in order to have voting rights.
    • Please sign up today !!!

    Le Centre de lutte contre l’oppression des genres a-t-il infiltré la Fédération des femems du Québec ?
    1er novembre 2018 , par   [retour au début des forums]

    En tout cas, il parle en son nom. Et avec un certain mépris des féministes anti-prostitution, blanches et anti-islamistes.

    De la page Facebook du Centre de lutte contre l’oppression des genres https://www.facebook.com/CentreforGenderAdvocacy/posts/929705093889602?__tn__=K-R

    Vous vous rappelez peut-être qu’il y a quelques mois, nous avons encouragé les femmes à devenir membres de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) afin de voter sur des propositions importantes qui devaient être votées lors de l’AGA de la FFQ en mai. L’agenda de l’AGA comprenait des propositions en faveur des femmes autochtones, des femmes musulmanes et des travailleuses du sexe.

    Eh bien, ce qui s’est passé, c’est que lors de cette assemblée générale, les féministes transphobes, anti-travailleuses du sexe et celles pour qui le féminisme n’est que pour les femmes blanches ont fait traîner chaque point de l’agenda de façon à ce que nous n’avions pas eu la chance de voter sur quoique ce soit. C’était incroyablement frustrant, mais ça veut dire que nous avons maintenant plus de temps pour nous organiser afin de faire passer ces importantes propositions. Il y aura une assemblée générale spéciale à l’automne (la date n’a pas encore été fixée) dans le seul but de voter sur les propositions.

    Quelques points sur pourquoi gagner le vote sur ces propositions est si important :

    • La FFQ est perçue comme LA voix des féministes au Québec. Si nous perdons sur ces propositions, cela créera un obstacle supplémentaire pour tous celles qui luttent pour la justice dans cette province.
    • Bien qu’aucune des propositions présentées ne porte spécifiquement sur l’inclusion des femmes trans dans le mouvement féministe, il est clair qu’une partie importante de ses membres s’est indignée qu’une femme trans, Gabrielle Bouchard, ait été élue présidente de l’organisme en novembre dernier. Un vote contre ces propositions serait considéré par le public non seulement comme un vote contre Gabrielle, mais comme un rejet de toutes les femmes trans du mouvement féministe. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour empêcher que cela se produise.
    • Il y a de fortes chances que nous nous retrouvions avec un gouvernement de droite de la CAQ à l’automne. Nous devons nous préparer à nous battre maintenant. Une FFQ forte, politiquement solide et prête à lutter pour les droits de toutes les femmes nous aidera à traverser les prochaines années.

    Quelques dernières pensées ...
    • ON PEUT GAGNER. Oui, il y a un nombre important de féministes transphobes, anti-travailleuses du sexe et anti-intersectionnelle dans la FFQ, mais il y a aussi beaucoup de merveilleuses féministes intersectionnelle dans l’organisme dont plusieurs jeunes femmes de couleur brillantes qui se sont présentés comme candidates pour des sièges au conseil d’administration et qui ont été élues. On peut le faire !
    • Malgré le large éventail de points de vue qui existe parmi les membres de la FFQ, les principes de la FFQ sont plutôt excellents. La structure est là pour nous et il serait beaucoup plus facile de travailler pour que la FFQ reste fidèle à ses principes plutôt que de devoir créer quelque chose de nouveau à partir de rien.
    • En toute probabilité, le vote sur les propositions aura lieu en ligne après l’assemblée spéciale. Cela signifie que même si vous ne trouvez pas le temps d’assister à la réunion, vous pouvez toujours voter.
    • Comme mentionné dans la description de l’événement, si vous voulez voter, il est important de vous inscrire dès aujourd’hui car vous devez avoir été membre depuis 45 jours afin d’avoir le droit de vote.
    • Veuillez vous inscrire aujourd’hui !!!
    https://www.facebook.com/groups/155692997937262/


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