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vendredi 2 décembre 2011 La violence contre les femmes : une pandémie mondiale
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La violence contre les femmes, une pandémie mondiale ? Comme la grippe H1N1 ? Comme dans le film « Contagion » ? Pas du tout. Pensez à votre réponse instinctive à l’idée d’une catastrophe biologique qui terroriserait le monde entier – voilà ce que devrait être votre réaction au niveau normalisé de violence contre les femmes dans le monde. Parce que, pour dire les choses clairement : les femmes ne sont pas un groupe d’intérêts particulier et la lutte pour la capacité de vivre sans violence n’est pas un simple projet personnel. Vous pensez que j’exagère, n’est-ce pas ? Jusqu’à ce que je prenne conscience de la campagne 16 jours d’activisme contre la violence faite aux femmes (1), qui a débuté le 25 novembre, j’aurais pu le croire aussi. C’est parce que nous, en tant que culture, embrassons la glamourisation de la misogynie au lieu de considérer ses effets néfastes et d’essayer de changer ses normes. Pour ce qui est de notre conscience collective du problème, nous préférons passer notre tour : le « sexy » est tellement plus amusant que la tristesse. Un exemple : suis-je la seule à trouver intéressant que cette campagne des 16 jours s’inscrive entre les lancements de deux films particuliers : « Breaking Dawn », un film axé sur la violence masculine / féminine, l’amour, la douleur, le sexe et la mort, et « Girl with the Dragon Tattoo » ? « Girl with the Dragon Tattoo » n’est pas le nom original de la série : le titre original, « Men Who Hate Women », a été changé pour le marché de langue anglaise (2). La trilogie mondialement connue de romans de Steig Larsson, truffée de scènes explicites de violence de genre sadique, est un fantasme de revanche féminine contre des hommes coupables de viol, de traite des femmes et d’assassinats. L’histoire, dont la protagoniste repousse les hommes, n’a pas été initialement conçue pour glorifier la violence contre les femmes – d’où son titre original, qui était simple et honnête. Cependant, cette intention a été subvertie par le changement de titre et par au moins la première commercialisation de la version américaine du film, que Melissa Silverstein, fondatrice du site Web « Women and Hollywood », décrivait cet été comme une « pornification de Lisbeth Salander » (3) : la première affiche diffusée du film présentait Rooney Mara nue, un mamelon percé, l’héroïne violente et distinctement non stéréotypée femme étant embrassée de façon protectrice par un Daniel Craig renfrogné (que j’adore, en fait, pour son travestisme dans la campagne « We Are Equal »(4). Le titre original ne laissait rien à l’imagination ou l’interprétation. Ce titre précis et sans équivoque, troublant et intense dans sa désignation de la misogynie, a-t-il été jugé trop sévère, trop accusateur, trop réel ? La « haine » est-elle un mot trop fort ? Croit-on qu’il n’existe pas d’hommes qui haïssent les femmes ou qui les considèrent comme des sous-hommes parce qu’elles ne sont pas des hommes, ce qui rend la violence à leur égard en quelque sorte plus acceptable ou inévitable ? Peut-être croyez-vous qu’il s’agit d’un problème limité au tiers monde, ou à une race ou une classe spécifique ? Je sais qu’il y a des lecteurs qui vont immédiatement prendre pour acquis que je suis en train de condamner tous les hommes pour les actions de quelques-uns. Dans tous ces cas, je vous suggère de prendre en considération les chiffres suivants (5). Considérez le fémicide, le fait d’assassiner des femmes parce qu’elles sont des femmes : Vous n’êtes toujours pas scandalisé-e ? Parce que sinon, il ya toujours ce qu’on appelle pudiquement des « pratiques néfastes », qui sont des formes violentes de torture et de viol. Par exemple : Ces chiffres ne comprennent pas les épouses à qui on met le feu, les « suicides », « accidents » suspects et autres actes de haine liés au versement de la dot. Passons maintenant aux bons vieux dossiers de la violence conjugale et sexuelle : Selon le Département américain de la Justice (11), il se produit une agression sexuelle toutes les deux minutes aux États-Unis (majoritairement contre des femmes). Une Américaine sur six a été victime d’un viol ou d’une tentative de viol au cours de sa vie (12). C’est près de 20 pour cent de notre population et le Département américain de la Justice reconnaît que le viol est le crime le plus sous-signalé au pays (13). À l’échelle mondiale, les chiffres (14) pour le viol et l’agression sexuelle sont renversants. Surtout quand on considère le recours au viol comme tactique et arme de guerre (15). Des millions de femmes (et d’enfants) ont été violées à la suite de la militarisation systématisée des hommes pour « déshonorer » leurs ennemis. Plus récemment, dans la seule République démocratique du Congo, plus de 400 000 cas de violence sexuelle, impliquant pour la plupart des femmes et des filles, ont été documentés, soit un taux de 48 viols de femmes par heure (16). Vous commencez à ressentir un peu de fatigue, de dépression ? J’ai presque fini. Au bout du spectre, on trouve les formes relativement « bénignes » de harcèlement, y compris le harcèlement sexuel au travail et le harcèlement de la rue, dont j’ai beaucoup parlé ces deux derniers mois (17). Entre 40 et 50 pour cent des femmes des pays de l’Union européenne vivent en milieu de travail des avances sexuelles non désirées, des attouchements ou d’autres formes de harcèlement sexuel. Le harcèlement sexuel et de harcèlement de la rue sont les symptômes d’un problème beaucoup plus profond, auquel les statistiques ci-dessus donnent une signification viscérale. Que pouvez-vous faire ? L’objectif de la campagne 16 jours cette année est simple : étudier, faire connaître et aider à abolir les causes de la violence contre les femmes. Cette année, la campagne met l’accent sur une contestation du militarisme (20). Je refuse de croire que les garçons naissent pour grandir et faire mal aux femmes et que les filles et les femmes naissent pour devenir des victimes. À tout le moins, nous pouvons acquérir plus de conscience du spectre de la violence contre les femmes, des méthodes subtiles dont se sert la culture pour promulguer cette violence (21), et de la prévalence du problème dans la vie de toutes les femmes. Ne la passez pas sous silence, ne la banalisez pas, et ne laissez pas vos représentants au gouvernement en faire de même (22). Que vous soyez un homme ou une femme, apprenez-en davantage sur cette campagne mondiale pour mettre fin à la violence contre les femmes. Le site Web de Say No-UNITE (23) comprend une liste détaillée de gestes (24) que peuvent poser des particuliers-ères, des étudiant-es et des enseignant-es, des gouvernements et des parlementaires, des organisations de la société civile et des groupes communautaires, ainsi que des entreprises et sociétés. Il ya aussi une foule d’organisations, beaucoup trop nombreuses pour être énumérées ici, comme Women for Women International (25), We Are Equals (26) et UNWomen (27), qui se dédient à toutes sortes d’initiatives allant de l’aide aux victimes individuelles de violence à des tentatives de modifier la culture ambiante. Une simple recherche de telles ressources aux paliers local, régional, national et international vous en fournira une bonne liste. Si vous êtes un homme qui s’intéresse plus particulièrement à ce que vous pouvez faire, il existe aussi beaucoup de ressources à votre intention. Par exemple, veuillez jeter un coup d’oeil à l’ouvrage de Jackson Katz intitulé 10 Things Men Can Do to Prevent Gender Violence (10 choses que les hommes peuvent faire pour prévenir la violence de genre) (28) ou à des organisations comme Men Against Abuse Now (29) ou Men Can Stop Rape (30). L’On-Campus Anti-Violence Project dispose également d’une excellente page-ressources (31), comme le fait l’organisation RAINN (32) (qui travaille aux dossiers du viol, de la violence et de l’inceste). D’autres sites Web comme le Good Men Project (33) et A Call to Men (34) sont également engagés à redéfinir la masculinité d’une manière qui n’y intègre pas la violence antifemmes comme un impératif biologique. Je sais, en mettant le point final à ce texte (ouf, n’êtes-vous pas content-e de vous être rendu-e jusqu’ici ?), qu’il y aura des réponses innombrables à cet article pour tenter de faire valoir la violence subie par des hommes, les femmes qui assassinent des hommes ou les battent, les hommes qui sont violés en prison ou agressés sexuellement par des femmes. Je sais que de telles choses sont arrivées et qu’elles sont horribles et violentes et déshumanisantes. Mais ce n’est pas le sujet de mon article. Le sujet de mon article, le voici : combien de personnes exactement doivent être battues, vendues, violées ou tuées simplement parce qu’elles sont nées de sexe féminin ? Combien en faudra-t-il pour que ce problème cesse d’être marginalisé ou considéré comme un élément accessoire gênant à ce qui est censé être « réellement important » ? Ou comme l’a dit récemment un représentant anonyme de la Maison-Blanche : « Les enjeux de genre doivent céder la place à d’autres priorités... Il nous est impossible d’être efficaces que si nous devons entretenir tous les intérêts particuliers et projets personnels. » (35) Et, juste pour mémoire, cet article n’est pas un texte compassé du style « Pauvre moi »/« Pauvres femmes ». C’est un texte indigné du style « Pauvres nous ! », qui vous invite à vous lever et à faire quelque chose ! * Toutes les statistiques citées se trouvent, avec le détail de leurs sources, sur le site Web de l’organisation SAY NO-UNITE. Quand j’ai référencé d’autres statistiques, j’ai créé un hyperlien direct à la source pertinente. Notes 1. Lire en ligne. Source : http://sorayachemaly.tumblr.com Traduction : Martin Dufresne Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 décembre 2011 |