Alors que l’affaire Dominique Strauss-Kahn retenait notre attention (c’est un euphémisme) et que des comités de soutien à Nafissatou Diallo se formaient ici et là, un verdict révoltant a été prononcé à l’issue du procès de jeunes hommes qui ont séquestré, violé et prostitué pendant 12 jours une adolescente de 14 ans en fugue. L’affaire s’est produite à Carpentras (Provence), en avril 2005, et le verdict a été rendu au début de juillet 2011. Une citoyenne française indignée a écrit à plusieurs associations de défense des droits des femmes les incitant à réagir. Nous comprenons que tout le monde était mobilisé par une affaire hautement médiatisée, qui se présentait comme un symbole de la violence sexuelle exercée par des hommes de pouvoir contre des femmes subalternes. En outre, le verdict est tombé en pleines vacances estivales. Par ailleurs, nous entendons le cri du cœur et comprenons l’indignation de l’auteure de cette lettre devant un type d’agression qui n’est pas rare et est d’autant plus grave qu’une mineure très vulnérable en a été la victime. Peut-être est-il encore temps de réagir à cette affaire et de l’inclure parmi les exemples de verdicts odieux banalisant le viol et autres agressions sexuelles, lors des manifestations publiques organisées pour dénoncer ces agressions. (Micheline Carrier)
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Lettre aux associations de défense des droits des femmes
En avril 2005, une petite gamine de 14 ans, qui aurait pu être la vôtre, a été à plusieurs reprises violée et prostituée par 30 individus âgés de 16 à 22 ans dont seulement 12 ont été jugés le 5 juillet dernier, avec des peines ridicules, dans le silence assourdissant des associations féministes. Les pires horreurs ont été dites pendant ce procès, d’abord par les avocats des accusés qui ne craignent pas d’insinuer que la victime aurait été l’instigatrice de cette tournante, qu’elle aurait été consentante (à 14 ans) et qu’elle y aurait pris du plaisir : « C’est dans la relation avec le sexe qu’elle va vers l’autre. Ce n’est pas une recherche de plaisirs, elle s’exprime avec son cul ». Et ils excusent volontiers ceux que les journalistes qualifient de manière douteuse « des enfants terribles », trahissant au passage l’oeuvre de Cocteau, en leur trouvant l’excuse du « désir d’appartenance au groupe ». Ainsi le viol d’une enfant par des monstres pervers et sadiques ne serait que le reflet d’un besoin de socialiser amicalement. Ben voyons…
Les experts de leur côté n’ont pas eu peur de proférer des propos totalement aberrants tels que « Dans cette pratique sexuelle, l’objet de la sexualité n’est pas la relation avec la jeune fille mais le rapport avec les autres garçons, un peu comme dans « La guerre des boutons » : je suis capable, j’ai un plus gros zizi ou je fais pipi plus loin ! » Oser comparer cette tournante monstrueuse de 12 jours, qui a définitivement massacré la vie de cette enfant, à un épisode de la « Guerre des boutons », il fallait quand même oser…
Et ils en rajoutent une couche : "Ils n’ont pas perçu la contrainte situationnelle. Pour eux, la relation a eu lieu sans menace, sans violence, elle n’était pas attachée. » « Cette jeune fille était en quête d’amour, d’affection. » Le viol ne serait donc, selon eux, qu’un signe d’affection (!!) et la jeune victime aurait elle-même appelé à se faire violer en raison de ses difficultés affectives avec ses parents puisqu’elle était en fugue au moment des faits. Tout s’explique donc aisément selon ces entartrés du bulbe pour qui le fait de n’avoir pas été physiquement en mesure de se rebeller confirmerait son consentement ! On croit rêver !
Pour ces messieurs, dont on aurait aimé qu’ils mettent à profit leurs années d’études au service de la Justice, le viol n’est pas un acte de bestialité sexuelle mais seulement l’expression d’une « hypersexualité », c’est-à-dire une sexualité juste un peu plus développée que la normale, osant même comparer cela à un simple « premier émoi » de jeune puceau. Nous parlons bien de 30 jeunes hommes dont certains ont tarifé leurs exploits et les ont filmés…
Durant tout ce procès hallucinant chacun a été plus occupé à défendre les
accusés que la victime, dont tout le monde se fiche éperdument, car après tout
ce n’est qu’une femelle à la valeur contestable, l’important étant de préserver l’image de ces malheureux violeurs en raison de leurs… origines ethniques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, face à la tribalité ambiante et à la peur générée par les familles des violeurs, que vaut la vie d’une enfant martyrisée par ses bourreaux ? L’important, on l’aura compris, est avant tout de ne pas énerver certaines personnes et de préserver l’image lisse de la bien-pensance, surtout pas de vagues, il ne faudrait pas qu’il y ait des émeutes ni surtout d’accusations de racisme du plus mauvais effet.
Il apparaissait évident qu’à l’annonce du verdict honteusement bienveillant
de 2 à 3 ans seulement, notamment pour certains récidivistes, vous, les
associations de défense des femmes, alliez ruer dans les brancards, appeler
à manifester, hurler votre dégoût devant l’infamie et rappeler rageusement
le devoir de respect pour la femme égale de l’homme. Que nenni, vous n’avez
rien dit, rien fait. Vous avez par votre surprenant et inconvenant silence
accepté ce verdict inique et infâmant pour toutes les femmes et pour les
enfants abusés par des pédophiles. Vous êtes, sinon coupables, au moins
complices silencieux de l’In-Justice.
Cet été 2011, une gamine a donc été sacrifiée par un étrange accord tacite où
personne n’a eu besoin de se concerter pour décider de la brûler vive sur
l’autel de la bien-pensance.
Demain votre fille subira peut-être le même sort, mais là ce n’était pas votre fille, alors vous n’avez rien dit…
Experts, avocats, associations soi-disant soucieuses de libérer la femme, vous avez tous démissionné de votre rôle dans cet obséquieux et indécent procès et vous êtes rendus indignes d’être là où vous êtes. Associations féministes, au moins, soyez intègres et rompez enfin ce silence insupportable et je vous en supplie… indignez-vous !
Sources
– "Six jeunes écroués après une "tournante" avec une adolescente de 14 ans à Carpentras", AFP-Yahoo.
– "Le viol en réunion et la séquestration, c’est mignon !", dans MediaLibre.eu
– Carnets d’assises, le blogue de Me Marc Geiger, l’avocat de la victime.
– "Tournante de Carpentras : le naufrage d’une gamine de 14 ans", Le Dauphiné.com.
– Alvinet Actualités, plusieurs articles sur le sujet.
– La "tournante" de Carpentras vue comme un rite initiatique
– Violée, humiliée, prostituée : seule face à douze accusés
– « Les racailles peuvent violer et prostituer des gamines de 14 ans en toute impunité : juges et psys les excusent… »
– Psychologie.com
– « Un verdict révoltant », par Xavier Raufer, criminologue
Mis en ligne sur Sisyphe, le 9 septembre 2011
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