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samedi 3 mars 2012 Un sauf-conduit pour violer Rencontre avec trois femmes de pouvoir
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Trois femmes de pouvoir parlent d’inégalité, de discrimination et de violence : Carolina Sanchez-Paramo, associée à la Banque mondiale, Lakhmi Puri, directrice adjointe d’ONU-Femmes et Margot Wallström, représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU sur la violence sexuelle touchant les femmes et les filles dans les conflits armés. Entrevue réalisée par Gie Goris.
Gie Goris - La situation des femmes a fortement progressé au cours de la décennie écoulée. Partout dans le monde. Les bonnes nouvelles s’arrêtent là, car l’inégalité entre hommes et femmes reste tenace. Partout dans le monde, la crise économique et les nombreuses situations de conflit n’y aident pas, d’après trois femmes d’influence à l’ONU et à la Banque mondiale. Un des faits frappants quand on parcourt les récents rapports sur l’égalité et le développement du genre est que la Banque mondiale parle explicitement de l’intérêt de l’égalité entre hommes et femmes afin de concrétiser les chances de développement des femmes et de toute la société. C’est quelque chose que la Banque ne dit jamais lorsqu’elle traite de l’inégalité sociale. Dans ce cas, elle déclare que tout le monde devrait avoir des chances égales, pas qu’il devrait y avoir égalité. Carolina Sanchez-Paramo - Il n’y a aucune raison pour laquelle les femmes devraient avoir un accès moindre aux soins de santé ou à l’éducation que les hommes. Et puisque nous constatons que les pauvres reçoivent systématiquement des soins de santé plus mauvais, on doit agir pour accroître leur accès aux services et aux droits. Quand il s’agit de possibilités économiques, il y a beaucoup plus d’éléments de choix en jeu. Les gens veulent-ils travailler ou non – et pourquoi – et quel emploi veulent-ils dans ce cas ? Ce n’est pas seulement une question de droits mais de choix. Gie Goris - Au sujet de ces droits égaux, on ne remarque pas encore grand-chose. Lakhmi Puri - Le vrai scandale est que la violence contre les femmes existe toujours, y compris en Europe. D’après une recherche du Conseil de l’Europe, 45% des femmes européennes ont connu la violence masculine. Une femme sur cinq est victime de violence domestique. Chaque jour, sept femmes meurent en Europe à la suite de la violence des hommes. Et je pourrais encore continuer. Dans les pays en voie de développement, ce problème est encore renforcé par une pauvreté très répandue et par certaines coutumes, habitudes et convictions traditionnelles. Les traditions et les religions ne peuvent jamais servir d’excuse pour limiter ou écarter les droits des femmes. La même chose vaut pour la violence contre les femmes. Il y a beaucoup de cultures qui considèrent les femmes comme inférieures, qui s’exprime très fréquemment par une acceptation très large de la violence domestique ou d’autres formes de violences contre les femmes. Cela varie des coups ou de l’humiliation concernant les mariages d’enfants, le commerce des femmes ou l’exploitation sexuelle jusqu’à la constatation que les petites filles reçoivent moins à manger que les garçons, de sorte que leur développement ou leurs chances de survie sont moindres. Carolina Sanchez-Paramo - On ne peut en effet pas échapper au débat sur la culture et la religion, même si ce n’est pas la mission d’une institution comme la Banque mondiale de prescrire une société ou un système de droits déterminés. Mais quand, à partir de faits et de données solides, on voit qu’une façon d’aborder la question offre de meilleurs résultats concernant la perspective de genre qu’une autre, on doit bien le montrer et le nommer. Pendant des consultations préparatoires, par exemple au Moyen-Orient, on a constaté que cette approche proposée était fructueuse et recevait une réponse positive de la région qui elle-même ne se distingue pas tellement sur le plan de l’égalité de genre. Gie Goris - Des différences culturelles expliquent-elles pourquoi une guerre au Congo dégénère en violence sexuelle et mauvais traitements contre les femmes, alors qu’en Afghanistan, ce semble moins pire ? Margot Wallström - Cela pourrait bien en partie être une illusion d’optique. Il y a, en effet, terriblement de violence et de mauvais traitements domestiques contre les femmes en Afghanistan, et cela a un rapport avec la guerre. L’isolement imposé aux femmes en Afghanistan les protège des dangers auxquels sont exposées les femmes congolaises quand elles vont chercher de l’eau ou du bois, ou quand elles travaillent leurs champs. À cause de cela, elles se trouvent aux avant-postes de la violence de la guerre. Mais partout au monde, l’humanité semble capable de cruauté, quelle que soit la culture traditionnelle ou le contexte politique qui y règne. Quand le colonel Khadafi, dans ses derniers jours, a ordonné à l’armée d’aller de maison en maison, les soldats n’ont que trop bien compris ce que cela signifiait : un sauf-conduit pour tuer et violer. Lakhmi Puri - Ce que nous avons à faire de plus important est de nous investir dans le renforcement des femmes : leur capacité d’être présente dans le débat, leur image d’elles-mêmes, leur situation économique. Ce qui est crucial, dans cette perspective, c’est le soutien des organisations ou mouvements de femmes. Nous estimons qu’au moins un tiers des représentants aux négociations de paix doivent être des femmes afin qu’il y ait plus d’attention sur les conséquences des accords sur la vie et les droits des femmes. De plus, chaque pays devrait avoir des lois qui rendent le viol punissable et facilitent la poursuite des auteurs, mais aussi des institutions qui incitent les femmes à raconter leur histoire. La culture de l’impunité doit disparaître. Gie Goris - Et comment s’attaque-t-on à cela ? Margot Wallström - Tout commence avec des dirigeants politiques qui voient le problème et le reconnaissent, qui en parlent et procurent aux femmes les moyens de s’affirmer. Je vois bien trop souvent de l’indifférence de la part des autorités, même quand les viols sont introduits comme armes de guerre. Et quand le conflit se termine, les femmes reçoivent le message que le pays doit penser à l’avenir et qu’il ne faut donc plus regarder le passé. Les femmes peuvent toujours siffler pour obtenir justice. Lakhmi Puri - Les conventions et les lois font bien une différence dans la vie quotidienne des femmes, aussi à la campagne. A condition, bien sûr, que l’État soit prêt et en position d’appliquer l’observation de ces lois. Dans les pays où existe une législation contre la violence domestique, les hommes vont y réfléchir à deux fois avant de frapper des femmes. Les femmes s’y sentent renforcées et soutenues pour y chercher satisfaction. C’est là que commence toute l’histoire d’ailleurs, par le changement de l’image de soi des femmes. Elles doivent se rendre compte qu’elles ne sont pas nées victimes, mais égales des hommes. C’est pourquoi conscientiser les garçons et les hommes est tout aussi important. Ils doivent comprendre que la violence contre les femmes n’en fait pas des machos ou des hommes forts, au contraire. Gie Goris - Y a-t-il au Congo une volonté politique suffisante pour agir contre les viols ? Margot Wallström - Je pense que oui. Cela se remarque, par exemple, au fait que des militaires à Bukavu sont poursuivis pour ce genre de délit. Même des officiers de l’armée congolaise sont condamnés. C’est un changement très prometteur. Mais cela ne suffit pas. Aux véritables responsables, on ne touche pas encore. Pendant la campagne des élections présidentielles congolaises, il y a eu beaucoup trop peu d’attention à la violence sexuelle. J’avais espéré que beaucoup plus de candidats s’exprimeraient contre la violence sexuelle, en vain. La classe politique m’a déçue. Tout de même, les femmes ne sont-elles pas aussi des électrices ? Gie Goris - Des droits égaux pour les femmes supposent donc un État fort et bien géré ? Carolina Sanchez-Paramo - L’intérêt d’un bon cadre législatif est clair : des traités et des conventions internationales, des révisions constitutionnelles et des lois intérieures adaptées. Sur papier, le monde est devenu bien plus égalitaire pendant la décennie passée. De nouvelles lois se sont ajoutées mais elles ne sont pas toujours appliquées. Ce n’est pas nécessairement une question de mauvaise volonté ou de mauvaise gestion, parfois c’est simplement une question de fonctionnement de certaines choses en pratique. Gie Goris - Pouvez-vous en donner un exemple ? Carolina Sanchez-Paramo - Sur la base de preuves de matériel recueillies localement, l’Organisation des nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a calculé que les revenus de l’agriculture augmenteraient de 2 à 4% si les femmes recevaient un accès égal à la terre, aux engrais, au crédit ou à d’autres moyens de production. Cela aurait une grande influence sur la faim et la sécurité alimentaire. Mais même dans les pays où hommes et femmes ont des droits égaux concernant la propriété de la terre, on constate que le titre de propriété de la terre n’est noté que sous un seul nom. Il n’est écrit nulle part dans la loi que ce doit être le nom de l’homme, mais dans la pratique, cela revient presque partout à cela. Pour s’y attaquer, on n’a pas besoin de changement révolutionnaire, mais d’une modification administrative de sorte que la terre soit enregistrée sous les noms des deux époux. Gie Goris - D’autre part, même les grandes campagnes internationales comme les objectifs du millénaire ne s’occupent pas de vrais progrès sur le plan du développement humain des femmes. Lakhmi Puri - Effectivement, on ne peut rien faire avec le premier objectif du millénaire – réduire de moitié la pauvreté extrême entre 1990 et 2015 – si on ne fait rien pour le troisième objectif : plus d’égalité entre les hommes et les femmes. On doit donc tendre à la présence d’au moins 30% de femmes partout où on prend des décisions. Cela fait une réelle différence. En Inde, il y a maintenant un million de femmes comme représentantes attachées à des conseils de direction locaux, les panchayats. Maintenant la question est d’éduquer politiquement ces centaines de milliers de femmes pour qu’elles transforment leur position en un pouvoir qui leur permettrait d’imposer de véritables changements. Au Rwanda et au Liberia, une grande représentation des femmes dans les Parlements a suscité une législation plus favorable aux femmes, par exemple, le congé de maternité. Carolina Sanchez-Paramo - Il n’y a pas de lien automatique entre le développement – dans le sens d’un plus grand bien-être – et l’accroissement de l’égalité de genre. Cela signifie qu’on peut travailler à l’égalité de genre même si le développement économique se fait attendre, mais aussi qu’un plus grand bien-être ne conduit pas d’office à des droits égaux pour les femmes. Sur la base d’exemples locaux, on constate cependant qu’une meilleure participation des femmes à la vie sociale et économique entraîne plus de développement. Gie Goris - Quel est l’impact de la crise économique sur les femmes ? Carolina Sanchez-Paramo - Il n’est pas facile, à partir de contextes très divergents, d’exprimer des opinions générales sur le développement et l’égalité de genre dans cette crise, entre autres parce que beaucoup dépend de l’emploi préalable des femmes. En 2008, ce sont les hommes qui ont été les plus touchés parce que beaucoup plus d’hommes travaillaient dans les « secteurs cycliques », comme par exemple l’industrie de la construction. Dès que les effets de la crise s’est fait sentir aussi dans les services, beaucoup de femmes ont perdu leur emploi. Et finalement le secteur informel où les femmes sont surreprésentées n’est pas resté non plus à l’abri. Il est vrai que dans ce secteur informel, les gens continuent leur boulot parce qu’ils ne dépendent pas d’un grand employeur, mais ils rapportent tout de même des revenus. Gie Goris - L’exclusion et la discrimination des femmes sont-elles des formes de violence ? Carolina Sanchez-Paramo - Je ne sais pas si j’emploierais si facilement le terme de violence pour toutes les formes d’exclusion et d’inégalité. Il est clair qu’il existe encore beaucoup de discriminations actives, aussi bien dans la législation que dans la pratique économique des employeurs, par exemple. Contre cela, il faut agir avec force. Mais à côté de cela, beaucoup de discriminations quotidiennes ne sont pas intentionnelles. Cela demande une action plus réfléchie et créative, parce qu’il faut approfondir quels mécanismes causent cette discrimination. Margot Wallström - Une guerre peut tellement légitimer de choses – comme des viols à grande échelle et la violence brutale contre des enfants – qu’elles se poursuivent pendant longtemps après la fin des hostilités. Le prix sociétal de la perte de valeurs familiales et de la cohésion sociale est énorme. Ce dont on a besoin maintenant, c’est une étude qui calcule les coûts de la violence sexuelle en situation de guerre. Des femmes sont touchées pour des années ou toute leur vie, et à cause de cela, toute la vie économique d’un village ou d’un pays est aussi touchée. Gie Goris – En général, l’Occident s’exprime clairement sur les droits des femmes, mais il est beaucoup moins clair quand il s’agit de s’opposer au commerce des armes. Peut-être que cela contribuerait beaucoup plus directement à la protection de la vie et des droits des femmes. Margot Wallström - C’est juste. Mais il y a trop d’intérêts économiques en jeu. En Côte d’Ivoire, j’ai entendu que les femmes voyaient l’avenir avec crainte parce qu’il n’y a pas eu de désarmement et, donc, la violence peut ressurgir à tout moment. Si cela se produit, les femmes seront les premières victimes. Après tout, la violence sexuelle est introduite pour toucher l’adversaire politique, c’est ce qu’on voit dans plusieurs pays de l’ouest de l’Afrique, de la Côte d’Ivoire par la Guinée au Sierra Leone. Gie Goris - Que peut y faire l’Europe ? Margot Wallström - L’Europe ne devrait pas seulement réagir plus activement contre la vente d’armes, elle devrait aussi être beaucoup plus active dans la lutte contre les « conflits de minéraux ». La vente de matières premières afin d’alimenter les conflits armés est encore toujours tolérée, on ferme les yeux, alors qu’aux États-Unis on a au moins créé un cadre légal pour s’y opposer. Le Parlement européen et la Commission européenne y portent une énorme responsabilité politique, mais aussi les entreprises qui extraient, produisent ou transforment ces minéraux peuvent avoir leur part de responsabilité. Pourquoi continueraient-ils à jouer de leur parfaite innocence au lieu de faire des choix eux-mêmes ? Le conflit des minéraux fait partie des causes premières de la violence brutale dans beaucoup de pays et, donc, les entreprises doivent aussi prendre leurs responsabilités. Toi aussi, comme consommateur tu dois reconnaître qu’avec ton GSM, tu as dans la poche un petit morceau du Congo. Donc toi non plus, tu ne te trouves pas en dehors du conflit. Carolina Sanchez-Paramo est la principale auteure du Rapport 2012 - Développement du monde, l’édition annuelle la plus importante de la Banque mondiale. Lakhmi Puri est l’adjointe à la direction d’ONU-Femmes. Son premier rapport annuel s’intitule À la poursuite de la justice. Margot Wallström est représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU sur la violence sexuelle touchant les femmes et les filles dans les conflits armés. Auparavant, elle a été entre autres Commissaire, puis Première Vice-présidente de la Commission européenne. L’article original n’est pas en ligne. Il a été traduit du mensuel flamand Moyen Orient, édition de février 2012, par Édith Rubinstein. Édith dirige la liste de Femmes en noir à laquelle on peut s’abonner ici. Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 mars 2012 |