Sur Ici Radio-Canada, on peut lire le 26 novembre 2016 un article intitulé "Trudeau bouscule les tabous à Madagascar" :
« Lors de la cérémonie d’ouverture du Sommet de la Francophonie à Madagascar, le premier ministre Justin Trudeau a fait la part belle aux droits des femmes et a déploré qu’ils soient ‘trop souvent bafoués’. Il a notamment insisté sur la nécessité pour les femmes d’avoir accès à l’avortement et à déploré que tant de jeunes filles soient mariées de force. Il a également déploré les mutilations génitales qui sont encore une pratique courante dans certaines régions du monde.
‘Les femmes et les filles sont victimes de violences physiques et sexuelles. Elles se voient marier, souvent en bas âge, sans leur consentement. Elles se voient interdire l’accès à l’avortement de façon libre et sécuritaire, elles sont soumises à des mutilations génitales.’ ‘C’en est assez !’, a-t-il lancé dans un discours ponctué d’applaudissements enthousiastes de l’assistance. ‘C’est une affaire qui engage toute la société, a-t-il avancé. Les hommes se doivent de se lever pour défendre et promouvoir les droits des femmes’. »*
Bravo, Justin Trudeau ! Bravo pour ce franc parler !
Ce n’est pas la première fois que vous plaidez pour les droits des femmes à l’étranger et que vous appelez les hommes à agir. Mais c’est peut-être la première fois que vous le faites aussi vigoureusement.
Vous savez, M. le Premier ministre, de nombreuses femmes dans plusieurs pays sont battues, réprimées et emprisonnées lorsqu’elles tiennent des propos sur leurs droits semblables à ceux que vous avez tenus à Madagascar.
Ne pourriez-vous secouer également d’autres partenaires du Canada, comme l’Arabie saoudite, le Mexique, l’Argentine, Cuba, certains pays européens et tous ces pays qui bafouent les droits des femmes et des minorités sexuelles ?
Vous avez adopté un ton singulièrement discret lors de votre récente visite à Cuba. Selon votre bureau, vous n’avez abordé qu’"en général et en privé" la question des droits humains avec le président Raul Castro. Pourquoi ?
Coïncidence, au moment où vous teniez un discours sur les droits des femmes et des minorités sexuelles en Afrique, l’ancien président Fidel Castro décédait à Cuba.
Je veux mettre sur le compte de l’émotion votre première réaction qui vous a fait saluer "l’ami Castro".
Vous vous êtes repris ensuite en reconnaissant qu’il a été un dictateur. Certes, Castro n’a pas été qu’un dictateur, mais il ne s’est pas illustré comme un grand défenseur des droits de la personne.
Quittons l’étranger pour revenir chez nous.
Au Canada même, le pays que vous représentez, les hommes et toute la société ont aussi beaucoup à faire.
Pourriez-vous dire à l’ensemble de la population qu’aucune forme de violence et de discrimination envers les femmes ne se justifie par l’invocation des croyances religieuses, des coutumes, d’une soi-disant autorité maritale ou paternelle conférée par une quelconque déité ?
Vous serait-il possible de tenir le même discours qu’à Madagascar, avec la même franchise, devant une assemblée musulmane au Canada, et vêtu en Justin Trudeau, non en imam portant robe blanche ?
Oserez-vous, Justin Trudeau, affirmer devant une assemblée islamiste du Canada que les mariages forcés ou de mineures, les crimes d’honneur, l’excision et le voilement de fillettes sont inadmissibles et qu’ils ne seront pas tolérés ici ?
Vous serait-il possible de dire franchement aux islamistes - ces intégristes parmi les musulmans - de cesser de rendre invisibles et de marquer les femmes comme humaines de second rang au moyen d’un voile, d’un tchador ou d’un niqab ? De cesser de limiter leurs libertés individuelles et leurs droits fondamentaux au sein de la famille et dans l’espace public ?
Ne pourriez-vous pas interdire à vos ministres de singer les islamistes, comme certaines l’ont fait en portant le foulard au Parlement lors du passage d’un quelconque personnage religieux ? N’avez-vous pas conscience qu’arborer cette distinction ségrégationniste revient à banaliser l’infériorisation des femmes et des filles au sein d’une communauté en particulier ? Une attitude foncièrement discriminatoire.
Quand les droits de certaines femmes sont bafoués, ce sont les droits de toutes les femmes qui finissent par régresser.
Aux imams qui enseignent que battre les femmes est légitime, oseriez-vous rappeler qu’ils pourraient encourir des sanctions pénales pour incitation à la violence ?
Ne pourriez-vous pas tenir un discours aussi vigoureux devant les juifs hassidiques qui refusent d’être servis par des femmes dans les institutions publiques ? Ne pourriez-vous pas leur rappeler que l’intégration à la communauté s’accommode mal de récriminations incessantes afin d’accroître l’espace public réservé à leurs dévotions ?
Oseriez-vous dire aux diverses communautés culturelles du Canada - "de souche" comme les autres - que respecter les droits des lesbiennes et des gais ainsi que le droit des femmes à l’avortement n’est pas facultatif, laissé au gré de leurs croyances ?
Et que les lois canadiennes s’appliquent à toutes les communautés ethno-culturelles sans exception.
Enfin, au Canada aussi, oseriez-vous dire clairement : "C’en est assez !"
Que les droits des femmes et des filles canadiennes concernent toute la société ?
Que tous les hommes Canadiens ont leur part à faire pour qu’on cesse de bafouer ces droits et pour éliminer les diverses formes de violence, d’autant plus que ces violences proviennent de leurs rangs ?
Plaider pour les droits et "bousculer les tabous" à l’étranger comporte des risques et vous avez donné l’exemple à des chefs d’État trop silencieux. Bravo !
Mais à présent, osez "bousculer les tabous" au Canada et rappeler à toutes et à tous que nous vivons en 2016.
Car, malheureusement, au sein de certains groupes, plusieurs semblent vouloir vivre selon des règles du Moyen-Âge ou y soumettre les femmes et les filles.