Ça dérape sérieusement dans « l’affaire Sklavounos ».
Certains affirment que pour être équitables, nous devons questionner autant la crédibilité de la victime que celle de l’agresseur présumé, et mettre en parallèle les habitudes de harcèlement de l’agresseur et les comportements sociaux ou sexuels de la victime. On entend : « Elle a eu plusieurs partenaires ». « Elle est montée dans sa chambre ». « Elle avait trop bu ». « Elle portait des vêtements provocants ».
Les comportements déplacés allégués de Gerry Sklavounos envers des stagiaires sont de l’ordre des situations de harcèlement en milieu de travail et doivent être traités comme tels. Cependant, les choix sexuels d’Alice Paquet lui appartiennent et ne peuvent en aucun cas être mis dans la balance pour justifier un abus sexuel. C’est elle qui décide.
Beaucoup de gars s’imaginent qu’ils ont tous les droits s’ils sont en position de pouvoir, ou s’ils jugent que la fille devant eux est suffisamment vulnérable ou excitante pour justifier d’en abuser. Pour eux, si une fille s’est mise en position vulnérable, a eu plusieurs partenaires ou porte une tenue suggestive, elle est moins crédible pour porter plainte pour agression.
Une femme a le droit de coucher avec qui elle veut, quand elle veut, et ceci ne donne pas le droit à un homme de la harceler ou de l’agresser.
En la matière, la présomption d’innocence demeure devant les tribunaux, mais trop souvent la présomption de culpabilité s’applique aux victimes dans le public. On les tient responsables de leur propre sécurité, on les rend coupables de l’agression dont elles ont été victimes, et ce même lorsqu’on les croit. C’est pour ça que des milliers de filles se taisent. Elles ont peur des représailles, elles ont honte, elles ont souvent été abusées par des personnes en position de pouvoir dans leur famille ou sur leur lieu de travail. Elles se taisent. #OnVousCroit signifie que nous les encourageons à porter plainte, à parler. Que nous allons les accueillir.
Bref, une femme a le droit de coucher avec qui elle veut, quand elle veut, et ceci ne donne pas le droit à un homme de la harceler ou de l’agresser.
Il est peut-être temps de remettre les pendules à l’heure. Voici un petit cours de consentement pour les nuls.
Reprenons du début : en tout temps, une femme, même si elle a eu de nombreux partenaires, peu importe leur nombre, peu importe comment elle est habillée ou où elle se trouve, doit avoir le plein contrôle de son corps et pouvoir dire non. Point barre. À ce moment, le gars doit s’arrêter. Re-point barre.
Expliquez-moi ce qui est compliqué là-dedans ?
Alors je résume pour les nuls :
Tu commences à ‘necker’ avec une fille qui te plaît. Tu veux aller plus loin, elle te repousse, elle te dit que ça ne lui tente pas. Tu t’arrêtes.
Tu es avec une fille qui a trop bu, qui est confuse. Tu la trouves à ton goût. Tu te dis, c’est ma chance. Garde tes culottes. Si elle n’est pas capable de marcher, elle n’est pas capable de consentir.
Une fille porte une robe rouge moulante. Elle t’a fait des sourires toute la soirée. Quand est-ce que tu as compris qu’elle voulait coucher avec toi ce soir ?
Tu as entendu dire qu’une fille est « facile » parce qu’elle a eu des relations sexuelles avec quelques gars que tu connais. Tu vas prendre un verre avec elle. Tu te dis : c’est à mon tour. Ça se peut qu’elle te trouve trop moche, ou trop con, pour coucher avec toi. Ça se peut qu’elle soit fatiguée, que ça ne lui tente pas. C’est juste dans ta tête qu’elle est « facile ». Elle, elle sait ce qu’elle veut.
Tu es avec une fille qui t’a accompagné dans une chambre d’hôtel, tu es flambant nu et elle te dit qu’elle a changé d’idée, qu’elle ne veut plus coucher avec toi. Tu ranges ton paquet dans tes shorts.
Comprends-tu ?
Toi et tes chums vous avez encouragé des filles à se dévêtir pour leur initiation à l’université. Elles sont mal à l’aise, mais elles l’ont fait parce qu’elles ne veulent pas se faire rejeter. Vous trouvez ça pas mal cool, vous vous rincez l’œil. C’est déjà pas mal limite comme comportement, mais ça ne vous donne pas le droit de les forcer à coucher avec vous.
Tu es le boss d’une jeune fille, tu lui fais des avances, tu la tripotes. Tu penses que c’est juste un jeu, tu te fais plaisir. Elle, elle a peur de toi, peur de perdre sa job et elle va s’en souvenir toute sa vie.
Tu as « commandé » une escorte et tu veux faire des affaires avec elle qu’elle ne veut pas. Ce n’est pas parce que tu la payes qu’elle t’appartient. Elle aussi elle a le droit de décider. En passant tu devrais peut-être réfléchir à tes habitudes.
Tu es avec ta conjointe ce soir et ça ne lui tente pas. Tu la forces à coucher avec toi. C’est un viol ça aussi.
Comprends-tu ?
Moi, je comprends.
Publié aussi dans Le Huffington Post Québec, le 23 octobre 2016. Merci à l’auteur.
– Biographie : Karel Mayrand est directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki et président du Projet de la Réalité Climatique d’Al Gore pour le Canada. Il est le cofondateur du Centre international Unisféra, où il a créé le programme de compensation des gaz à effet de serre Planetair. Voir plus de la biographie de l’auteur.
– Karel Mayrand sur Twitter et sur Facebook. Son blogue dans Le Huffington Post Québec.