Djemila Benhabib, militante de gauche, féministe et laïque, d’origine algérienne, a publié récemment au Québec un ouvrage intitulé, Ma Vie à contre-Coran : une femme témoigne sur les islamistes (1). Elle y explique, à travers sa trajectoire personnelle, l’avènement de l’islamisme dans son pays et la faible prise de conscience en Occident du danger qu’il représente.
Elle y décrit la montée en puissance, dans les années 1980, du Front islamique du salut (FIS), qui rappelle par bien des côtés celle des nazis en Allemagne. Le lecteur apprend également que l’islamisme en Algérie n’est pas venu du néant, mais d’une conjugaison de facteurs.
Il s’agit entre autres du contenu archaïque de certaines matières scolaires officielles, de l’endoctrinement sans scrupules des élèves par des enseignants intégristes, de l’extension du chômage et de la paupérisation dues à la politique néolibérale suivie par les nouveaux dirigeants du pays et à la chute des prix des hydrocarbures, ainsi qu’à la complicité du pouvoir avec les islamistes, et qui les propulsa au devant de la scène politique, tout en réprimant la gauche pour l’affaiblir.
Ces facteurs et d’autres ont constitué un cocktail explosif. La barbarie terroriste déferla alors sur l’Algérie et le peuple musulman algérien en paya le prix fort.
La hantise de notre auteure a été, non pas de mourir sous les balles des islamoterroristes du FIS, mais celle d’être kidnappée par eux et de subir, comme des milliers de ses compatriotes, « viol, torture, décapitation, égorgement ». De guerre lasse, elle prend avec sa famille le chemin de l’exil pour la France.
Mais quelle a été son amertume, elle qui a appris de son expérience algérienne, qu’« il ne faut jamais sous-estimer l’islamisme politique, et surtout ne jamais banaliser ses revendications », de retrouver à son arrivée, en 1994, puis en 1997 au Canada où elle s’est établie depuis, non seulement la malfaisance des intégristes musulmans, mais aussi de découvrir la complicité ou la complaisance dont ils bénéficient au sein d’institutions publiques et auprès de certaines associations, notamment féministes.
Si les islamistes ciblent, selon elle, les populations musulmanes immigrées, en particulier les jeunes, c’est avant tout pour tenter de les empêcher de servir, auprès de leurs proches (restés aux pays), de canal de transmission des valeurs démocratiques et du mode de vie moderne qu’ils ont inégalement intériorisés en Occident.
Ils tentent alors de rendre ces populations aussi hermétiques que possible à ces valeurs, en exploitant le sentiment d’injustice qu’ils ressentent, à cause des difficultés et des discriminations qu’ils subissent, et en diffusant dans leur direction un discours politico-religieux réactionnaire ou conservateur. Ils tentent aussi d’aiguiser en eux un différentialisme communautaire, de faire la chasse aux « apostats » et aux « dévergondées », de justifier ou d’encourager les mariages forcés, de recourir aux assassinats et aux attentats, etc.
Ils veulent ensuite se servir d’eux, comme masse de manœuvre, contre les valeurs et les principes des sociétés démocratiques.
Cependant, la confusion selon elle entre islam et islamisme, fait le jeu des islamistes et complique le combat contre eux. Puisque tel est le cœur de la propagande de ces derniers : leur programme c’est l’islam, clament-ils mensongèrement ; et non pas une idéologie à visée politique en défense des intérêts de classes, des musulmans les plus riches.
De même que donner un caractère « culturel ou identitaire » à leurs revendications, comme ils les présentent eux-mêmes, rendre plus acceptable le port du voile, pourtant discriminatoire envers les femmes musulmanes, ou l’ouverture de salles des prières à l’université, alors que le Coran n’exige nullement de l’accomplir sur le moment. Une telle revendication à l’université ou dans l’entreprise vise à leur servir de centre de propagande et de recrutement.
C’est également un préjugé, si ce n’est pas du racisme, que d’affirmer que l’islamisme est inhérent aux musulmanes et aux musulmans.
Pourtant, il fut un temps, écrit-elle, où l’Europe chrétienne a été confrontée aux horreurs de l’Inquisition, qui a réduit Galilée au silence, condamné Giordano Bruno au bûcher, vu Spinoza ex-communié par la Synagogue, la Sainte- Barthélemy, qui a entraîné le massacre de milliers de protestants, saint Thomas d’Aquin tenir des propos odieux sur la femme, notamment la nécessité pour elle de porter le voile, qui doit lui rappeler son infériorité et sa soumission à l’homme…
À l’instar de ses compagnons de lutte, les laïques et les féministes canadiens, l’intéressée est révoltée par les dangereuses préconisations dites « accommodements raisonnables » de la Commission Bouchard-Taylor, qui ne sont rien moins qu’une demande d’abdication de l’État et de la société canadienne devant les revendications d’une infime minorité d’islamistes, par rapport à l’ensemble des musulmans, qui ne désirent que vivre en harmonie avec leur pays d’accueil.
Djemila Benhabib, physicienne de formation, est née en 1972 à Kharkov en Ukraine, de parents communistes. C’est au cours de leurs études dans cette ville, que sa mère, chypriote grecque, et son père, algérien, s’étaient rencontrés. Ils furent tous deux pionniers (elle, en mathématiques et lui, en physique) de la Faculté des sciences exactes de l’université d’Oran, dans l’ouest de l’Algérie.
Note
1. VLB éditeur, Québec, 2009.
Source : Cet article est publié dans ReSPUBLICA,
édition du 30 septembre 2009.
Lire un extrait du livre Ma Vie à contre-Coran, une femme témoigne contre les islamistes.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 septembre 2009