(Source : Radio-Canada) La Cour supérieure du Québec exempte l’école secondaire privée catholique Loyola High School, à Montréal, d’enseigner le cours d’éthique et de culture religieuse dans une perspective laïque, tel que requis par le ministère de l’Éducation. Le juge compare les méthodes du ministère à l’Inquisition. Le collège privé montréalais Loyola High School remporte une bataille contre Québec.
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Dans un jugement rendu vendredi par la Cour supérieure du Québec, l’école secondaire privée catholique de l’ouest de Montréal est exemptée de dispenser le cours d’éthique et de culture religieuse dans une perspective laïque, tel que requis par le ministère de l’Éducation.
Le juge Gérard Dugré a donné raison à la direction du collège Loyola, qui souhaite offrir le cours d’éthique et de culture religieuse avec une perspective catholique.
Le juge Dugré estime qu’en forçant l’institution à donner le cours dans une perspective laïque, le ministère de l’Éducation viole le droit à la liberté de religion.
« En ces temps de respect des droits fondamentaux, de tolérance, d’accommodements raisonnables et de multiculturalisme, l’attitude adoptée par la ministre, dans la présente affaire, étonne », écrit le juge Dugré.
« La société démocratique canadienne est fondée sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit, lesquels bénéficient d’une protection constitutionnelle », note encore le juge.
« Ces deux principes fondateurs ont été mis à rude épreuve dans la présente affaire. Toutefois, en matière de droits fondamentaux, les Chartes accordent aux judiciables la protection des tribunaux », ajoute-t-il.
En obligeant l’institution à donner le cours dans une perspective laïque, le magistrat parle de méthode comparable à l’Inquisition.
Selon le Mouvement laïque québécois, Québec devrait suspendre le cours d’éthique et de culture religieuse, ou encore le réduire à un cours d’éthique seulement, laissant la partie culture religieuse aux parents.
Le juge Dugré indique justement, au paragraphe 296 de sa décision, que « plusieurs options s’offraient à la ministre [de l’Éducation] afin d’éviter d’enfreindre un droit protégé par la Charte québécoise. À titre d’exemple, le programme ÉCR aurait pu être scindé, la partie éthique étant obligatoire et la portion religion, protégée par la Charte québécoise, laissée optionnelle. »
Vers un recours en Cour suprême
Selon Louis Rousseau, professeur au département des sciences des religions à l’UQAM, ce jugement se rendra inévitablement en Cour suprême. « Dire que le ministère viole dans un de ses programmes la liberté de religion est évidemment quelque chose que le gouvernement du Québec ne peut pas ne pas contester. »
Interrogée à ce sujet samedi matin, la ministre de la Justice, Kathleen Weil, n’a pas voulu faire part des intentions du gouvernement.
Selon Me Jean-Yves Côté, qui représentait les parents dans cette cause, le jugement Loyola vient plaider en faveur d’un appel en Cour suprême : « Est-ce que la liberté de conscience d’un individu est traitée différemment selon qu’il fréquente le secteur privé ou le secteur public, demande-t-il ? On parle là de libertés fondamentales protégées constitutionnellement, alors le degré de protection ne devrait pas varier en fonction du réseau scolaire fréquenté. »
Le fait que le juge base une partie de sa décision sur la suprématie de Dieu telle qu’inscrite dans le préambule de la Constitution du Canada inquiète le Mouvement laïque québécois. Sa présidente, Marie-Michelle Poisson, craint par ailleurs que le jugement ouvre la porte à ce que d’autres programmes d’enseignement soient contestés pour des motifs religieux. « Les religieux ont des prétentions concernant les cours de sciences, notamment les cours de biologie, [...] au niveau, justement, du darwinisme », dit-elle.
Une décision qui contredit une autre
Lorsque la cause a été portée devant la justice en juin 2009, le directeur du collège Loyola, Paul Donovan, disait croire que les valeurs catholiques devaient être présentes dans tous les cours, non seulement dans ceux de religion, mais dans les autres matières comme l’anglais ou l’éducation physique.
Rappelons qu’en septembre 2009, des parents de Drummondville se sont vu refuser une demande d’exemption au cours d’éthique et de culture religieuse pour leur enfant. La Cour supérieure du Québec a conclu que le cours ne brime pas la liberté de conscience et de religion.
Dans son jugement, le juge Jean-Guy Dubois écrivait que « le tribunal ne voit pas comment le cours d’éthique et de culture religieuse brimait la liberté de conscience et de religion des demandeurs pour les enfants, alors que l’on fait une présentation globale de diverses religions sans obliger les enfants à y adhérer ».
Source : Radio-Canada/Nouvelles.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 juin 2010
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