Quand j’ai vu que La Presse avait décidé de faire sa Une du samedi avec Les Normes de vie d’Hérouxville, une histoire qui n’aurait mérité que quelques lignes dans la section Fait bizarre, j’ai compris que le cirque médiatique avait lancé sa nouvelle bête et que les Jeux auraient lieu : comme de fait, les tribunes libres en ont fait leurs choux gras, les chroniqueurs en ont fait des gorges chaudes, les politiciens en ont fait des maux de tête. On compte sur les doigts d’une main ceux et celles qui ont creusé un plus le sujet ou qui ont pris la peine de lire ces fameuses normes.
Au même moment où l’élite montréalaise avant-gardiste se gaussait des maladresses langagières et politiques des élus d’Hérouxville, on apprenait que la SAAQ avait de son côté négocié avec les Hassidim l’exclusion des femmes examinatrices pour les examens de conduite automobile de Juifs ultra-orthodoxes. Me Julius Grey, défenseur des droits de la personne, estime, a-t-on pu lire dans La Presse, que « ce n’est pas un cas clair où il faut accommoder et ce n’est pas non plus un cas d’abus flagrant. C’est exactement sur la frontière, et on peut argumenter dans un sens ou dans l’autre (...) je serais plutôt enclin à être indulgent envers le juif hassidique ». On peut douter que l’indulgence de Me Grey serait la même pour des apprentis conducteurs qui exigeraient l’exclusion des examinateurs ou examinatrices à la peau noire...
Les élus d’Hérouxville seraient-ils de meilleurs alliés des Québécoises, eux qui réclament qu’on dise plus explicitement comment se vit l’égalité des femmes et des hommes ? Qu’on juge ces deux extraits des normes d’Hérouxville dont la SAAQ, le YMCA, le SPVM pourraient s’inspirer :
• « Nous considérons que les hommes et les femmes ont la même valeur. »
• « Dans nos écoles des hommes et des femmes diplômées enseignent. Les femmes et les hommes peuvent enseigner et aux garçons et aux filles sans distinction de sexe. »
Il est plus que regrettable qu’une fois encore, ce soit les immigrants qui portent l’odieux de toute la confusion autour des obligations religieuses et des dérogations que les institutions accordent à tort ou à raison. Mais ce qui est clair, c’est que tout ça n’est pas clair ! Ni pour les gens d’Hérouxville ni pour les gens de Montréal dont plusieurs, rappelons-nous, avaient appuyé l’idée d’instaurer des tribunaux islamiques. La majorité des immigrants n’en demandent pas tant. Certains d’entre eux ont même fui des régimes où la religion était loi et sont venus ici pour en finir avec les systèmes religieux.
Ce que l’initiative d’Hérouxville traduit finalement, c’est que la confusion actuelle nourrit inquiétude et ressentiment, dont seuls profitent certains médias. Il est urgent que le vrai débat, celui sur la laïcité, ait lieu à l’endroit où il doit avoir lieu, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 février 2007.