« Poser un débat sur ses bases est le seul moyen de le faire avancer. » Isabelle Alonso
Mais que d’incohérences dans le dernier texte de Francine Pelletier du 10 avril dernier « Laïcité et féminisme » (1).
Contrer le projet de loi sur la laïcité en se référant aux positions des Patriotes et au parti radical en France, d’un autre temps faut-il le souligner, est dérisoire.
De tous temps, des hommes, et des femmes, ont appuyé telle revendication féministe, mais en ont répudié d’autres.
Comme certainEs, de nos jours, appuient le projet de loi sur la laïcité, mais rejettent la parité (la question d’aujourd’hui qui pourrait avoir remplacé le droit de vote).
Déjà cet amalgame semble démontrer un manque d’arguments crédibles, alors affirmer que les QuébécoisEs n’ont jamais été aussi féministes que depuis qu’on parle du voile, c’est dénigrer les luttes des féministes et de leurs alliés qui combattent le patriarcat depuis des décennies. Les suffragettes étaient-elles moins féministes ?
En se référant à Rokhaya Diallo, Francine Pelletier tord carrément le cou au féminisme : n’est-ce pas cette femme qui appelle les victimes à ne pas combattre les violeurs noirs, parce qu’ils sont noirs ? Autres victimes du colonialisme !
N’est-ce pas cette femme qui a choisi un média dévoué à Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, pour accuser la France de maltraiter les femmes musulmanes ? D’ailleurs, elle identifie toute critique du voilement au "fantasme d’une France blanche, dans laquelle tous les citoyens avec un autre bagage culturel doivent s’assimiler". (2)
Je ne peux croire que Mme Pelletier fasse une comparaison entre la jupe, les talons hauts et le voile ! Pourrait-elle mentionner dans quels pays on oblige les femmes à porter la jupe ou les talons hauts sous peine de torture et d’emprisonnement ?
Elle pleure sur les quelques femmes qui au nom d’une loi sur la laïcité devront mettre le voile de côté pour quelques heures, mais y voit une signification différente lorsqu’on parle des femmes qu’on oblige à le porter dans d’autres pays ?
« Ni foulard ni trottoir »
Dans un chapitre intitulé « Ni foulard ni trottoir » de son dernier livre (3), Isabelle Alonso stipule que certainEs personnes présentent « des aliénations féminines spécifiques comme des libres choix ».
Elle énonce qu’on ne va jamais au fond du problème lorsqu’on parle de signes religieux, notamment du voile, et de la prostitution. (Et on sait que Mme Pelletier considère aussi la prostitution comme une liberté de choix !). (4)
« Imaginez un débat sur l’esclavage où on aurait glosé sur des notions de production de coton, de marché textile, de tenue de travail, salopette ou tablier, de mécanisation de la culture, de taille des plantations, d’aménagement des conditions de travail, de décoration des dortoirs, de qualité de la cantine et de sévérité des punitions. Au bout d’un moment, quelqu’un se serait levé pour dire : si on parlait du principe même de l’esclavage ? En amont, à la racine. Poser un débat sur ses bases est le seul moyen de le faire avancer. Les premiers antiesclavagistes passèrent pour des fantaisistes. On les accueillit en s’esclaffant, et en affirmant, parole de spécialiste, que l’économie ne saurait fonctionner sans esclaves. On connaît la suite », souligne Isabelle Alonso.
Francine Pelletier peut bien se revendiquer du féminisme concernant la question de la laïcité, mais si elle ne transpose pas la domination masculine aux aliénations dont sont ou se font victimes des femmes, et qui se répercutent sur TOUTES les femmes, elle frappe un coup d’épée dans l’eau. Elle conforte le patriarcat sous couvert de défendre la liberté individuelle.
Isabelle Alonso précise que l’autonomie féminine est en contradiction avec le port du voile et la prostitution. « L’un comme l’autre ne se définissent que par rapport à l’homme, son regard, son désir, son pouvoir. Ni le port du voile ni la prostitution n’ont d’autre raison d’être que la soumission au patriarcat. Aucune de ces deux pratiques ne trouve sa source historique dans un libre choix des femmes. Elles ont été imposées par la force dans des sociétés où les hommes décidaient de tout et où les femmes n’avaient pas droit à la parole. »
Et elle insiste : « Le voile a pour fonction supposée de dissimuler la tentation incandescente que la chevelure féminine impose au regard naïf du mâle émotif érotiquement instable. Mais sa fonction réelle consiste à marquer la soumission sociale des femmes à la façon d’un petit apartheid portable, du foulard à la burka. On peut suivre la progression territoriale de l’intégrisme musulman au nombre de femmes voilées qu’on croise dans la rue. On ne voit pas ce qu’une pièce textile ajoute à la sincérité de la pratique religieuse. En revanche, on voit très bien ce que des musulmanes tête nue manifestent de solidarité avec les femmes voilées de force dans les pays islamiques. »
Quand Mme Pelletier posera les véritables bases du débat, qu’elle décrira les fondements même du principe du voile, (de la prostitution), qu’elle s’indignera des causes profondes de ces assujettissements, je croirai qu’elle défend toutes les femmes contre la domination masculine et qu’elle contribue au débat sur la laïcité.
Pour le moment, elle s’appuie sur ce qu’elle considère des droits fondamentaux, alors que nul droit n’est absolu. En défendant la liberté individuelle tous azimuts, un je-me-moi individualiste égocentrique, non seulement elle dévoile une attitude néolibérale, mais elle encourage l’aliénation dont des femmes sont ou se font l’objet, une « liberté » hypocrite qui fait le jeu des musulmanEs rigoristes et de tous les tenants du patriarcat. Hommes ou femmes.