Le ministère de l’immigration entreprend une consultation sur le projet de loi 77 (PL 77) ce mercredi 27 janvier 2016 afin de remodeler, entre autres, le processus de sélection des immigrant-e-s ainsi que les critères établissant les bassins de provenance des immigrant-e-s.
Déjà, la commission parlementaire des Relations avec les citoyens avait refusé d’entendre notre association au sujet de la nouvelle politique d’immigration à l’hiver 2015. Mais, encore une fois, notre demande d’être entendu-e-s sur le projet de loi 77 a été ignorée.
À partir de ces refus, l’Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL) comprend que le gouvernement ne semble pas intéressé à entendre le point de vue d’une fraction fort importante des Québécois et des Québécoises issu-e-s de l’immigration en provenance de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
Les objectifs du remodelage de la politique d’immigration nous semblent tout à fait louables, soit de répondre aux besoins de main-d’oeuvre des entreprises en manque de professionnels dans certains domaines, que ce soit dans l’industrie, les services (restauration, hôtellerie, ventes), l’agriculture ou la santé, domaine où la pénurie de professionnels se fait le plus sentir.
Quand on regarde la liste des intervenant-e-s qui ont été sélectionné-e-s par la Commission parlementaire qui étudie le projet de loi 77, on constate qu’on a privilégié l’écoute du patronat, des regroupements d’employeurs ainsi que des organisations venant en aide aux nouveaux arrivant-e-s. Par contre, on entendra très peu d’organisations issues de la société civile, comme AQNAL.
Et pourtant, il est essentiel que les débats sur l’immigration s’inscrivent dans une vision de convergence misant sur la citoyenneté plutôt que sur les seuls besoins du marché du travail ou sur l’appartenance ethnique et religieuse à la communauté d’origine. Les récents événements de Cologne nous ont montré qu’une politique à courte vue centrée sur les seuls besoins économiques des entreprises peuvent nous conduire rapidement à des problèmes sociaux graves.
L’apport essentiel de l’immigration
Compte tenu de l’importance de l’immigration dans le façonnement de la société, le Québec ne saurait se contenter de rapiéçages conjoncturels, avec des impacts indéterminés sur le processus de sélection, et nivelant vers le bas la politique d’immigration.
C’est toute la société québécoise qui est concernée par l’apport de nouveaux immigrants, notamment lorsque les bassins de provenance francophone traditionnelle, à savoir le Maghreb et l’Afrique francophone, pourraient être abandonnés.
Selon AQNAL, la quasi majorité des immigrant-e-s qui arrivent au Québec viennent avec la ferme volonté d’y vivre une citoyenneté à part entière, ainsi que la ferme intention de faire partie de la société d’accueil et selon les valeurs communes que le Québec moderne a privilégiées, soit les valeurs admises et acceptées par toutes et par tous. Il faut miser sur le vivre-ensemble et non sur les particularismes qui isolent des communautés les unes des autres.
Ce sont les libertés et "les valeurs du vivre ensemble et en bonne intelligence" qui préservent la cohésion sociale pour laquelle les Québécois et les Québécoises ont oeuvré pendant des siècles pour faire du Québec une société accueillante tout en maintenant ses spécificités et ses particularités.
Toutes ces immigrantes et tous ces immigrants qui ont choisi le Québec comme terre d’accueil ne sont pas sélectionné-e-s par le Québec parce qu’ils sont des Musulmans, Maghrébins, Arabes, Berbères, Bosniaques, Russes, Roumains, Camerounais, Maliens, Haïtiens, Colombiens, etc.
AQNAL, une force de propositions
Depuis sa création, notre association s’est fixée comme objectif d’apporter des propositions pour penser autrement la question de l’immigration. Dans notre mémoire sur le PL 77, il est surtout
question :
1) De l’insertion socioprofessionnelle et du maintien en emploi des nouveaux arrivants avec tout ce que cela apporte comme incertitudes, comme ambigüités et autres contingences lorsque, faute d’emploi, c’est la précarité et la vulnérabilité qui deviennent le vécu quotidien de ces citoyennes et citoyens ;
2) Des obstacles systémiques, et autres, à l’insertion socioprofessionnelle ;
3) De la culture industrielle du Québec qui n’a jamais été considérée comme un atout, mais comme un frein à l’insertion socioprofessionnelle qui doit être intelligemment pensée et mise en oeuvre par le management québécois ;
4) De la manière de gérer les espaces séparés ou les espaces communs à tous les citoyens et toutes les citoyennes.
Pour AQNAL, il faut miser sur un meilleur arrimage des compétences fédérales et québécoises dans le domaine de la sélection des immigrant-e-s afin d’assurer à la société québécoise une meilleure intégration des immigrant-e-s. Mais il est également vital d’accorder une grande importance à l’accueil, à l’installation et à l’intégration des nouveaux arrivant-e-s.
Pour cela, il faut suppléer aux contraintes organisationnelles et opérationnelles actuelles et insuffler suffisamment de budgets et de compétences pour relever les défis de l’immigration du 21e siècle.