| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






vendredi 21 avril 2006

Mais pourquoi est-elle si méchante ?

par Vincent Cespedes, philosophe et romancier






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Manifeste du Front Féministe
Confondre le sexe biologique et le genre nuit aux droits des femmes
L’intersectionnalité : Les invectives grotesques et les procès d’intention !
Les mille et une façons de tuer une femme
Pour un féminisme universaliste
Fées cherchent Île Oasis
L’universalisme est inhérent au féminisme
Contre le racisme des bons sentiments qui livrent les femmes au patriarcat oriental
Les filles, ne baissez pas les bras !
La Ville de Québec a dévoilé quatre plaques commémoratives en hommage à des femmes ayant marqué son histoire
Qu’est-ce qu’une femme ?
La sororité est-elle possible ?
L’intersectionnalité dévoyée : le cheval de Troie des islamistes
Le système patriarcal à la base des inégalités entre les sexes
#8mars - Les "étincelles" de Sophie Grégoire Trudeau
Désolée, vous n’êtes pas égales
Élaine Audet et Micheline Carrier, récipiendaires du Prix PDF QUÉBEC 2016
Vous avez dit "mauvais genre" ?
Lorraine Pagé trace un tableau de la situation des femmes dans le monde
Sexisme politique, sexe social
Révolution féministe : site féministe universaliste et laïc
Il faut abolir les prisons pour femmes
Le féminisme islamique est-il un pseudo-féminisme ?
Pour un féminisme pluriel
Cachez-moi ce vilain féminisme
Féminisme - Le Groupe des treize veut rencontrer la ministre à la Condition féminine Lise Thériault
Combattre le patriarcat pour la dignité des femmes et le salut du monde
Martine Desjardins parle du Sommet des femmes à Montréal
Banaliser la misogynie, c’est dangereux
Féminisme - Faut-il faire le jeu du "Diviser pour régner" ?
Je suis blanche et vous me le reprochez !
La pensée binaire du féminisme intersectionnel ne peut que mener à l’incohérence
Lutter contre la pauvreté des femmes et la violence des hommes envers elles
"Du pain et des roses" - Le 26 mai 1995, une grande aventure débutait
Portrait des Québécoises en 2015 - L’égalité ? Mon œil !
Je plaide pour un féminisme qui n’essaie pas de s’édulcorer
La Maison de Marthe, première récipiendaire du Prix PDF Québec
Ensemble, réussir la 4ième Marche Mondiale des Femmes ! Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous resterons en marche !
Des "Déchaînées" aux genoux du patriarcat !
L’intervention féministe intersectionnelle – Troquer un idéal pour une idéologie trompeuse ?
Ce que révèle l’alliance de certains musulmans avec la droite réactionnaire
Au cœur de la division du mouvement féministe québécois : deux visions
Désaccord sur le virage de la Fédération des femmes du Québec
Féminisme islamique - Quand la confusion politique ne profite pas au féminisme
États généraux du féminisme - Des sujets importants écartés : "De qui ou de quoi avons-nous peur ?"
PDF Québec est lancé ! - Une voix pour les droits des femmes
États généraux et FFQ - Un féminisme accusateur source de dissension
Ignorer et défendre la domination masculine : le piège de l’intersectionnalité
Comment les hommes peuvent appuyer le féminisme
Le féminisme contemporain dans la culture porno : ni le playboy de papa, ni le féminisme de maman
Refuser d’être un homme. Pour en finir avec la virilité
Les micro-identités et le "libre choix" érigé en système menacent les luttes féministes
La misogynie n’a pas sa place dans le féminisme
L’écriture équitable - La féminisation des textes est un acte politique
Réfutation de mensonges au sujet d’Andrea Dworkin
Une éducation féministe donne de meilleurs fils
"Rien n’a encore pu me détruire" : entretien avec Catharine A. MacKinnon
France - La mainmise des hommes sur le monde de la radio
États généraux sur le féminisme au Québec/FFQ - Des exclusions fondées sur des motifs idéologiques et des faussetés
Le mouvement des « droits des hommes », la CAFE et l’Université de Toronto
Mensonges patriarcaux - Le mouvement des « droits des hommes » et sa misogynie sur nos campus
Féministes, gare à la dépolitisation ! Les féminismes individualiste et postmoderne
"Les femmes de droite", une oeuvre magistrale d’Andrea Dworkin
"Je suis libre", une incantation magique censée nous libérer des structures oppressives
Trans, queers et libéraux font annuler une conférence féministe radicale à Londres
« Le féminisme ou la mort »
"Des paradis vraiment bizarres" - "Reflets dans un œil d’homme ", un essai de Nancy Huston
Quand les stéréotypes contrôlent nos sens
"Agentivité sexuelle" et appropriation des stratégies sexistes
Cessons de dire que les jeunes femmes ne s’identifient pas au féminisme !
Un grand moment de féminisme en milieu universitaire
Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine
Résistance au sexe en contexte hétérosexuel
La CHI - Un humour dégradant et complice de l’injustice sociale
"Heartbreak", une autobiographie d’Andrea Dworkin
Hockey, suicide et construction sociale de la masculinité
Polémique sur l’enseignement du genre dans les manuels scolaires en France
Le "Gender" à l’américaine - Un verbiage qui noie la réalité du pouvoir patriarcal
2011-2015 - Un plan d’action pour un Québec égalitaire
NousFemmes.org
L’égalité inachevée
Journée internationale des femmes 2011 - Briser le silence sur toutes les formes de sexisme
En France et ailleurs, 2010, une mauvaise année pour les femmes
Ce qu’est le féminisme radical
Polygamie - Le Comité de réflexion sur la situation des femmes immigrées et “racisées” appuie l’avis du CSF
Il y a trois ans, mon cher Léo...
La Fédération des femmes du Québec représente-t-elle toutes les femmes ?
Tout est rentable dans le corps des femmes... pour ceux qui l’exploitent
Incessante tyrannie
Comment le patriarcat et le capitalisme renforcent-ils conjointement l’oppression des femmes ?
Égalité ou différence ? Le féminisme face à ses divisions
Le "gender gap" dans les Technologies de l’information et de la communication
La Marche mondiale des femmes dix ans plus tard
Azilda Marchand : une Québécoise qui fut de tous les combats pour les femmes !
Les hommes proféministes : compagnons de route ou faux amis ?
Prostitution et voile intégral – Sisyphe censuré par le réseau féministe NetFemmes
Regard sur l’égalité entre les femmes et les hommes : où en sommes-nous au Québec ?
Féminisme en ménopause ?
Ce n’est pas la France des NOBELS !
Écarter d’excellentes candidates en médecine ? Inadmissible !
Trois mousquetaires au féminin : Susan B. Anthony, Elizabeth Cady Stanton et Matilda Joslyn Gage
La question des privilèges - Le réalisateur Patric Jean répond à des critiques
Lettre à Patric Jean, réalisateur de "La domination masculine", et à bien d’autres...
Une grande féministe, Laurette Chrétien-Sloan, décédée en décembre 2009
Le travail, tant qu’il nous plaira !
Comme une odeur de misogynie
La patineuse
Invasion du sexisme dans un lycée public
Magazines, anorgasmie et autres dysfonctions
"Toutes et tous ensemble pour les droits des femmes !"
Cent ans d’antiféminisme
MLF : "Antoinette Fouque a un petit côté sectaire"
Des femmes : Une histoire du MLF de 1968 à 2008
Qui est déconnectée ? Réponse à Nathalie Collard
Manifeste du rassemblement pancanadien des jeunes féministes
Pour une Charte des droits des femmes
Andy Srougi perd sa poursuite en diffamation
La lesbienne dans Le Deuxième Sexe
Le livre noir de la condition des femmes
La percée de la mouvance masculiniste en Occident
Procès du féminisme
Humanisme, pédocriminalité et résistance masculiniste
Une critique des pages sur le viol du livre "Le Plaisir de tuer"
Mise au point sur la suspension d’un article critiquant le livre du Dr Michel Dubec
Pour éviter de se noyer dans la (troisième) vague : réflexions sur l’histoire et l’actualité du féminisme radical
L’égalité des femmes au Québec, loin de la coupe aux lèvres !
Je suis féministe !
Écoféminisme et économie
Poursuite contre Barbara Legault et la revue "À Bâbord !" - Mise à jour
Biographie de Léo Thiers-Vidal
Vivement le temps de prendre son temps !
Séances d’information pour le projet d’une Politique d’égalité à la Ville de Montréal
Florence Montreynaud fait oeuvre d’amour et de mémoire
Magazines pour filles, changement de ton !
Un 30e anniversaire de la JIF sous la fronde conservatrice
L’égalité des femmes au Québec est-elle plus qu’une façade ?
Colloque sur Antigone
Prostitution et trafic sexuel - Dossier principal sur Sisyphe.org
Golf : "Gentlemen only, ladies forbidden" ?
Méchant ressac ou KIA raison ?
Dégénération de "Mes aïeux", un engouement questionnant
Les « Gender Studies », un gruyère confortable pour les universitaires
Réflexions "scientifiques" du haut du Mont Grey Lock
Madame, s’il vous plaît !
Annie Leclerc, philosophe
Des arguments de poids...
Pour hommes seulement
Andrea Dworkin ne croit pas que tout rapport sexuel hétéro est un viol
Peau d’Âme ou Beautés désespérées ?
Réflexions et questionnement d’une féministe en mutation
Le concours « Les Jeudis Seins » s’inscrit dans le phénomène de l’hypersexualisation sociale
Aux femmes qui demandent - sans plus y croire - justice. Qu’elles vivent !
Jeux olympiques 2006 : félicitations, les filles !
7e Grève mondiale des femmes - Le Venezuela donne l’exemple
Évolution des droits des Québécoises et parcours d’une militante
2005, l’année de l’homme au Québec
Mes "problèmes de sexe" chez le garagiste !
Brèves considérations autour des représentations contemporaines du corps
OUI à la décriminalisation des personnes prostituées, NON à la décriminalisation de la prostitution
"Femmes, le pouvoir impossible", un livre de Marie-Joseph Bertini
L’AFEAS veut la représentation égalitaire à l’Assemblée nationale du Québec
Elles sont jeunes... eux pas
Dis-moi, « le genre », ça veut dire quoi ?
Quand donc les hommes ont-ils renoncé à la parole ?
Déconstruction du discours masculiniste sur la violence
Les hommes vont mal. Ah bon ?
La face visible d’un nouveau patriarcat
Quelle alternative au patriarcat ?
Le projet de loi du gouvernement Raffarin "relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste et homophobe" est indéfendable
L’influence des groupes de pères séparés sur le droit de la famille en Australie
Victoires incomplètes, avenir incertain : les enjeux du féminisme québécois
Retrouver l’élan du féminisme
Le droit d’éliminer les filles dans l’oeuf ?
Des nouvelles des masculinistes
Masculinisme et système de justice : du pleurnichage à l’intimidation
Nouvelle donne féministe : de la résistance à la conquête
Les masculinistes : s’ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins
Nouvelles Questions féministes : "À contresens de l’égalité"
S’assumer pour surmonter sa propre violence
Sisyphe, que de rochers il faudra encore rouler !
Coupables...et fières de l’être !
Un rapport de Condition féminine Canada démasque un discours qui nie les inégalités de genre
De la masculinité à l’anti-masculinisme : penser les rapports sociaux de sexe à partir d’une position sociale oppressive
Les courants de pensée féministe
Quelques commentaires sur la domination patriarcale
Chroniques plurielles des luttes féministes au Québec
Qu’il est difficile de partir !
Deux cents participantes au premier rassemblement québécois des jeunes féministes
Le féminisme : comprendre, agir, changer
Le féminisme, une fausse route ? Une lutte secondaire ?
À l’ombre du Vaaag : retour sur le Point G
L’identité masculine ne se construit pas contre l’autre
Les hommes et le féminisme : intégrer la pensée féministe
La misère au masculin
Le Nobel de la paix 2003 à la juriste iranienne Shirin Ebadi
Hommes en désarroi et déroutes de la raison
Le « complot » féministe
Christine de Pisan au coeur d’une querelle antiféministe avant la lettre
Masculinisme et suicide chez les hommes
Le féminisme, chèvre émissaire !
L’autonomie de la FFQ, véritable enjeu de l’élection à la présidence
Les défis du féminisme d’aujourd’hui
Les arguments du discours masculiniste
Nouvelle présidente à la FFQ : changement de cap ?
La stratégie masculiniste, une offensive contre le féminisme
Le discours masculiniste dans les forums de discussion







Tremblez, mâles d’Occident : les femmes rêvent de vous faire des enfants dans le dos, de vous persécuter à mort et de vous... féminiser ! C’est du moins la théorie paranoïaque du journaliste Eric Zemmour, qui fait le tour des plateaux télé en criant haro sur le beau sexe. Son pamphlet antiféministe, Le Premier sexe (Denoël, 2006), mérite pourtant d’être analysé sérieusement, car derrière ce qui pourrait passer pour un règlement de compte personnel avec bobonne ou maman se dissimule une opinion que la droite la plus intolérante ne se lasse pas d’applaudir.

Le complot féministe

Scoop : l’homme occidental n’est plus aujourd’hui envoûté par la femme tentatrice, mais ramolli par la femme castratrice. Zemmour n’invente rien : il recycle, toujours ; il emprunte. Élisabeth Badinter, dans Fausse route (Odile Jacob, 2003), donnait déjà dans une imposture similaire : « [Les hommes] éprouvent souvent une désagréable impression de confusion identitaire face à des femmes qui hésitent de moins en moins à se comporter comme les hommes de jadis, voire à leur faire la loi. »

Le malaise de notre société ne serait dû ni au stress délétère de la vie en entreprise, ni au conditionnement libéral prônant la concurrence, la réussite personnelle et la consommation, mais aux femmes, supposées perverses et castratrices. Comment s’y prennent-elles pour déviriliser les hommes ? Elles réclameraient une égalité des droits - les garces ! Et les homosexuels seraient leurs meilleurs alliés - les traîtres ! Ce grand complot, Zemmour l’appelle « féminisme », stratagème idéologique d’émasculation systématique des mâles : « En réduisant les potentialités de désir entre femmes et hommes, le féminisme faisait un bon travail pour les homosexuels. »

Femmes et homosexuels sont présentés comme les ennemis intérieurs. Mais intérieurs à quoi ? À la société patriarcale - que l’auteur entend réhabiliter, pour se refaire une virilité, en fantasmant fort sur l’Islam et sur Bush Junior : « Ces deux modèles répondent déjà à la demande d’ordre qui transpire par tous les pores de la société française, minée par trente ans de désordre féminin. »

Le journaliste sait que ses collègues de droite n’y verront que du feu : provocation de potache, diront les plus critiques. Quant aux énervé-e-s de gauche, plus ils/elles dénonceront la misogynie hallucinée de son livre, plus gonflera sa maigre aura d’intello subversif. Mais il s’adresse d’abord à la « France d’en bas », celle qui aime regarder TF1, trouve Nicolas Sarkozy formidable et Jean-Marie Le Pen plein de bon sens. Et « La société française, minée par trente ans de désordre féminin » n’est ni une provocation, ni un appel misogyne, mais un message politique aisément décryptable : la gauche, protectrice et « maternante », doit être battue en brèche par une droite qui ferait bien de s’inspirer du « nouveau modèle américain bushiste, viril et néoconservateur ».

Discréditer la gauche en passant par la Femme

Viril car néoconservateur : telle est bien la thèse du faucon Zemmour. Celui-ci entreprend de « viriliser » la droite et de légitimer la loi du plus fort, ayant troqué sa veste d’observateur politique pour celle de communicant. En ligne de mire : l’État-providence, qui cajolerait trop ; les aides apportées aux défavorisés, qui les infantiliseraient ; le féminisme, qui cancériserait l’organisme social. Le livre est donc un faux nez crypto-électoraliste : un objet de propagande antisocialiste à destination des non-initiés, et déguisé pour cela en pamphlet hystérique contre la prétendue « débandaison » occidentale d’origine socialo-féministe.

La fracture sociale, bien réelle, disparaît derrière une guerre des sexes inventée de toutes pièces ; invention d’autant plus fallacieuse qu’elle victimise les hommes alors que, de fait, les femmes restent aujourd’hui encore les plus touchées par la précarité. L’essai plante le décor de carton-pâte d’une victoire des femmes sur les hommes afin de décomplexer la droite, le clan de l’autorité - forcément phallique, d’après l’auteur, qui amalgame comme allant de soi féminin et faiblesse. Truqué de la sorte, le face-à-face sombre dans la caricature : gauche laxiste, féministe et dramatiquement moderniste versus droite « adulte », gaulliste et courageusement conservatrice. C’est cette vision binaire que l’auteur espère imposer.

Pour y parvenir, notre prestidigitateur s’inspire des divagations psychanalytiques de Michel Schneider, lequel commettait en 2002 trois cents pages sacrément réactionnaires (Big Mother, Odile Jacob). « Une profession qui se féminise est une profession qui se dévalue », affirme doctement le psy en jouant au journaliste. Zemmour, lui, joue au psy de service : « En se féminisant, les hommes se stérilisent, ils s’interdisent toute audace, toute innovation, toute transgression. On explique en général la stagnation intellectuelle et économique de l’Europe par le vieillissement de sa population. [...] On ne songe jamais - ou on n’ose jamais songer - à sa féminisation. Les rares hommes qui veulent conserver la réalité phallique du pouvoir se barricadent efficacement contre la féminisation de leur profession. Ils agissent comme s’ils étaient des îlots de virilité dans un monde féminisé. On les traite de "machos", ils n’en ont cure. » La parité, on l’a compris, n’est appliquée que par des « nunuches », et les vrais mecs ont raison de vouloir rester les patrons.

Son analyse des jeunes des cités vaut par exemple le détour. Avec des pères « dévirilisé(s) par le chômage », ces derniers se révolterait contre un maternage excessif et aurait presque raison de rejeter la « société française féminisée, qui ne supporte pas la violence, l’autorité virile, [et qui] les exhorte à entrer dans son doux giron. De s’intégrer. » Continuant sur sa lancée, le faucon Zemmour s’envole, et plane : « Ils seront, eux, des hommes, dans cette société de "zessegon". Ils vont "niquer la France". La France, cette femme, cette "salope", cette "putain". Eux, les hommes. Ils vont brûler, détruire, immoler les symboles de sa douce protection maternante, les écoles, les transports en commun, les pompiers. Ils vont caillasser les seuls hommes qu’elle leur envoie pour la défendre : les policiers. Ces flics qu’ils "haïssent". Les seuls qui osent les affronter encore dans un combat entre hommes. Un combat où est en jeu la domination virile. Un combat qui ne peut être qu’à mort. » Une mise en scène digne de Gladiator. Une fausse compassion pour faire passer le message obsessionnel : Gauche = Femme = « Pédé ». À la protection sociale, « maternante », s’oppose une répression virile, héroïsée.

Zemmour définit le pouvoir comme « la capacité au moment ultime de tuer l’adversaire » ; et, en fin psy d’opérette, il dénie aux femmes une telle aptitude, car il manque à celles-ci un pénis pour prendre part aux « combats politiques » où « c’est toujours le mâle dominant qui finit par l’emporter, le roi de la forêt, le caïman. Celui qui, à force de férocité, révèle la faiblesse de ses rivaux, leur féminité inconsciente, qui les transforme en maîtresses transies, quêtant ses faveurs. »

Zemmour aspire à un retour au Père, au pouvoir phallique-répressif, à une politique « couillue » qui cantonnerait à nouveau la femme à son rôle ancestral d’objet sexuel et de ménagère. D’où la confusion totale qui ressort de son essai, accrue par leur désir de refaire le monde à partir d’un pitch, d’une idée-force - la Femme (la mère, la gauche, la solidarité) est un danger pour l’Homme.

Gonflé à bloc, il va même jusqu’à se faire son petit « choc des civilisations », excluant au passage les homosexuels de la sphère royale de la « masculinité » avec un argument dont lui seul a le secret : « De part et d’autre des océans s’affrontent deux férocités : totalitarisme féministe contre tyrannie masculine. Des musulmans jusqu’aux chanteurs de reggae, l’influence homosexuelle est clairement désignée comme une menace à éradiquer. »

Ce que l’on pourrait prendre pour un happening misogyne à la Michel Houellebecq se révèle être un programme obscurantiste à forte teneur électoraliste, visant, à travers une diabolisation brouillonne du féminisme et des femmes, à décrédibiliser l’ascension de Ségolène Royal, rivale socialiste de Sarkozy et peut-être future présidente de la République française. Dans la mesure où il confond sciemment virilité et bestialité afin de viriliser le libéralisme sauvage, Zemmour cautionne dangereusement le lepénisme et le machisme dans un pays où la propagande sécuritaire bat son plein, où l’Assemblée continue de manquer de femmes et où, tous les quatre jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint.

Gandhi dans les dents

En vantant un modèle pétainiste de la gestion de la vie de couple, Zemmour surfe sur le machisme ambiant pour fourguer, en contrebande, une ligne éditoriale moralement conservatrice et économiquement libérale. Il définit le pouvoir comme « la capacité au moment ultime de tuer l’adversaire » ; et, en fin psy d’opérette, il dénie aux femmes une telle aptitude, car il manque à celles-ci un pénis pour prendre part aux « combats politiques » où « c’est toujours le mâle dominant qui finit par l’emporter, le roi de la forêt, le caïman. Celui qui, à force de férocité, révèle la faiblesse de ses rivaux, leur féminité inconsciente, qui les transforme en maîtresses transies, quêtant ses faveurs. » Une conception digne d’Arnold Schwarzenegger. Un bréviaire pour beaufs, bidasses et marchands d’armes.

« Quel est le personnage qui incarne pour vous la virilité ? » demandait, excédé, Michel Blanc au zébulon Zemmour. Balbutiements, embarras... Le questionné hésite à répondre « Napoléon », boucher conforme à ses élucubrations de grand-papa. Alors l’acteur l’envoie dans les cordes : « Parce que pour moi, l’homme viril par excellence, c’est Gandhi ! » Direct du gauche. L’autre, complètement sonné, ne s’en remettra pas.

 Une version légèrement différente de celle-ci a été publiée dans le Bulletin n°437 - Vendredi 14 avril 2006, de http://www.gaucherepublicaine.org> www.gaucherepublicaine.org">ReSPUBLICA.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 avril 2006

Lire aussi

 « Deux livres de Vincent Cespedes. Mélange explosif », par Aude Lancelin, Nouvel Observateur - 20/04/2006.
 « Mélangeons-nous. Une philosophie de l’Autre », peripheries.net, avril 2006.



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Vincent Cespedes, philosophe et romancier

L’auteur vient de publier deux ouvrages : un Contre-Dico philosophique. (Milan), et un essai, Mélangeons-nous. Enquête sur l’alchimie humaine (Maren Sell).



Plan-Liens Forum

  • Zemmour : tolèrerions-nous ce discours s’il s’agissait de noirs ou de juifs ?
    (1/1) 25 janvier 2007 , par





  • Zemmour : tolèrerions-nous ce discours s’il s’agissait de noirs ou de juifs ?
    25 janvier 2007 , par   [retour au début des forums]

    Je connaissais depuis belle lurette ce "grand reporter" Zemmour du Figaro, mais mon inconscient tentait de l’oublier souvent tellement son discours m’enrage chaque fois que je l’entends. Aux Francs-Tireurs cette semaine, à Télé-Québec, Richard Martineau mène devant ce Zemmour une de ses pires entrevues, ne tentant aucunement de remettre en question plusieurs facettes de sa théorie, facilement contestable... Les prémisses selon lesquelles toutes les valeurs de faiblesse, de douceur et de soumission appartiennent intrinsèquement aux femmes sont à elles seules des faussetés trop simples à constater, mais pourtant aucune critique n’a été émise. Son discours est "bourré" de sophismes et de mensonges à ne plus en finir. La seule véracité de ses commentaires est de nous permettre de constater le fascinant talent de laveur de cerveaux peu exercés... Le comble a été ce commentaire final de R. Martineau : "Aux femmes qui ont des fesses !". Et l’autre zouave de répondre :" À Monica Bellucci"...


        Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

    © SISYPHE 2002-2006
    http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin