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samedi 7 juin 2003

Les arguments du discours masculiniste






Écrits d'Élaine Audet



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Il s’agit ici d’illustrer les arguments sur lesquels les masculinistes fondent leur discours de revendication et comment ils tentent de convaincre le public, en passant par les médias, que le mouvement des femmes a fait des hommes les victimes d’un nouveau système social dominé par les valeurs féministes. Les extraits ont été choisis parmi les 374 articles parus dans la presse canadienne francophone et anglophone et retenus pour la recherche.

On constate que la féminisation du système scolaire est le principal cheval de bataille des masculinistes, mais d’autres problématiques sont invoquées pour démontrer la discrimination et le sexisme que les hommes subiraient sur le plan scolaire, dans la famille, sur le marché du travail et dans les cours de justice.

Les arguments du discours masculiniste

Pour s’établir, ce discours affirme que le mouvement des femmes a réalisé l’égalité des sexes et que, grâce à la lutte menée par les féministes, en quelques décennies les femmes ont rattrapé les hommes dans pratiquement tous les domaines. Elles auraient toutefois dépassé les limites de l’équité et relégué les hommes au second rang, même dans les champs qui leur étaient traditionnellement réservés. La situation entre les hommes et les femmes serait donc totalement renversée au profit des femmes.

Voici deux exemples de ce genre de propos qui laissent entendre que partout les filles ont déclassé les garçons. Le premier extrait est tiré de l’article " Pitié pour les garçons ", publié dans l’Actualité (février 1992), et le second est paru dans The Vancouver Sun (1er mars 2000) :
" Être un homme n’est vraiment plus quelque chose de très intéressant", constate un sexologue à la clinique de psychologie Hochelaga et professeur à l’Université du Québec à Montréal. Aux filles, tout semble désormais possible. On leur demande, on les supplie même de faire une carrière scientifique. D’être pilotes d’avion, pompiers, policiers. [...] Pour les garçons, rien ne va plus ! Ils semblent appelés à jouer désormais les seconds violons. Être petit garçon semble complètement "out" aujourd’hui. De plus en plus, la société québécoise n’en a plus que pour ses filles, espoirs de demain, incarnations vivantes d’un monde meilleur et d’un avenir radieux, alors que le garçon est dénoncé comme l’héritier coupable de siècles de violence, de guerre et de destruction " [920201a]14.

" Et voilà que d’un seul coup, le portait a changé. Le profil entier de la victime a changé de sexe. Les garçons piétinent, disent les recherches. Dans toute l’Amérique du Nord, ils ont du retard sur les filles dans la plupart des sujets. Ils abandonnent plus jeunes l’école, ils sont accusés d’être à l’origine de la flambée de violence dans les écoles, ils gobent Ritalin et Prozac et ils se suicident à un rythme alarmant. Et les filles ? C’est la vie en rose, depuis la maternelle jusqu’aux études supérieures, écoles publiques ou privées, écoles mixtes ou non - le monde leur appartient " [traduction, 000301vs].

Le message est clair, à défaut d’être convaincant : pendant que les femmes jouissent d’une vie absolument sans problèmes, tout va terriblement mal pour les hommes.

Dans la famille

Selon le discours masculiniste, le féminisme a renversé " les valeurs essentielles et fondamentales qui concernent la famille " [910724p], donnant encore une fois l’avantage aux femmes. Pendant que celles-ci affirmaient leur autonomie et accédaient à de nouveaux rôles, les hommes, eux, se voyaient privés même de leur identité de père.

" Cette perte d’identité glisse facilement vers le sentiment que le mâle lui-même est devenu inutile. Même son rôle de reproducteur devient très aléatoire... Pendant ce temps, la femme, elle, reste "indispensable" dans son rôle de mère, car le clonage généralisé n’est sûrement pas pour demain. Perçant en même temps dans plusieurs champs d’activités autrefois réservés aux hommes, elle enrichit même son sens de l’identité " [990705dr].

Ce déclassement social de l’homme, amorcé au sein de la famille, se transporte aussi dans le champ des études et du marché du travail.

Dans le champ des études

À l’université, par exemple, il n’y a qu’au doctorat que les hommes ont encore une avance sur les femmes, ces dernières étant devenues majoritaires aux deux premiers cycles :
" La Conférence des recteurs rapporte que, depuis 1994, les étudiantes sont devenues majoritaires aux études du second cycle universitaire : l’an dernier, elles ont formé 51,2 % des inscrits à la maîtrise. Au doctorat, les hommes sont cependant en surnombre, occupant 59,8 % des places. Par contre, la tendance montre qu’année après année, les femmes gagnent du terrain. Comme à tous les niveaux des études universitaires. Tendance "implacable, mais pas inquiétante", glisse avec humour, un recteur " [960928s].

Est-ce vraiment de l’humour ? L’inquiétude semble plutôt bien réelle, car certains proposent une restructuration de l’école pour mieux servir les intérêts des garçons et la mise en place de quotas15 pour ralentir la progression des filles maintenant majoritaires dans des domaines autrefois réservés aux hommes, tels le droit et la médecine. Ce n’est qu’en sciences pures et en génie qu’il leur reste un retard à rattraper.
" Sans une restructuration de l’école qui respecterait mieux les particularités et les intérêts des garçons, les hommes vont se faire de plus en plus rares à l’université. [...] "S’il n y a pas de changement, je serai favorable à l’instauration de quotas [...]. On prendrait les 50 meilleurs gars et les 50 meilleures filles." Verra-t-on les hommes exiger à leur tour des programmes de discrimination positive ? " [940222d].

Devant le constat de la bonne performance des filles, certains y vont de leurs commentaires, comme dans l’article " La misère scolaire des garçons " publié dans La presse : " où sont les femmes parmi les grands inventeurs, les grands architectes, les grands philosophes, les grands explorateurs ? Il faut admettre qu’elles brillent par leur absence dans tous ces domaines " [991025p(3)]. Des propos qu’on pourrait qualifier à tout le moins de mesquins.

Sur le marché du travail

Il faut s’inquiéter de la situation économique des hommes, affirment les masculinistes, car même s’ils dominent encore l’économie, ils en sont en fait les premières victimes :
" Ahuris, certains découvrent que, oui, les hommes dominent encore le paysage économique, mais qu’ils en payent le prix : les hommes enregistrent des taux d’alcoolisme et d’abus des drogues plus élevés que les femmes, ils souffrent davantage que les femmes de maladies liées au stress. Leur taux d’abandon des études au niveau collégial est plus haut et, finalement, la synthèse de tout ça, ils meurent sept ans plus jeunes que les femmes " [980531p].

Les hommes, du point de vue masculiniste, seraient nettement désavantagés par rapport aux femmes, car la somme de leurs privilèges est annulée par le fait qu’elles vivent plus longtemps qu’eux. Ce qui inquiète en fait les masculinistes, c’est que le succès scolaire des filles - ils ne font pas de nuances - risque de leur valoir les meilleurs emplois : dans un contexte de rareté, ce sont ceux et celles qui se distinguent par leurs diplômes et leur formation qui seront avantagés. Ce que les filles semblent avoir saisi, mais pas les garçons.

" Pour compléter le portrait, il faut des données sur les attitudes respectives des jeunes hommes et des jeunes femmes à l’égard de l’utilité des études.

Des recherches récentes révèlent que les adolescents ne semblent pas faire le rapport entre les études et la réussite professionnelle. [...] Ces attitudes s’opposent à celles des adolescentes et des jeunes femmes, qui sont beaucoup plus susceptibles de considérer qu’une scolarité solide est tout à leur intérêt, à longue échéance " [traduction, 990504GM].

Les masculinistes font alors peser la menace du chômage et du déclassement des garçons décrocheurs pour appuyer leur discours de victimisation :

" Depuis 1990, les femmes, au Québec, chôment moins que les hommes [...] Depuis cette date encore, la présence des hommes sur le marché du travail (le "taux d’activité") a continué de chuter (de 75 % à 70 %), tandis que la présence des femmes se maintenait (environ 54 %). [...] Quant à l’avenir, si l’on en juge par les indicateurs du ministère de l’Éducation du Québec, il appartient davantage aux femmes qu’aux hommes. [...] Ne serait-ce pas plutôt le sort des hommes qui devrait nous inquiéter ? " [990315a].

Que dire de l’écart entre 54 p. 100 et 70 p. 100 ? Poursuivant leur stratégie de victimisation des hommes, les groupes masculinistes laissent entendre que si les femmes ont tellement de succès dans tout ce qu’elles entreprennent, c’est que toute l’attention, au cours des dernières décennies, a été tournée vers les filles à qui l’on a pavé le chemin de la réussite. Soit que les mesures en faveur du sexe féminin avaient un effet démobilisateur sur le sexe masculin, soit qu’on ne faisait absolument rien pour s’occuper des garçons.

" "Nous avons songé à ce qu’il fallait changer pour les femmes, et des changements ont été faits, mais rien n’a changé pour les hommes. C’est comme si nous avions oublié l’autre part de l’équation", déclare une directrice du Calgary Counselling Centre et mère de deux garçons. "Si la situation demandait à être rectifiée pour les filles et les femmes, on a supposé que c’était parce qu’elle était favorable pour les garçons et les hommes. C’est faux." Enlever les limitations pour un sexe semble en avoir ajoutée pour l’autre " [traduction, 991112ej].

" Le système scolaire a-t-il laissé tomber les garçons ? Les aurait-il oubliés, durant ces deux décennies où, dans la foulée du mouvement féministe, on a surtout mis l’accent sur la promotion sociale des filles ? C’est en tout cas ce que pensent nombre de parents, dont certains vont jusqu’à dire que l’école entretient, consciemment ou non, un préjugé défavorable envers les garçons... " [991121p].

Ces deux commentaires font sentir la pression de plus en plus forte qui s’exerce sur les décideurs afin que des mesures soient prises en faveur des garçons et pour analyser les raisons de leur triste performance : " les petits garçons ont été les grands oubliés, il est temps de s’y intéresser, de revoir leur éducation, d’admettre leur différence et de favoriser leur développement émotionnel " [980620p(2)]. On a accordé trop de temps et d’espace aux filles.

Les responsables du désarroi des hommes

Pour les masculinistes, qui prétendent bien sûr parler au nom de tous les hommes, les femmes sont les premières responsables de l’infériorisation des hommes. Qu’elles soient mères, épouses, ex-conjointes, enseignantes, administratrices ou intervenantes, elles sont individuellement et collectivement la cause de tous les maux qui accablent le sexe " fort ", elles sont les artisanes du recul des hommes, de leur crise d’identité, de la perte de leurs droits parentaux, etc. Mais pire encore que " les femmes ", il y a les féministes, que les groupes masculinistes démolissent sans ménagement. Ils dénoncent en particulier le " complot " que les féministes, agissant de connivence avec l’État, les juges, les policiers et les médias, trameraient contre les pères et les hommes accusés de violence.

La faute des femmes

Le discours masculiniste accuse le mouvement des femmes d’être la principale cause du désarroi des hommes. D’abord, dans le rapport amoureux, l’homme ne saurait plus comment se comporter devant l’autre sexe, comment être un homme, et cela parce que les femmes ne sauraient plus elles-mêmes ce qu’elles attendent d’un homme, comme l’expriment cet extrait : " l’identité masculine est touchée. "Les gars disent : <=Que faut-il être : rose ? Mauve ? Macho ? On ne sait plus ce que les femmes veulent." "La psychologue et la conseillère d’orientation sont habituées à ce genre de discours" " [000217s].

Dans les relations familiales, les femmes prendraient trop de place. Depuis leur émancipation, accusent les masculinistes, elles ont dépossédé les hommes de leur rôle parental et de leur responsabilité sacrée de pourvoyeur. Ce qui, selon certains, pourrait contribuer à l’augmentation du taux de suicide chez les adultes de 20 à 44 ans. C’est du moins ce que soulève une journaliste dans un article du quotidien Le Soleil publié à l’occasion de la Semaine de la prévention du suicide, en février 2000 :

" Et ce sont les hommes, statistiquement parlant, qui sont le plus lourdement affectés. Certains auteurs y voient un lien avec les gains du féminisme. "Depuis que les femmes ont pris le contrôle de leur fécondité, la place de l’homme dans la famille est devenue facultative, accessoire, écrit-elle. Les rôles sont devenus maintenant quasi interchangeables et l’on ne sait plus très bien s’il subsiste un rôle, autre que biologique, spécifique aux hommes." Le pourvoyeur est en voie de disparition " [000217s].

Dans les cas de divorce et de séparation, dénoncent les masculinistes, le père est privé de son droit de paternité pour ne devenir " qu’un géniteur et une machine à sous " [950215p], les mères s’acharnant à éloigner les enfants de leur père en se réservant la garde des enfants avec la complicité des juges. C’est là un des thèmes bien couverts dans la presse canadienne, et le même type de commentaires revient, année après année : " dans cette société, les pères "perdent leurs garçons cinq minutes après l’accouchement" " [910625p] ; " [...] ils sont oubliés, perdus dans le chambardement causé par les droits des femmes et un appareil judiciaire biaisé qui est largement perçu comme favorable à l’octroi à la mère de la garde des enfants " [traduction, a940608TS] ; " on oublie souvent que les pères [...] n’ont plus de rôle à jouer auprès de leurs enfants. Qu’ils ne se sentent plus utiles [...] la garde partagée est accordée par la mère " [960612dr] ; " ces hommes se sentent dépossédés de leur "parentalité" " [971015a].

Éloigner les pères de leurs enfants a un effet dramatique sur la façon dont les jeunes hommes définissent leur masculinité, soulignent les masculinistes, d’autant plus que, élevés par des femmes en contexte de monoparentalité, les garçons, déjà privés de modèles masculins dans leur univers familial, se retrouvent " dans un monde essentiellement féminin " [950308s] lorsqu’ils fréquentent l’école primaire et secondaire.

La faute des féministes

Les féministes auraient trahi les hommes en manquant à leurs promesses de justice et d’équité entre les sexes. C’est ce qu’affirme le discours masculiniste qui s’applique à miner les acquis du féminisme afin de revaloriser les valeurs masculines traditionnelles de l’avant-féminisme. On trouve plusieurs exemples de la critique du féminisme dans l’ensemble de la presse canadienne, la presse francophone y accordant beaucoup de place. " Le féminisme ne visait-il pas l’élimination du "deux poids, deux mesures" " [traduction, 980307GM], lit-on dans The Globe and Mail. Dans des journaux francophones, on parle d’" un certain féminisme primaire et radical qui a engendré le mépris des valeurs masculines " [991016p] ; des " effets castrants d’un féminisme agonisant " [991231dr] et d’" un féminisme exacerbé et antimasculin " [001024s].

De façon plus concrète, la critique du féminisme s’organise en grande partie autour des reproches adressés aux systèmes scolaires " féminisés ", mais elle se consacre également à la dénonciation du prétendu complot féministe dirigé contre les hommes.

La féminisation de l’école

Les féministes auraient imposé à l’école leurs valeurs et leur vision du monde, rejetant et reniant du même coup tout ce qui est masculin. Un tel système scolaire n’étant pas adapté aux garçons, ces derniers vivent des troubles d’apprentissage qui ont pour conséquence de diminuer leur intérêt pour les études. Les extraits de journaux et revues qui suivent donnent un aperçu des reproches qui sont faits au système scolaire, l’idée centrale étant de recréer une école où les garçons pourraient de nouveau décider des règles du jeu.

  Les méthodes d’enseignement et les programmes féminisés ne correspondent pas à la nature masculine. Les garçons s’ennuient et décrochent : " à mon avis - que partagent bien des experts - bien des adolescents s’ennuient dans les écoles publiques. Je ne pense pas que ce soit forcément de leur faute. Les programmes d’études actuels peuvent être plutôt assomants pour des jeunes hommes virils " [traduction, 000208vp].

  L’approche de coopération et d’entraide que favorisent les enseignantes féministes ne peut donner aux garçons la motivation dont ils ont besoin pour " performer ". Pour réussir, ils ont besoin de compétition et d’une discipline spartiate : " un psychologue se demande aussi si les garçons, plus turbulents, n’auraient pas besoin d’une supervision plus étroite, d’une discipline plus musclée. "Les garçons sont-ils bien servis par la manière dont on encadre les enfants aujourd’hui ?" demande-t-il " [990316d(3)].

  Les classes mixtes ne permettent pas aux garçons d’extérioriser leur masculinité et les mettent en présence de filles plus avancées dans leur processus de maturation. Ces classes sont faites sur mesure pour les filles qui sont " naturellement " dociles, obéissantes, conformistes et qui aiment plaire, alors qu’elle contredisent la " nature " des garçons qui est de bouger, de se chamailler et d’ignorer les consignes qui bloquent leur épanouissement créatif : " aux dires d’un professeur, les filles s’accommodent mieux du milieu scolaire qui exige le conformisme, la discipline, la minutie, etc.. "Il y a une énergie instinctive des garçons qui est réprimée à l’école", pense-t-il " [940222d].

  Lors des évaluations en classe, les enseignants, des femmes en grande majorité, feraient preuve d’un préjugé sexiste envers les garçons. On avance même que " les questions des examens semblent systématiquement biaisées en faveur des filles " [990610p] et que les chercheurs soupçonnent " l’existence d’un préjugé défavorable aux garçons dans les salles de classe " [991121p].

  Parmi les matières qui font l’objet d’examens provinciaux, ceux qui portent sur la langue maternelle, le français ou l’anglais, auraient un effet discriminant sur les garçons. Si ces derniers prennent du retard sur les filles à l’école, ce serait en partie parce qu’ils auraient tendance à considérer que la langue, l’écriture et la littérature sont des activités féminines. Au lieu de reconnaître là l’effet d’un stéréotype sexiste, les masculinistes rétorquent que les livres choisis par les enseignantes correspondent plus aux goûts des filles, et que les professeurs manquent d’équité dans la correction des travaux d’écriture.

" Pour ce qui est de l’écriture, une recherche a montré que les enseignants tendaient à donner plus de poids à la forme et moins au contenu lors de la correction d’écrits produits par les filles, et à faire le contraire pour les textes des garçons. Selon un professeur, [...] le contenu des textes qu’on fait lire aux élèves intéressent davantage les filles " [990610p].

  Le fait qu’il y ait très peu d’enseignants masculins au primaire et au secondaire désavantage les garçons. Non seulement ils sont placés dans un environnement presque entièrement féminin, mais l’absence de modèles masculins risque de diminuer d’autant l’intérêt des garçons pour les études : " l’exode professionnelle des hommes dans le corps enseignant pourrait, à la longue, voler à nos enfants la possibilité d’observer des modèles masculins très divers ainsi que la saine collégialité entre les sexes dans le tout premier milieu de travail que la majorité des élèves voient quotidiennement de l’intérieur - l’école " [traduction, 990901tsun].

Tous ces éléments sont rassemblés en un urgent appel pour un système scolaire qui n’avantagerait plus les filles, mais laisserait les garçons être des garçons, quoique cela veuille dire : " nous ne voulons pas que nos garçons décrochent, nous voulons que nos garçons soient compris, acceptés comme des garçons. Nous ne voulons pas que les écoles en fassent des hommes roses, des peureux, des faux garçons " [991113p].

Le complot féministe

Les masculinistes aimeraient bien que la famille retourne aux valeurs traditionnelles et que l’homme y retrouve la place qu’il y occupait jadis. Mais sous la pression du féminisme, disent-ils, les lois ont changé au détriment des hommes, et bien des hommes sont accusés faussement de violence et d’abus, et privés injustement de leurs droits. Ici le discours tourne surtout autour de la définition abusive que les féministes auraient donnée de la violence, de l’affirmation que les femmes seraient aussi violentes que les hommes, du sexisme de l’appareil judiciaire et du partage inéquitable des ressources entre victimes et agresseurs dans les cas de violence conjugale.

  Lorsqu’elles définissent la violence, les féministes charrient, affirment les masculinistes. La méthodologie qu’elles adoptent dans leurs recherches pour démontrer la violence des hommes est contestable et elles généralisent les comportements violents à l’ensemble de la classe des hommes. La généralisation abusive est pourtant une caractéristique du discours masculiniste, comme nous le verrons au chapitre 5. Les féministes confondraient la force et l’agressivité " naturelles " des hommes avec la violence, ce qui fait qu’elles en voient partout. Même le crime de Marc Lépine, selon certains tenants du discours masculiniste, ne devrait pas être traité avec tant d’exagération :

" Elles affirment régulièrement que la leçon la plus saillante de la tuerie à l’École polytechnique est que notre societé est trop violente et que nous - c’est-à-dire vous les hommes et les garçons - devons apprendre dès notre plus tendre enfance à être doux et gentils. [...] Le geste posé par Lépine est horrible non parce qu’il est violent, mais parce qu’il est criminel. Pourquoi les féministes ne veulent-elles pas le reconnaître ? " [traduction, c941210fp] ?

  Les hommes et les femmes sont aussi violents les uns que les autres, affirment les masculinistes, et il serait temps que les chiffres qu’affichent les féministes dans leurs recherches incluent les hommes victimes de violence conjugale : " "une femme sur cinq serait victime de violence conjugale [...] Mais plusieurs études universitaires concluent qu’un homme sur cinq l’est aussi !" Si ces chiffres sont exacts, comment ont-ils pu ne jamais être dévoilés ? Deux obstacles majeurs expliqueraient le phénomène, d’après les masculinistes : le complot féministe - évidemment ! - ainsi que l’indifférence des médias et des gouvernements " [9807CHAT].

  Les hommes accusés à tort ou à raison de violence conjugale sont présumés coupables et deviennent les victimes d’un " véritable terrorisme judiciaire fondé sur le sexisme " [000916d]. Les juges ont tendance à croire les femmes et, malgré toute la bonne volonté des pères, ils décident toujours en faveur des mères, privant les hommes de leurs droits parentaux. Pour un homme, la bataille judiciaire est perdue d’avance : " pour un homme, ça ne sert à rien de se battre contre le système. Il risque de se retrouver au criminel. Quand un homme apprend que sa conjointe a enclenché le processus du divorce, il ne lui reste plus qu’à mettre son linge dans des sacs verts et louer un petit logement dans un sous-sol " [970425s].

  Le refus de la part du gouvernement d’accorder les mêmes ressources aux hommes en détresse psychologique qu’aux femmes de victimes de violence conjugale est considéré comme une mesure sexiste et appuie l’idée d’un complot.

" Derrière chacun des 24 hommes, il y aurait donc autant de meurtrières ! Non seulement ces chiffres permettent de remettre en question l’actuelle répartition inégale des fonds publics entre les hommes et les femmes dans la lutte contre la violence, mais aussi toute la politique actuelle d’arrestations arbitraires, appliquée pratiquement seulement aux hommes, et le traitement judiciaire des hommes, qui frise la parodie : les policiers menacent l’homme pour que l’ex-conjointe puisse s’accaparer sa maison ; les procureurs de la Couronne représentant le ministère public cachent à l’accusé la déclaration écrite de la plaignante pour qu’il ne puisse se défendre, ce qui est quasiment illégal [...] " [980410d].

Pour terminer cette partie sur les responsables de la misère des hommes, citons ces paroles du président du Groupe d’entraide aux pères et de soutien à l’enfant qui, très sûr de lui et comme s’il parlait au nom de tous les hommes, affirme : " les féministes de la fin des années 1990, c’est nous autres. Parce qu’on réclame l’égalité des sexes ! " [970129s].

La justification des hommes et des garçons

En plus d’expliquer les problématiques masculines par l’oppression dont ils seraient victimes de la part des femmes et des féministes, les groupes masculinistes s’appuient sur des arguments d’ordre culturel et sociobiologique pour rendre compte des difficultés que connaît le sexe masculin lorsqu’il est confronté à des femmes de plus en plus accomplies et sûres d’elles. Dans une société où la violence fait constamment la une des journaux et qui accuse les hommes d’en être les premiers porteurs, il leur faut justifier les comportements agressifs du sexe masculin. Ils ont alors recours à des types de justifications qui permettent de déculpabiliser l’homme et de rejeter toute faute sur des aspects inchangeables de son être, puisqu’au fondement de la " nature " masculine.

Les arguments d’ordre culturel

Parmi les arguments d’ordre culturel les plus souvent repris par le discours masculiniste, on retrouve l’expression particulière de la souffrance des hommes et les effets de la socialisation à des rôles sociaux particuliers.

La souffrance des hommes ne serait ni comprise ni acceptée. La société s’attendrait à ce que les hommes cachent leur souffrance, se montrent forts. Ce qui rendrait très difficile pour les hommes de demander de l’aide lorsqu’ils ressentent de la détresse. Le lien est alors fait avec le suicide comme solution efficace à la douleur : " "la société valorise l’autonomie et l’indépendance au masculin et elle stigmatise l’expression de la souffrance et la demande d’aide". En fait, les hommes expriment mal ou peu leurs sentiments, alors "la souffrance se manifeste par l’"agir"". Ainsi, le suicide serait souvent l’ultime tentative pour reprendre le contrôle sur sa vie, sa douleur " [000214d].

Les femmes en particulier refuseraient d’entendre la souffrance des hommes, de reconnaître qu’eux aussi souffrent lors d’un divorce ou quand ils sont séparés de leurs enfants : " les hommes séparés ou divorcés souffrent, dit-on, plus durement que les femmes. Ça dépend de "leur faible niveau de soutien social". Souvent, a-t-on noté, c’est la conjointe, l’épouse, qui était leur "seule source d’affection et d’intimité". D’où la solitude, qui concourt à la vulnérabilité " [000217s].

Par ailleurs, les hommes exprimeraient mal leur souffrance. Lorsqu’ils expérimentent la détresse, le rejet, plutôt que de chercher de l’aide, ils préféreraient passer à l’action, que ce soit par une violence tournée contre eux-mêmes, comme le suicide, ou par des gestes violents dirigés vers d’autres : " tout le modèle masculin commande le refoulement des émotions. Ils doivent régler leurs problèmes tout seuls sous peine de renier leur virilité. Survient un drame familial, les hommes refusent souvent l’intervention d’un médiateur et se suicident après avoir nié l’aide qu’on leur offrait " [981027d].

Au Québec, la souffrance de l’homme serait encore moins acceptée qu’ailleurs, selon un chercheur et professeur de service social à l’université McGill :

" L’image de l’homme québécois renvoie non seulement à l’idée de pouvoir et de privilèges, dit-il, mais elle renvoie aussi au père absent, au batteur de femmes, au pédophile, au prédateur sexuel et au violeur, bref au mâle complètement immoral, au bourreau qui ne saurait souffrir. "[...] C’est une souffrance qui n’est pas accueillie, qui n’a pas d’espace" " [000218s].

La socialisation à des rôles masculins est de plus en plus problématique, soutiennent les masculinistes, du fait de l’absence d’hommesdansl’environnementquotidien des garçons, que ce soit dans la famille où un nombre croissant d’enfants vivent sans leur père, ou à l’école où les enseignants masculins se font toujours plus rares. Refusant de calquer leur agir sur leur mère membre de " l’autre sexe ", les garçons se tournent vers leurspairs pour découvrir ce qu’est la masculinité et combler " le grand vide " laissé par l’absence du père :

" Pour les enfants, leur modèle est d’abord celui de leurs parents. Pour un garçon, ce modèle est le père. Son absence crée un grand vide que le jeune garçon a beaucoup de difficulté à combler. Je crois que l’absence du père a une relation directe sur la non-performance du garçon " [991025p].

Les arguments reliés à la biologie

Le discours masculiniste a de plus en plus recours à ce type d’arguments par lesquels il voudrait bien prouver que les hommes sont vraiment différents des femmes, qu’on ne pourra jamais changer la nature masculine et qu’il faut simplement laisser les garçons être des garçons, comme ils le répètent souvent. Nous ne donnons ici que quelques extraits de ce type d’arguments afin d’illustrer brièvement la forme que prend cette justification des comportements masculins.

 Les effets de l’évolution pour " expliquer " la violence et les " abus de pouvoir " de l’homme :

" Comme si deux millions d’années d’évolution n’avaient laissé aucune trace dans les circuits neuroniques du cerveau mâle. [...] Si l’homme primitif était devenu l’homme émotif, personne aujourd’hui ne serait ici pour en parler, la race humaine serait simplement disparue. Cela peut expliquer une foule d’abus de pouvoirs (physiques) de l’homme, même si ça ne les justifie pas " [991231dr].

  Le chromosome XY, pour rendre compte du fait que les garçons expriment différemment leurs émotions :

" Selon un thérapeute familial américain, Michael Gurian, auteur de l’ouvrage The Wonder of Boys, cela commence au moment de la conception - selon lui, les garçons vivent des émotions différentes en raison de l’effet du chromosome XY sur la structure du cerveau et du taux de production de cette "infâme" hormone, la testostérone. Peu importe, partout dans le monde, les chercheurs ont brossé un tableau remarquablement uniforme de la vie émotive des filles et des garçons, et ils sont aussi différents que Barbie et l’Incroyable Hulk " [traduction, R9908Chat].

  La faiblesse des garçons sur le plan neurologique expliquerait les difficultés d’apprentissage des garçons : " une légère différence dans la capacité neurologique de traiter l’information verbale ou non verbale peut faire toute la différence. Or, les garçons sont plus fragiles sur le plan neurologique " [970104d].

  La testostérone explique pourquoi les garçons ont un comportement plus aggressif que les filles : " l’hormone mâle, la testostérone, influence aussi probablement le comportement. [...] L’agressivité étant en partie innée, peut-on réussir, comme certains le désirent, à l’éliminer du comportement humain ? " [920201a].

  Fonctionnement différent du cerveau, différents types d’intelligence et différences cognitives :

" En se basant sur des études en sciences de l’éducation, le Conseil supérieur de l’éducation dit aussi que les styles cognitifs y sont pour quelque chose, c’est-à-dire la façon qu’ont les garçons et les filles d’emmagasiner et utiliser les informations qui leur sont transmises. Par exemple, les garçons seraient davantage enclins à l’analyse de situations parce qu’ils sont confrontés à leur milieu physique dès la petite enfance. Les filles, qui sont plus poussées à l’exploration du monde social, développeraient une pensée plus holistique " [991014JQ2].

  Un processus plus lent de maturation chez les garçons que chez les filles :

" Pourquoi les gars ne réussissent-ils pas à l’école ? Une des composantes les plus simples : parce que la croissance de la fille et du gars n’arrive pas en même temps. Les filles ont leur poussée de maturité plus tôt que les gars. Cela met des petits gars en compétition avec des grandes filles. De plus, comme les filles sont plus grandes, elles donnent le ton à 1a classe et la pédagogie s’axe sur celles-ci " [991021s].

Le recours aux théories sociobiologiques permet de soutenir que les hommes et les garçons sont victimes de discrimination à cause de leur nature particulière, de faire valoir que le système scolaire féminisé n’est pas adapté aux styles d’apprentissage des garçons et de justifier la violence et l’agressivité en invoquant des facteurs sur lesquels ils n’exercent aucune maîtrise.

Comparaison qualitative entre la presse anglophone et francophone

Comme nous l’avons vu lors de la compilation des données d’interprétation, l’analyse qualitative des journaux et des revues de la presse anglophone et francophone permet d’abord de constater que le discours masculiniste est à peu près le même partout au Canada. En 10 ans, il a pris beaucoup de vigueur et ajouté de nouveaux arguments à sa stratégie de victimisation du sexe masculin. De la simple dénonciation de situations jugées inacceptables par les masculinistes, on est passé à un discours plus " construit " qui vise à gagner l’appui d’un nombre grandissant d’individus et d’institutions qui se laissent convaincre des soi-disant abus du féminisme. Qui aime penser que " son " fils est sur la pente de l’échec ?

Anglophones et francophones se servent des mêmes événements locaux, régionaux ou nationaux comme tremplins pour leurs revendications, se gardant toujours de parler des avantages et des privilèges des hommes et des garçons à l’échelle internationale. Il serait sans doute risqué pour les masculinistes de reconnaître les faibles taux d’alphabétisation et la pauvreté des femmes dans la plupart des pays du monde. Le ton pris par les masculinistes dans la presse anglophone est parfois moins agressif que chez les francophones dans la critique qui est faite de la féminisation de l’école. Le discours se concentre sur la dénonciation d’un système scolaire sexué qui ne répondrait pas aux besoins spécifiques des garçons, risquant ainsi, à court et à long terme, de nuire à l’insertion des garçons dans le marché de l’emploi.

Ce qui frappe le plus, chez les francophones québécois, c’est la façon dont les groupes masculinistes se portent à la défense du sexe masculin. Comme s’ils étaient les seuls à pouvoir affronter les femmes et les féministes, ils dénigrent leur propre sexe :

" [...] ils sont devenus des moumounes fugitives, un trait par ailleurs prédominant au Québec. Vérifiez-le auprès de n’importe qui : les hommes du Québec sont pires que les autres, ils démissionnent à la première contrariété et draguent comme des sous-carpettes. Cela est dû, paraît-il, à un mélange de complexe du colonisé et d’héritage matriarcal castrateur que le féminisme et la hausse du taux de chômage (le pourvoyeur étant maintenant dépourvu) ont achevé d’exacerber " [991021d].

Ce discours peut sans doute plaire à des hommes qui ne demandent qu’à se considérer comme des victimes, mais comment pourrait-il convaincre ceux qui reconnaissent que le mouvement des femmes a contribué à les libérer des valeurs traditionnelles et patriarcales que les masculinistes défendent.

Constatons enfin que les groupes masculinistes anglophones et francophones savent profiter au maximum de l’espace que leur offrent les médias. Une meilleure utilisation de cette force médiatique pourrait, selon un porte-parole du mouvement masculiniste rempli de confiance et d’espoir, " signifier l’émergence d’un mouvement social ou au moins d’une prise de conscience face à un féminisme exacerbé et antimasculin " [970131p]. Très conscients du pouvoir de persuasion qu’a la presse écrite sur les esprits, dans un monde où le savoir et l’information se transmettent au public de plus en plus par la voix des médias, les masculinistes optent pour l’expression politique et sauteront sur toutes les occasions de voir publier leurs propos. Hey et al. (1998, p. 129) rapportent que certains virages en faveur des garçons n’avaient pas été possibles avant, en Grande-Bretagne, " parce que les travaux antérieurs n’avaient pas engendré une expression politique - doublée d’activisme - au sujet de l’équité qui allait au-delà de simples revendications concurrentielles sur l’oppression " [traduction].

(Fin des extraits)

On peut télécharger le document intégral en format html ou PDF sur le site de Condition féminine Canada.

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