« J’ai des réactions exagérées par rapport à des événements anodins », est
la phrase que j’ai lancé à l’intervenant de l’Accord Mauricie lors de ma
première rencontre pour exprimer que je croyais avoir un problème de
comportements. Elle démontre essentiellement deux choses. Ma détresse, celle d’un homme mal dans sa peau, mais surtout que je rationalisais et minimisais la gravité de mes actes.
Suite à mon intégration à un groupe de thérapie où je ne me sentais pas à ma place entouré de « vrais hommes violents », je me promettais bien de leur montrer qu’ils m’avaient mal évalué et prouver à ma conjointe qu’elle aussi se trompait. C’est à la quatrième rencontre que j’ai balbutié de façon presque inaudible « je suis violent ».
La honte. Pas uniquement ni principalement d’avoir des réactions violentes, non, la honte d’être ce que j’étais, un homme insécure et immature dont l’estime et la confiance personnelle étaient faibles. « Je me sens comme un petit garçon de huit ans caché dans une armure ». Ces mots, je les ai prononcés devant deux hommes (intervenants) qui m’ont confrontés à ma non-responsabilisation face à mes actes violents alors que j’étais en crise suite à la décision de ma conjointe de me quitter trois mois après le début de la thérapie.
C’est à partir de ce moment, parce que je me suis engagé dans la thérapie
pour moi et non pour sauver la relation de couple, que véritablement le
travail a débuté. J’ai d’ailleurs observé que c’était la motivation première
de la majorité de ceux que j’ai côtoyés durant les vingt-huit semaines qu’a durée la thérapie de groupe.
Le but premier en groupe est de cesser d’agir de façon violente en nous
responsabilisant de nos actes, ce que j’avais alors conscientisé et intégré.
Au début, j’avais comme la plupart des participants ce qu’ils appellent à l’Accord, la « s’t’à cause aigue » ! C’est à cause de tout à l’extérieur de soi : conjointe, travail, parents etc. Donc j’étais victime et non responsable.
Si cette prise de conscience n’a pas tout réglé, elle m’a permis de me
prendre en main. Ensuite, j’ai décidé de poursuivre ma thérapie en individuel avec un intervenant de l’Accord durant les quatre années suivantes afin de nettoyer plus en profondeur et défaire de vieux noeuds serrés.
Pour vous parler des changements opérés en moi, je ne décris pas ici les
causes profondes dues à mon enfance, ni des legs parentaux à l’origine de mes comportements violents ni même de mes agissements en tant que tel, mais plutôt de ce qui m’animait et surtout, ce que je ressentais à ce moment-là. Puis, aujourd’hui.
Oui, un p’tit gars en culotte courte dans un corps d’homme, avec des responsabilités d’homme et accomplissant des tâches d’homme dans un monde d’adultes où, particulièrement en compagnie de femmes adultes, je me sentais inférieur. Les frustrations de ne pas me sentir à la hauteur de mes propres désirs, besoins et attentes que la partie adulte en moi (rationnelle) semblait légitimement être en mesure d’assumer mais que celle qui était demeuré immature (affective) elle ne le pouvait, finissaient invariablement par se transformer en colères refoulés et émergeaient en réactions violentes. Enfantines. Oui, un petit garçon. Je me sentais en moi comme tel et c’est ce qui était. Blessé enfant, je m’étais protégé et construit une carapace, une belle armure, vous connaissez ?
Je projetais l’image du bon gars docile et aimable. Un homme attentionné et serviable que tous trouvaient sympathique. Mais tout au fond de moi, je rageais contre moi-même de ne pas être capable de m’affirmer, de me choisir et de me respecter. C’est alors que je rendais les autres coupables de mes mauvais choix et de ne pas me respecter. Ils étaient responsables des situations où je ne me sentais pas à ma place, pas à la hauteur, n’étant pas en mesure de m’assumer et trop honteux pour me l’admettre.
Ça vous semble anodin ? À moi aussi ça me semblait être niaiseux, mais ça ne l’est pas et c’est ce que ces gars-là, à l’Accord, m’ont appris. Ne refoule pas tes émotions, vis-les, ressens-les, laisse-les t’habiter, c’est normal, tu as le droit de les exprimer, alors exprime-les. Et c’est ce que je me suis permis, de m’exprimer sans jugement négatif envers moi-même. Oser affronter mes peurs du ridicule, du rejet et de me tromper, c’était me redonner le droit de reprendre le pouvoir sur mes choix et mes décisions. C’était me redonner le droit de vivre libre des contraintes extérieures scénarisées par mes peurs maintenant démystifiées, qui auparavant me tenaient figé, puis réactif, violent.
Comment je me sens aujourd’hui ? Vivant. Heureux de ressentir la vie. Choyé d’avoir un amour propre sain et valorisé. Fier de qui je suis, du chemin parcouru par mes efforts et par l’aide reçue. Reconnaissant envers ceux qui m’ont appuyé. Confiant, vigilant et indulgent envers moi-même, à l’écoute de mon être. Connecté avec la réalité, la mienne et celle de mon entourage. Comblé d’occuper un emploi où je me reconnais pleinement. Ravis de faire partie d’un réseau social adéquat. Riche de la relation chaleureuse avec mes enfants. Amoureux d’une femme avec qui je partage dans un climat de confiance et d’ouverture. Privilégié d’être en mesure de choisir à chaque journée ce qui me convient ou pas.
Ne pas choisir réellement en fonction de soi revient à laisser le serveur
manger notre plat favori et à régler nous-même l’addition. Frustrant. Aujourd’hui, je choisis ce que je vis, j’y goûte avec satisfaction et suis heureux de l’assumer.