Dans le cadre de la journée internationale des femmes , le groupe féministe Pour les droits des Femmes Québec a organisé une soirée intitulée « Les Fées ont toujours soif » au resto Robin des Bois de Montréal, le 7 mars dernier. Pour l’occasion, 40 ans après la polémique déclenchée par la pièce de théâtre de Denise Boucher, les invitées vont discuter de ces « Fées » : que sont-elles devenues, quels combats endossent-elles présentement, sont-elles toujours aussi assoiffées de liberté, d’égalité des droits ? Dans ce contexte, Johanne St-Amour, féministe et collaboratrice de Sisyphe nous livre sa version de la situation actuelle des « Fées ».
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J’ai eu des nouvelles des fées
Les fées sont accablées
Blasées
Fatiguées
Tellement fatiguées
J’ai eu des nouvelles des fées
Des fées sorties de la terre
Des fées sorties de la froide mer
Ont disparu
Ont été assassinées
On ne sait où bien sûr
On ne sait comment
On se doute du pourquoi
Mais on n’en saura pas plus
Ce n’est pas important
Elles avaient déjà perdu leur langue
Et les habits de leurs mères
Alors…
J’ai eu des nouvelles des fées
Marie n’est plus seule
On la cache
Sous un goudron de voiles
On dirait un corbeau
Des fées sont momifiées
L’oiselle a une cage
Un grillage
On la tchadore
On la burkinise
On la niqabise
C’est la mode
Les grands couturiers exploitent
ces tissus de mensonges
D’autres fois
Elle se tchadore
Elle se burkinise
Elle se niqabise
Dans les pays libres
C’est son choix
Qu’elle dit
Narguant les assoiffées
De liberté
Qui veulent tomber le drap
Cette prison
Mais à qui on ouvre grandes les portes
D’une autre prison
Parfois on fait plus léger
Le marqueur est plus léger
Mais toujours un marqueur
Toute petite
Toute petite
On lui fait jurer
De ne jamais se dévoiler
Au nom de la pudeur
Au risque de provoquer
Au nom d’un Dieu caché
Qu’on ne peut dessiner
Et d’autres Dieux
Qu’on porte aux nues
Homme qui se prend pour Dieu
Fait toujours sa loi
D’autres fois
Les désespérées
Étirent
Leur long khimar
Vers le ciel
Et pendent
Leurs atroces souffrances
J’ai eu des nouvelles des Fées
Marie, on la marie au berceau
À ses grands-pères
On lui recoud l’hymen
On coupe ses petites lèvres
On coupe ses grandes lèvres
On coupe son clitoris
Mais ce n’est pas barbare
Le premier l’a dit
On la met en exil menstruel
On lui maquille les petites lèvres
On lui maquille les grandes lèvres
On lui maquille le clitoris
J’ai eu des nouvelles des fées
Leur bouche brûle
Leur vagin est molesté
Leur anus est en solde
L’acheteur ne sait pas aimer
Il les commande sur mesure
Grosseur des seins
Grandeur des jambes
Couleur des cheveux
Couleur des yeux
Couleur de la peau
Épilée à la brésilienne
Jeune
Très jeune
Écolière
Infirmière
Dominatrice
Dominée
Négocie leur consentement
Se fout de leur désir
Se fout de leur plaisir
Viande blanche ou brune
Au menu
Dit l’annonce
Attention
Ses performances seront évaluées
Sur le site des bêtas
Deux trois escortes de luxe
Mènent le bal
Elles crient à la liberté
De marchander leur corps
Au pouvoir supposé
de faire jouir
Des féministes condescendent
Après tout
Les femmes pauvres
Ont bien le droit de gagner leur vie
C’est ça ou le MacDo
Faut être solidaires
Quel beau choix de carrière
Pour nos filles
Et nos garçons
vulnérables !
Ces féministes ont donné aux hommes
Un droit de les acheter
Pas d’Amnistie pour les femmes
Mais on le savait
Amnistie
C’est pour les droits des hommes
Même Médecins sans frontières
Plaide
Pour un corps des femmes
Sans frontières
J’ai eu des nouvelles des fées
Les fées crient
Au génocide
Au féminicide
Parce qu’on les tue
Cela s’entend
De tous les horizons
Tous les 2 jours et demi
Une fée est tuée
J’ai eu des nouvelles des fées
Depuis toujours
Peut-être plus souvent qu’avant
Les fées sont agressées
Mais moi aussi
Moi aussi
Moi aussi
Ramène l’écho à l’infini
Infini
Infini
On veut bien les croire
Mais pour la justice
Faudra voir
J’ai eu des nouvelles des fées
La mère elle...
La mère ?
Ah ! Ah ! Ah ! La mère !
Mais quelle mère ?
Qu’est-ce que la mère ?
Qu’est-ce que la femme ?
La mère fout le camp
La femme fout le camp
Genre
La mère n’est plus
La mère est un homme
Pas de couilles
La femme est un non-homme
Même que la femme a un pénis
Une barbe
Une grosse voix
La mère n’est plus enceinte
Elle qui se dit il
Impose d’être enceint
Je ne suis personne
Est revenu par la porte d’en arrière
La mère est aussi un incubateur
Dont on achète l’enfant
Parce que les gènes sont sans gêne
On loue les fées
Et on achète ses enfants
Parfois treize à la douzaine
Et le catalogue est infini
Sexe
Couleur des cheveux
Couleur des yeux
Couleur de la peau
Des gamètes intelligents
Choix de la religion
Et même de l’espace entre les yeux !
Maladie mentale
Alcoolisme
Obésité Out
L’eugénisme est revenu
Par la porte d’en avant
Sans génie !
Oui, mais les femmes
Sont tellement fines
Tellement
Tellement altruistes
Les femmes
Elles ont le cœur tellement grand
Elles ont tellement le cœur sur la main
Les deux mains sur le cœur