Le militant pour le droit des pères Andy Srougi a subi un nouveau revers en justice. La Cour du Québec a rejeté hier sa poursuite en diffamation de 24 000 $ contre la revue de gauche À Bâbord ! et une collaboratrice.
Srougi, la figure la plus connue du mouvement Fathers for justice, n’a tout simplement pas réussi à démonter qu’il avait été lésé par un article de la militante féministe Barbara Legault, publié en 2006. « La preuve en l’espèce est non seulement lacunaire mais absente », a tranché le juge Henri Richard.
L’article en litige traitait essentiellement du mouvement masculiniste au Québec, décrit par Mme Legault comme « une forme spécifique d’antiféminisme » attribuant aux femmes la responsabilité de tous les déboires subis par les hommes. Une note en bas de page identifiait Father for justice comme un groupe masculiniste et relatait un incident de 2006 au cours duquel des féministes avaient dû appeler la police en renfort pour empêcher Srougi de participer à une soirée-spectacle où il n’était pas le bienvenu.
Andy Srougi a soutenu en Cour que la publication de l’article l’avait plongé dans « une détresse émotionnelle » caractérisée par des épisodes d’insomnie, des maux de tête et « énormément de stress ». « Tout au plus, selon la preuve présentée, les propos de Mme Legault peuvent avoir causé à M. Srougi ce qu’il est convenu d’appeler des "hurt feelings" », a estimé au contraire le juge Richard.
Le juge Richard a complété enfin son jugement d’une sérieuse mise en garde à l’intention du mouvement masculiniste. « Le tribunal souhaite, malgré les débats acrimonieux qui ont pu exister et les différences fondamentales de vues, que les discours des partisans des droits des hommes et des pères cessent de contenir des attaques personnelles à l’encontre des groupes féministes. Il en va de la crédibilité et de la légitimité [de leurs] revendications », a-t-il écrit.
L’éditeur de la revue À Bâbord !, Claude Rioux, a accueilli le jugement avec un immense soulagement. « Les frais de Cour ne nous ont pas tué, mais si on avait été condamnés à payer 24 000 $, c’est sûr qu’on fermait boutique », a-t-il dit.
Grâce à ce jugement, les ténors du mouvement masculiniste y penseront deux fois avant de poursuivre des éditeurs ou des médias, estime M. Rioux. Dans l’immédiat, À Bâbord ! retrouve sa pleine liberté. « De la réception de la requête d’Andy Srougi jusqu’à ce jour, on a fait semblant que le mouvement masculiniste n’existait plus dans notre revue. On s’est autocensuré de peur de provoquer d’autres poursuites, a-t-il expliqué. Sans faire exprès pour provoquer Andy Srougi, s’il y a des choses à dire sur ce mouvement, maintenant, on va les dire. »
– Dans Le Devoir d’aujourd’hui.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 septembre 2008